Yves Saint Laurent
France : 2014
Réalisateur : Jalil Lespert
Scénario : Jalil Lespert, Marie-Pierre Huster, Jacques Fieschi
Acteurs : Pierre Niney, Guillaume Gallienne, Charlotte Le Bon, Laura Smet
Distribution : SND
Durée : 1h40
Genre : Biopic, drame
Date de sortie : 8 janvier 2014
Globale : [rating:3,5/5][five-star-rating]
Depuis Des vents contraires, on sait que Jalil Lespert sait non seulement faire l’acteur mais aussi qu’il fait un très bon réalisateur. En accordant une grande importance au choix du casting et au travail du scénario, Lespert livre avec Yves Saint Laurent le biopic surprenant d’une figure de la mode mondialement célèbre, mais il ne s’arrête pas là…
Synopsis : Paris, 1957. A tout juste 21 ans, Yves Saint Laurent est appelé à prendre en main les destinées de la prestigieuse maison de haute couture fondée par Christian Dior, récemment décédé. Lors de son premier défilé triomphal, il fait la connaissance de Pierre Bergé, rencontre qui va bouleverser sa vie. Amants et partenaires en affaires, les deux hommes s’associent trois ans plus tard pour créer la société Yves Saint Laurent. Malgré ses obsessions et ses démons intérieurs, Yves Saint Laurent s’apprête à révolutionner le monde de la mode avec son approche moderne et iconoclaste.
La mode, mais pas que
Bien entendu, on ne peut faire un film sur Yves Saint Laurent sans parler de mode. Au centre de l’histoire, l’esprit créatif de Saint Laurent expose ses robes de haute-couture et de prêt-à-porter à en donner le tournis. Aidé par la fondation Bergé-Saint Laurent, Jalil Lespert fait tourner ses acteurs dans des décors et des costumes originels ce qui apporte un gros plus pour l’authenticité de l’histoire. De vraies pièces de musée filmées dans une ambiance qui fleur bon les années 60. On reste admiratif devant tant de couleurs et d’imagination, et la photo du film est immédiatement sublimée.
Toutefois, si vous n’y connaissez rien à la fashion week ou à YSL, pas de panique, car l’intérêt du film est ailleurs. Si YSL est bien un biopic, il se concentre surtout sur cette histoire d’amour passionnelle et complexe qu’ont vécu Pierre Bergé et Yves Saint Laurent. Si l’on ajoute à cela les problèmes psychologiques du créateur qui était maniaco-dépressif, on découvre un vrai drame prenant et touchant sur une figure emblématique que l’on croyait connaître à travers ses oeuvres. On y voit alors un homme complexé, peu sûr de lui, caractériel, jaloux, rancunier mais aussi terriblement attachant, intelligent, sensible et passionné.
Cette histoire d’amour ne serait pourtant pas crédible sans la performance incroyable des deux acteurs principaux, tous deux issus de la Comédie Française, Pierre Niney et Guillaume Gallienne. Si le premier imite à la perfection le génie de la mode, jusque dans son grain de voix, le second est époustouflant en « homme de l’ombre » partagé entre l’amour qu’il portait à Yves Saint Laurent et la jalousie et le professionnalisme qui le poussaient parfois à agir durement envers son petit ami. Pourtant, YSL n’aurait jamais été YSL sans Pierre Bergé, et bravo à Jalil Lespert d’avoir réussi à le montrer si finement.
Un exercice de style
Quoi qu’il en soit, même si l’histoire d’amour passionnée et passionnante est magistralement jouée et traitée, en plus d’être très crue, YSL souffre de plusieurs petits défauts qui risquent de ne pas plaire à tout le monde. Le sujet d’abord, justement car ce n’est pas un biopic sur la vie d’Yves Saint Laurent, mais un focus sur 20 ans de sa vie vus par son amant de toujours. Ne soyez donc pas surpris de ne pas tout apprendre sur l’enfance ou la vie du créateur…
Ensuite, le film souffre de longueurs assez fortes, dues à un rythme assez linéaire malgré les allers-retours incessants entre le présent et le passé. En réalité, il n’y a pas de réel enjeu au film ou à l’histoire (d’autant plus qu’on la connait déjà) ce qui laisse peu de place à la surprise. Enfin, la mise en scène ultra travaillée donne parfois l’impression que le réalisateur se prête avant tout à un exercice de style très contrôlé plutôt qu’à une aventure humaine, en calculant chaque plan pour qu’il soit le plus beau et le plus professionnel possible. Dommage, même si cela colle parfaitement au personnage principal, toujours tiré à quatre épingle.
Au final, des moments intenses de beauté et d’amour purs se retrouvent glissés dans le film, sur fond de musique classique puissante et envoûtante, et les petits défauts sont vite effacés. Restent deux hommes qui traversent les âges, avec les hauts et les bas qu’entrainent les aléas de chaque vie de couple liée à la célébrité, et l’on s’amuse à découvrir les nombreuses personnalités qui gravitaient autour de ce duo incroyablement élégant que formaient Pierre Bergé et Yves Saint Laurent. Tout en douceur, le film se termine, et après un Cloclo qui avait déjà une classe folle, on prend conscience que nos réalisateurs français sont bels et bien capables de livrer de grands biopics et de grands films sur des hommes qui ont marqué notre temps.