Tout ce qu’il voulait, c’était acheter un gâteau au chocolat. Comme beaucoup de récits d’une nuit de folie extraordinaire, Parking commence par un fait anodin. A partir de lui, tout se dérègle dans la soirée d’un personnage dont on n’apprend finalement pas grand-chose au fil de son périple nocturne. Ce qui n’est pas si grave, puisque le stoïcisme de Chang Chen convient tout à fait à cet éternel poisseux, jamais sur place quand l’occasion se présente de libérer sa voiture, bloquée par d’autres véhicules mal garés. Après, le premier film du réalisateur Mong-Hong Chung n’est pas non plus de taille pour rivaliser avec les odyssées les plus extrêmes jusqu’au fin fond de la nuit. Il s’apparente davantage à un exercice de style effectué avec un niveau d’adresse filmique plutôt variable.
Sa sélection à l’époque au Festival de Cannes dans la section Un certain regard lui a valu d’être inclus dans un cycle actuellement en ligne sur MUBI, en hommage au festival qui n’a pas eu lieu cette année-ci.
Bien que le réalisateur débutant assure également la prise de vues dans Parking – ou peut-être justement à cause de cette double casquette d’une responsabilité trop lourde à porter – , l’aspect visuel du film laisse le plus à désirer. Que ce soit au niveau de quelques cadrages franchement laids ou d’un vocabulaire esthétique qui nous fait penser plus à une œuvre des années 1990 que de la décennie suivante, la mise en scène peine sérieusement à rendre homogènes les images d’un film, qui aurait pourtant pu se prêter à des prouesses visuelles plus élaborées.
Il y en a cependant quelques unes, tel que la fumée de cigarette qui remonte du fossé, où le vagabond involontaire a été abandonné après s’être fait tabasser. Et plus généralement, comment ne pas éprouver de la solidarité à l’heure du semi-confinement, quand les endroits de vie n’évoluent toujours pas tant que ça, avec ce pauvre homme qui retourne sans cesse dans les mêmes décors poisseux, des toilettes exiguës aux cages d’escalier délabrées ?
Le choix des situations cocasses que le héros doit traverser malgré lui s’avère déjà plus heureux. Chaque fois, des détails singuliers pourraient y conduire à un déchaînement global. Et chaque fois, la narration n’en fait pas tout un plat de soupe aux poissons, mais les intègre dans un flux dramatique jamais trop empreint d’une gravité irréversible. Aucun des personnages n’adopte ainsi le rôle délicat du porteur d’un optimisme débridé.
Néanmoins, la lumière au bout du tunnel n’est jamais très loin, ni après des sursauts d’une violence par essence gratuite, ni au bout d’une brève séquence onirique autour des problèmes de la maternité. Cette parenthèse-là a beau rendre la structure narrative du film encore un peu plus inutilement imbriquée, elle demeure l’exception dans le cadre du ton assez réaliste du film.
Après ce premier film projeté sur la Croisette, on n’a a priori plus jamais entendu parler en termes de cinéma du réalisateur de Parking. Aux dernières nouvelles, il aurait rejoint la légion de cinéastes plus ou moins obscures à la solde de Netflix ou en tout cas réduits à voir leurs films exploités exclusivement de la sorte à travers la planète. Cependant, il y avait quelque chose de doucement prometteur dans la façon dont Mong-Hong Chung a su orchestrer ce conte sur l’immobilisme contraint, sans trop forcer le trait, ni rendre les galères successives du protagonistes abusivement manichéennes.