Le septième long-métrage de Stéphane Brizé après Le Bleu des villes, Je ne suis pas là pour être aimé, Entre adultes, Mademoiselle Chambon, Quelques heures de printemps et La Loi du marché succède à Fatima de Philippe Faucon, un drame intimiste qui remporta ensuite le César. Une vie raconte le trajet de Jeanne Le Perthuis des Vauds qui revient dans le château familial après avoir passé quelques années dans un couvent. Peu après, elle épouse Julien de Lamare qui décevra ses attentes. Le récit d’une vie bien sombre et désabusée…
Extrait de la critique de Jean-Jacques Corrio (à retrouver ici) : «Stéphane Brizé s’est construit une solide réputation d’entomologiste de la vie quotidienne contemporaine. Autant dire qu’on ne pouvait que se montrer surpris de le voir s’attaquer à une adaptation d’un des monuments de la littérature française, […] premier des six romans écrits par Guy de Maupassant. Certes, il s’agit de vie quotidienne, mais d’un quotidien remontant à près de deux siècles. Le choix de Stéphane Brizé était donc risqué d’autant plus que l’adaptation d’un roman au cinéma n’est jamais chose facile et s’avère encore plus difficile lorsqu’il s’agit de transposer à l’écran l’écriture d’un auteur comme Maupassant. […] Stéphane Brizé a fait des choix radicaux qui s’avèrent tous totalement convaincants |…] : le format de l’image : 1.33, communément appelé format carré, pour montrer le côté étriqué de la vie de Jeanne et le jeu avec le temps, glissant par-ci, par-là, de courts moments en provenance du passé ou du futur, établissant simultanément un décalage entre une voix off, très littéraire, et l’image du présent. […] Judith Chemla est une comédienne idéale, campant de façon magistrale une jeune femme restée attachée à son enfance, ne connaissant rien des réalités du monde et encaissant sans vraiment réagir les aléas de son existence.»
L’absence du film au dernier Festival de Cannes, un an après le prix d’interprétation pour Vincent Lindon, avait surpris. Il s’est depuis rattrapé avec une sélection en compétition à la Mostra de Venise et ce 74ème Prix Louis-Delluc, souvent surnommé le Goncourt du cinéma valide qui permet à Brizé, pour reprendre un autre extrait de cette critique, de réussir «son examen de passage parmi les grands réalisateurs d’adaptations cinématographiques de classiques de la littérature. C’est de plus en plus une évidence : il est l’un des plus grands réalisateurs du cinéma français contemporain.»
Ce prix, mérité, est d’autant plus surprenant qu’il ne faisait pas partie de la liste de finalistes annoncés le 10 novembre : L’Avenir de Mia Hansen-Love, Le Bois dont les rêves sont faits de Claire Simon, Frantz de François Ozon, Nocturama de Bertrand Bonello, Le Fils de Joseph d’Eugène Green, La Mort de Louis XIV d’Albert Serra et Rester vertical d’Alain Guiraudie. Ces trois derniers ont reçu des voix, tout comme Elle de Paul Verhoeven.
Gilles Jacob, président du prix Louis-Delluc, a déclaré à l’AFP : «Ce n’est pas la première fois qu’Une vie est adaptée à l’écran mais Stéphane Brizé livre une version nouvelle, passionnante, dans une réalisation inhabituelle, très moderne, avec des accélérations de l’histoire, des ellipses énormes et une photographie magnifique». Toujours à l’AFP, le réalisateur a réagi avec émotion : «Ce prix est comme une main dans le dos qui m’aide à avancer par vent de face. Un prix aussi prestigieux aide à accompagner des réalisateurs qui ne partent pas avec l’idée de départ de plaire aux gens, mais d’apporter un point de vue. Les producteurs ont besoin que ce genre de projets soient mis en lumière par des prix comme celui-ci». «C’est un beau cadeau de Noël, qui me touche personnellement, un très beau prix. De très grands réalisateurs l’ont reçu précédemment».
Le prix Louis-Delluc du premier film revient à Gorge coeur ventre de Maud Alpi qui suit un jeune berger (Virgile Hanrot, voir ci-dessus) dans un abattoir, accompagné de son chien. Un film plus expérimental que fictionnel ou documentaire, avec une mise en scène portée par une idée d’étrangeté assez fascinante. Même cas de figure que pour Une Vie, il ne faisait pas partie de la liste des finalistes où l’on retrouvait Diamant noir d’Arthur Harari, D’une pierre deux coups de Fejria Deliba, La Forêt de Quinconces de Grégoire Leprince-Ringuet, Keeper de Guillaume Senez et La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit.
Une vie est sorti le 23 novembre, Gorge coeur ventre une semaine plus tôt. Ils sont toujours en salles.