Vu sur OCS : Je vais mieux

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© 2017 Pascal Chantier / EuropaCorp / EuropaCorp Télévision / France 3 Cinéma
Tous droits réservés

Une maladie comme signe révélateur d’un malaise plus profond, le thème de Je vais mieux résonne particulièrement en ces temps d’épidémie et de confinement, où l’âme d’un peuple, voire celle de l’humanité tout entière se révèle à elle-même. Heureusement, le onzième long-métrage de Jean-Pierre Améris ne vise pas aussi haut en termes d’analyse du mal-être endémique qui accable tous ces quarantenaires ou quinquagénaires ne sachant soudainement plus où ils en sont dans leur vie. La nouvelle collaboration indirecte entre le réalisateur et l’auteur David Foenkinos, sept ans et demi après Les Émotifs anonymes, débouche au contraire sur une comédie pleine de tendresse et empreinte d’une certaine légèreté. Il ne s’agit certes pas d’un chef-d’œuvre d’humour raffiné, mais la bataille lente et tortueuse de l’affirmation de soi que le protagoniste devra y livrer contre ses propres démons ne fait certainement pas l’impasse sur un charme désarmant.

Sans vouloir émettre de quelque manière que ce soit un jugement sur son talent, nous considérons quand même que Eric Elmosnino excelle essentiellement dans deux types de rôle : celui du mec assez bordélique dans sa tête et dans ses habitudes, ainsi que celui du souffre-douleur tout désigné pour supporter l’ensemble des maux ayant lieu dans son entourage. Dans ce sens, son personnage dans Je vais mieux lui va comme un gant, puisqu’il fait succéder une leçon exemplaire de mise en question à une première partie à forte connotation hypocondriaque. Laurent, cet architecte mou et sans volonté, suit d’abord le parcours de soins indiqué pour tout patient inquiet en toute passivité pour sa santé. Il enchaîne les rendez-vous chez les spécialistes, à tel point d’établir une théorie personnelle sur les schémas comportementaux dans les salles d’attente. Faute d’amélioration de son état de larbin plié en deux, il a recours à des moyens plus radicaux, à savoir rompre avec son attitude pathologiquement conciliante pour enfin exprimer sans gêne ses peines et ses frustrations.

© 2017 Pascal Chantier / EuropaCorp / EuropaCorp Télévision / France 3 Cinéma
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Décrite de la sorte, l’intrigue de cette adaptation libre du roman du même nom de David Foenkinos ne donne peut-être pas forcément envie de la découvrir en priorité, sur le replay d’OCS ou ailleurs. Il n’empêche que la mise en scène sait en tirer un récit d’une douceur de ton étonnante. Tout le pouvoir de séduction du protagoniste consiste en effet d’abord à ne pas savoir mettre des mots sur les choses qui le tracassent, puis d’accéder à une forme nouvelle de franchise, qui fera du bien pas uniquement à lui-même. Rarement le grand coup libérateur du règlement de comptes, afin de repartir sur de bonnes bases, n’aura en effet été aussi peu frénétique, aussi peu enclin à déclencher tous les ressorts de l’urgence mélodramatique. Les effets bénéfiques de pareille thérapie harmonieuse de mise à zéro s’étendent alors autant aux autres personnages qu’au spectateur. Aux côtés de la justesse du trait dans la description de cet homme en voie de l’apprentissage le plus dur qui soit, celui de reconnaître sincèrement ses torts et ses faiblesses tout en continuant de progresser, le soin accordé aux seconds rôles se démarque de même par son mélange savant entre la gravité et l’humour discrets.

Du côté féminin, cela donne Judith El Zein en épouse qui a d’ores et déjà tourné la page d’un mariage désormais sans saveur, mais qui sait pourtant préserver un niveau élevé de complicité avec Laurent lors de leur dispute finale étrangement jubilatoire, ainsi que Alice Pol comme double du sexe opposé, aussi peu conforme aux normes sociales que son nouvel amant. Quant aux personnages masculins, ils savent tous trouver une sincérité touchante en dessous de leur type de rôle à la réputation caricaturale : Ary Abittan en meilleur ami dentiste a priori plus à l’aise dans les questions érotiques et romantiques, mais qui finit par accuser moins bien le coup des défis qui se présentent à lui, le bien trop rare Sacha Bourdo qui sait exprimer toute la mélancolie désabusée des déracinés en très peu d’apparitions et enfin François Berléand, le symbole d’un monde professionnel encore plus détraqué que tous les petits déboires privés réunis.

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