We Are What We Are
Etats-Unis, 2013
Titre original : –
Réalisateur : Jim Mickle
Scénario : Nick Damici, Jim Mickle, d’après le film Somos lo que hay de Jorge Michel Grau
Acteurs : Bill Sage, Ambyr Childers, Julia Garner
Distribution : Wild Side
Durée : 1h45
Genre : Epouvante-horreur
Date de sortie : 3 septembre 2014 (DVD)
Note : 2/5
La valeur croissante de Jim Mickle (Mulberry Street, Stake Land) dans le cinéma américain a été confirmée par sa sélection en mai dernier à la Quinzaine des Réalisateurs avec ce portrait glacé d’une famille, les Parker aux moeurs pas très catholiques (ou alors trop) et gastronomiques bien particulières.
Synopsis : Les Parker sont connus dans le village pour leur grande discrétion. Derrière les portes closes de leur maison, le patriarche, Franck, dirige sa famille avec rigueur et fermeté. Après le décès brutal de leur mère, Iris et Rose, les deux adolescentes Parker, vont devoir s’occuper de leur jeune frère Rory. Elles se retrouvent avec de nouvelles responsabilités et n’ont d’autre choix que de s’y soumettre, sous l’autorité écrasante de leur père, déterminé à perpétuer une coutume ancestrale à tout prix. Une tempête torrentielle s’abat sur la région, les fleuves débordent. Les autorités locales commencent à découvrir des indices qui les rapprochent du terrible secret des Parker…
Nous sommes ce que nous… mangeons
Lorsque la mère pourvoyeuse de pitances sanglantes est victime de son addiction au prion, un symptôme lié à la consommation de chair humaine, le père, ses deux filles et le petit dernier se retrouvent seuls dans leur étrange mode de vie. L’aînée doit alors prendre la succession de maman et préparer la viande fraîche qui se trouve dans la cave. Ambiance poisseuse à souhait certes et mise en scène professionnelle avec abus de montées de tension avec actions parallèles significatives et split-screen inutiles. Malgré le talent de Mickle qui gère magistralement à l’image les scènes de pluie et d’inondation, l’on peine à retrouver l’originalité plus viscérale de Somos lo que hay / Nous sommes ce que nous sommes du mexicain Jorge Michel Grau (critique) dont il est le libre remake. Le scénario de la version mexicaine n’était pas exempt de défauts mais était bien plus complexe. Finis les sous-textes autour de l’homosexualité inavouée du fils de la famille, la tentation de l’inceste ou l’inexistence sociale des prostituées, principales victimes des héros de cette première version. Son adaptation épurée et plus claire aurait pu être une relecture efficace mais se ressent comme un objet trop imprécis dans ses intentions pour convaincre.
Avez-vous mangé ma fille ?
Jim Mickle se contente de choquer avec de la barbaque étalée sur l’écran et d’inverser le rapport au sein de la famille. Dans le film d’origine, c’est le père qui meurt. Il adapte son récit au contexte local américain, jusqu’au rapport d’endoctrinement par la religion, au sein d’une famille qui vit selon des rites anciens d’un culte sectaire. En épurant les sous-intrigues de l’oeuvre de départ, il vide le scénario de ses rebondissements inégaux donc mais plus vivants. Ce film est plus classique, plus sage malgré des éléments grand-guignols et des raccourcis difficilement justifiables. Les filles, pourtant programmées pour devenir des cannibales, sont en réalité gentilles… sauf lorsqu’elles sont un peu méchantes, sans cohérence dramatique, pour un final spectaculaire qui détonne dans la continuité dramatique. Une inconsistance de caractérisation qui finit par être lassante.
Dans le rôle du docteur du village, Michael Parks (Une nuit en enfer, Red State) reste excellent, surtout dans les moments où il évoque, ému et inquiet, la disparition de sa fille mais il est parfois victime du texte notamment lorsqu’on lui fait dire : ‘avez-vous mangé ma fille ?’. Les acteurs sont plutôt bons malgré les faiblesses du script, dont les excellentes et inquiétantes Ambyr Childers l’aînée et surtout sa cadette Julie Garner, qui est également la fille de Bill Sage dans Electrick Children sorti quelques mois plus tôt. Bill Sage, révélé dans les films de Hal Hartley, se révèle particulièrement inquiétant dans ses premières apparitions, mais très vite il est comme effacé, tout son parcours humain étant balayé très rapidement.
Conclusion
We are what we are (qui aurait pu être retitré We are what we ate) est victime de son insistance à bien faire comprendre au spectateur que le sujet du film est le cannibalisme, ce qui est même écrit dans un livre avec arrêt sur image. Le flash-back sur l’origine du mal est inutile et superfétatoire et le final se perd dans du grand-guignol grotesque. Dommage, Jim Mickle est capable de bien mieux car si ce film est plus décevant que captivant, il reste une œuvre signée par un auteur, un vrai, et pour ne rien gâcher qui exerce son talent dans le cinéma de genre…