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Pour quiconque suit tant soit peu l’actualité des trois grands festivals de cinéma européens (Berlin, Cannes et Venise), le cas de figure n’a hélas rien d’exceptionnel. Néanmoins, impossible de ne pas percevoir un minimum de mesquinerie médiatique dans l’annonce du lauréat du Lion d’or honorifique au prochain Festival de Venise ce matin. C’est-à-dire moins de vingt-quatre heures après une annonce semblable sortie du bureau de presse cannois.
Quel intérêt en effet de transmettre ce communiqué maintenant, si ce n’est que pour faire de l’ombre à cette semaine dédiée aux premières révélations du grand concurrent qu’est le Festival de Cannes ? Y compris celle, aussi faite ce jour, de l’inclusion sans surprise en sélection officielle des prochaines aventures de Tom Cruise dans la peau de l’agent Ethan Hunt. Mission : Impossible The Final Reckoning de Christopher McQuarrie aura sa première mondiale le mercredi 14 mai sur la Croisette, une semaine avant sa sortie dans les salles françaises.
Et c’est donc le réalisateur allemand Werner Herzog, un maître à la fois des films de fiction et du documentaire, qui recevra le prix honorifique de la Mostra. Tandis que l’on ne connaît pas encore la date exacte de la remise de son trophée, celles de la 82ème édition du Festival de Venise sont déjà connues. Elle aura lieu du mercredi 27 août au samedi 6 septembre 2025. D’ici là, nous aurons évidemment d’autres informations à vous communiquer à son sujet, y compris quelle personnalité de cinéma prendra la relève de l’actrice française Isabelle Huppert dont le jury avait récompensé en septembre dernier La Chambre d’à côté de Pedro Almodovar du Lion d’or.

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Werner Herzog fêtera son 83ème anniversaire pendant le festival début septembre. Pourtant, comme il le dit si bien dans ses quelques mots d’acceptation du prix, transmis par voie de communiqué de presse du jour : il me reste encore beaucoup de choses à faire. Et effectivement, le réalisateur allemand ne chôme pas en ce moment. Il vient de terminer le tournage en Afrique de son dernier documentaire Ghost Elephants. Son prochain film de fiction au titre évocateur de Bucking Fastard – a priori avec les sœurs Kate et Rooney Mara réunies devant la caméra – est en pleine production. Et Herzog s’intéresse même au genre de l’animation, puisqu’il prépare l’adaptation d’un de ses romans sous cette forme-là et qu’il prêtera sa voix au prochain film du réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho, qui a également découvert l’animation pour lui !
L’album souvenir de ses passages passés du côté du Lido n’est peut-être pas aussi fourni. Mais il y a quand même présenté six de ses films, entre 1990 et 2009, dont trois en compétition et un dans la section parallèle Orizzonti. Dans la catégorie reine du festival, il a été représenté par Cerro Torre Le Cri de la roche en 1991, ainsi que par une rare double sélection la même année, en 2009, avec à la fois Bad Lieutenant Escale à la Nouvelle Orléans et My Son My Son What Have Ye Done. Son inclusion dans la section Orizzonti avec l’étrange épopée spatiale The Wild Blue Yonder lui avait valu en 2005 le prix de la critique internationale FIPRESCI.
C’est davantage au début de sa carrière que Werner Herzog avait su s’imposer au Festival de Cannes, grâce à ses quatre sélections en compétition. De L’Énigme de Kaspar Hauser en 1975 jusqu’au Pays où rêvent les fourmis verts en 1984, en passant par ses collaborations légendaires avec l’acteur Klaus Kinski dans Woyzeck et Fitzcarraldo. En comparaison, ses trois invitations en compétition au Festival de Berlin doivent presque paraître anecdotiques, bien qu’y soient inclus son premier long-métrage Signes de vie et son conte de vampires Nosferatu Fantôme de la nuit, encore et toujours avec son fidèle ennemi Klaus Kinski.

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Pour un cinéaste de la stature internationale et de l’envergure artistique propres à Werner Herzog, il est assez étonnant qu’il n’ait pas reçu jusqu’à présent plus de prix de cinéma, compétitifs ou honorifiques. Sans doute, son passage incessant de la fiction au documentaire, ainsi que sa façon de tourner hors des sentiers battus de la production cinématographique traditionnelle l’ont-ils laissé quelque peu en marge du microcosme élitiste du cinéma, en Allemagne, en Europe et à plus forte raison aux États-Unis.
Néanmoins, son futur Lion d’or d’honneur pourra tenir compagnie au European Film Award honorifique reçu en 2019 et au Léopard d’or d’honneur remis au Festival de Locarno en 2013. En termes de prix et de nominations compétitifs, Werner Herzog a été nommé à l’Oscar du Meilleur documentaire en 2009 pour Rencontres au bout du monde. Il a gagné l’Ours d’argent de la Meilleure première œuvre à Berlin pour Signes de vie, ainsi que le Grand Prix pour L’Énigme de Kaspar Hauser et le Prix de la mise en scène pour Fitzcarraldo à Cannes. Et il a été nommé une seule fois au César du Meilleur Film étranger. C’était en 1976 pour Aguirre La Colère de dieu avec … vous l’aurez deviné, Klaus Kinski. Enfin, il avait gagné le prix du syndicat des réalisateurs américains pour le Meilleur documentaire en 2006 grâce à Grizzly Man.
Parmi les près de cent personnalités de cinéma ayant obtenu un Lion d’or d’honneur au Festival de Venise depuis les années 1970, Werner Herzog n’est que le deuxième Allemand honoré de la sorte, après son compatriote le réalisateur Alexander Kluge en 1982. Au Festival de Cannes, il n’y a eu jusqu’à présent aucun lauréat honorifique d’origine germanique. Et même à Berlin, ils ne sont pas non plus légion, puisqu’ils se laissent compter sur les doigts d’une main (les réalisateurs Wolfgang Kohlhaase et Wim Wenders, les comédiens Hanna Schygulla et Armin Mueller-Stahl et le chef-opérateur Michael Ballhaus).

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