Vu sur Canal + : « The Comey Rule »

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© 2020 Home Run Productions / Secret Hideout / The Story Factory / CBS Studios / Showtime / Canal +
Tous droits réservés

En politique plus qu’ailleurs, tout est une question de point de vue. Selon vos préférences personnelles pour tel ou tel camp, vous serez plus ou moins réceptifs aux arguments en faveur de différentes causes partisanes. De même, le moment choisi pour soumettre votre vision des choses à l’opinion publique peut largement influencer sa réception. Ainsi, la lecture que l’on peut faire à présent de la mini-série « The Comey Rule », disponible actuellement sur le replay de Canal +, a indéniablement évolué ne serait-ce qu’en ces dernières semaines, hautement importantes pour l’avenir politique, voire institutionnel des États-Unis. Conçue sans doute à l’origine comme une mise en accusation des premiers mois de l’administration Trump, elle appartient désormais au champ fraîchement historique. En attendant que la transition du pouvoir entre les présidents se fasse d’une façon tant soit peu pacifique et civilisée …

En termes de point de vue, sa nature partiale reste indéniable, puisque le livre de l’ancien directeur du FBI James Comey lui sert de base scénaristique. Un fait que la pirouette du cadre narratif aménagé par l’ancien procureur général adjoint sait atténuer au mieux partiellement. C’est donc Comey, le fonctionnaire consciencieux et quasiment sans reproche, qui est le héros du récit. Pris sans cesse dans l’étau d’une actualité politique sans le moindre égard pour l’indépendance et l’honneur de son illustre institution, il nous fait vivre en quelque sorte depuis l’intérieur sa chute inévitable. Tout en éclaircissant au passage cette histoire très trouble des courriels égarés de Hillary Clinton qui avait ponctué la campagne présidentielle américaine en 2016, ainsi que l’ingérence russe dans la victoire finalement éphémère de Donald Trump.

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En effet, à condition que le sacre de Joe Biden se déroule comme prévu d’ici dix longues semaines sur les marches du Capitole à Washington, ces trois heures et demie de fiction politique servent avant tout de rappel et de relecture à chaud d’événements plutôt récents. Sauf que la présidence Trump a été si incroyablement rocambolesque depuis, que ce premier chapitre de son règne contesté apparaît rétrospectivement comme un hors-d’œuvre lourdement prophétique. Or, la folie des grandeurs qui s’était emparée de la Maison blanche à partir du mois de janvier 2017 sert au mieux d’arrière-plan grotesque au propos de cette deuxième réalisation pour la télévision de Billy Ray, surtout connu en tant que scénariste de films aussi divers que Capitaine Phillips de Paul Greengrass, Gemini Man de Ang Lee et Le Cas Richard Jewell de Clint Eastwood.

Face à la gestion imprévisible du pouvoir par le nouveau président, le récit s’efforce à souligner la probité déontologique des investigateurs du FBI. Sans trop rentrer dans les détails du mécanisme complexe des différentes branches du gouvernement américain, il orchestre plutôt sobrement l’antagonisme entre le désir de vérité et d’impartialité du côté des policiers fédéraux et les méthodes davantage mafieuses chez Trump et ses hommes de main. C’est certes un manichéisme assez basique qui en résulte. En même temps, il n’y a pas grand-chose à sauver auprès d’une administration ayant fait preuve, au mieux, d’amateurisme ou bien, au pire, d’une terrible intelligence criminelle. Seules les enquêtes à venir nous le diront, bien que le choix de ce plaidoyer à charge ne fasse aucun doute.


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Est-ce que l’ancien directeur du FBI a pourtant le beau rôle dans « The Comey Rule » ? Vous savez, celui du sauveur solitaire de la démocratie américaine, injustement détesté par ses contemporains. Il est vrai que le ton s’avère parfois tendancieux. A intervalles réguliers, il dresse l’épouse du haut fonctionnaire et ses filles, acquises corps et âme à l’opportunité historique d’élire pour la première fois une femme au poste le plus prestigieux du pays, contre l’attitude plus servile de Comey. Attribuons cette facilité scénaristique au penchant américain de défendre au moins une cause édifiante, ne serait-ce que d’une manière presque risiblement anecdotique. Au moins, le personnage principal ne fait pas preuve du même gabarit idéologique réducteur.

Car autant Brendan Gleeson se retient vaillamment de toute surcharge parodique dans son interprétation de Donald Trump – hélas si facile à tourner en dérision comme le prouvent chaque semaine les sketches de « Saturday Night Live » – , autant Jeff Daniels pourrait bien être l’acteur idéal pour incarner Comey. Malgré les nombreuses tentatives de rendre le personnage charismatique et chaleureux envers ses collègues, le jeu de Daniels reste peut-être plus fidèle envers la nature profonde de son rôle. A savoir celle d’un homme aussi terne qu’honnête, incapable de résister aux compromissions que son poste stratégique risque de lui faire subir, à plus forte raison sous l’influence néfaste d’un politicien douteux comme Trump.

C’est dans ce sens que cette mini-série produite par Showtime participe assez subtilement à la construction en cours de l’édifice médiatique, appelé à rendre compte du cauchemar éveillé qu’était la présidence de Donald Trump. Il y aura certainement d’autres tentatives d’expliquer ce qui paraît malheureusement de moins en moins comme un accident de parcours dans le paysage politique américain. Elles se heurteront très probablement au même dilemme que « The Comey Rule » : la nécessité de prendre parti sans équivoque dans la lutte maladivement polarisée pour l’âme d’un peuple tout entier.


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