Dans sa générosité incommensurable, Disney donne de temps en temps aux acteurs vieillissants qui l’acceptent la possibilité de revigorer leur carrière par voie d’un drame sportif inspirant, d’office basé sur une histoire vraie. Début 2015, c’était le tour à Kevin Costner d’endosser dans McFarland le maillot du coach au bout du rouleau, mais pas encore arrivé au bout de ses peines. Un exercice en héroïsme qui n’a guère eu le même retentissement que la démarche semblable en faveur de Dennis Quaid treize ans plus tôt. Le film de Niki Caro n’était même pas sorti au cinéma en France, alors que le cross est malgré tout une discipline sportive infiniment plus appréciée en dehors des États-Unis que le base-ball ou le football américain. Après, il n’y a pas non plus de quoi crier au chef-d’œuvre injustement ignoré, face à cette cure soutenue en bons sentiments et discours édifiants, dont on ne sait jamais exactement jusqu’à quel point ils relèvent d’une condescendance sociale suspecte.
Le point de départ de McFarland est si classique qu’il deviendrait presque parodique. Un coach de football, exigeant mais au tempérament explosif, a dû accepter le seul poste qui lui a été proposé : au fin fond de la campagne californienne, là où seuls les immigrés mexicains ont la malchance de trimer en marge du rêve américain. Notre héros, si rigide qu’on est tenté de lui prêter un passé dans le cercle vicieux de la discipline militaire – l’un des rares clichés que le film nous épargne – , s’en veut terriblement d’avoir emmené sa famille dans ce bled paumé, dépourvu de l’institution américaine par défaut, un restaurant de burgers. Dans son lycée, les choses ne s’arrangent pas non plus, puisque son envie d’en repartir au plus vite l’empêche d’accepter la perche de travailleur social larvé que sa collègue lui tend. Décidément, quel cancre celui-là, dans l’univers Disney où la détermination sous le signe de l’altruisme fait la loi !
Heureusement, son regard si empreint de préjugés aura le privilège de s’élargir, grâce au talent insoupçonné de coureurs chez certains de ses élèves. Le vaillant coach White doit certes batailler dur pour réunir et maintenir en l’état son équipe, quitte à faire l’expérience douloureuse de la cueillette matinale de légumes lors d’une sorte de stage de découverte. Mais dans l’ensemble, le tracé vers la gloire et, surtout, vers la prise de conscience de ce qui compte vraiment dans la vie se montre presque ennuyeusement linéaire ici. Les rares dilemmes que le protagoniste devra affronter – peser le pour et le contre d’un voisinage convivial quoique pas toujours très sûr, ainsi que, dans la continuité logique du premier, opérer un choix difficile entre une offre d’emploi matériellement alléchante et la fidélité envers ses gars qui ont tout donné pour atteindre le stade suprême de la compétition – paraissent alors tout droit sortis de l’album des poncifs des films au message sirupeux, qui abondent sur la plateforme Disney+.
Toutefois, si vous cherchez un film vaguement susceptible de vous remonter le moral, au risque de perpétuer une panoplie d’idées reçues sur la communauté latina aux États-Unis, vous pourrez tomber plus mal que McFarland. La trajectoire dramatique du mélodrame édifiant y est respectée à la lettre, y compris une énième apparition de Maria Bello en épouse dévouée, tout juste bonne à recoller les morceaux après le passage tempétueux de son mari. Mais en dehors du courage exemplaire des jeunes coureurs, décrits comme de simples pions du mythe de l’ascension sociale, il n’y a pas vraiment grand-chose qui mériterait plus d’attention qu’une larme pathétique versée au moment décisif du récit. Ce qui n’est déjà pas si mal …
Le pauvre Kevin Costner devra donc attendre encore quelques années supplémentaires une hypothétique renaissance de sa carrière, essentiellement en suspension depuis sa grande époque au début des années ’90. Il a beau maîtriser ce genre de rôle, des hommes discrètement héroïques sans jamais afficher une confiance excessive en eux, ce n’est pas ce film-ci qui rivalisera avec ses deux incursions marquantes dans le cinéma sportif, toutes les deux en l’occurrence sur le terrain du base-ball. Plus Tin Cup que Duo a trois ou Jusqu’au bout du rêve, McFarland se laisse regarder en somme, mais peine à nous marquer durablement de quelque manière que ce soit.