La politique des remakes inutiles et totalement dérisoires (un synonyme de crétins dans ce cas précis) se poursuit et atteint des sommets de n’impnawak. La nouvelle victime ? Memento, le deuxième long-métrage réalisé par Christopher Nolan après le film noir Following où un jeune homme désoeuvré suivait des gens au hasard dans la rue et rencontrait ainsi un homme étrange qui allait lui causer bien des soucis. Dans Memento, sorti en 2000, un homme atteint d’un mal particulier qui lui cause des pertes de mémoire (joué par Guy Pearce) traque l’assassin de sa femme, le récit se déroulant dans l’ordre inverse de sa narration (façon Irréversible deux ans plus tard) mais avec un élément complexe de plus : l’histoire avance également chronologiquement. Dans un registre de film noir relativement classique au final (malgré l’astuce scénaristique autour de la perte de mémoire), ce concept complexe est géré adroitement, notamment dans sa façon de mentir honnêtement au spectateur, dans un scénario cité aux Oscars, la première nomination pour Nolan, partagée avec son frère Jonathan, neuf ans avant celles de film et scénario pour Inception. Le film fut également nommé pour son montage, entre autres citations prestigieuses, dont les Golden Globes (scénario) et plus surprenant pour un projet de cette modestie, la Directors Guild. Il a également remporté les Spirit Awards dans les catégories film, réalisateur, scénario et actrice dans un second rôle.
Plus que son remake (encore un !) éponyme du film norvégien Insomnia en 2002 (avec Robin Williams à contre-emploi et Al Pacino à contre-courant de sa vague de nanars), c’est bien ce premier long-métrage tourné aux Etats-Unis au succès modeste mais réel alors (tout de même près de 25 millions de dollars de recettes en Amérique) et devenu depuis culte qui a lancé la carrière internationale de ce réalisateur à gros budget ambitieux à qui l’on doit encore la trilogie Batman begins / The Dark Knight / The Dark Knight rises, Le Prestige et Interstellar. Gageons que l’auteur le tâcheron qui sera engagé pour mener à bien ce projet ne devrait pas connaître le même essor de carrière. En tout cas pas avec ce projet bâtard pour l’instant hypothétique qui reste au stade de «projet à la con mais on lance l’idée en l’air, histoire de voir si c’est pas une bonne idée, on sait jamais, suite à un malentendu, ni vu ni connu, j’t’embrouille…»
L’idée géniale (LOL) vient du producteur AMBI Pictures (dirgié par Andrea Iervolino and Monika Bacardi) qui vient de racheter le catalogue de Exclusive Media Group créée seulement en 2008 mais qui détient les droits de plusieurs centaines de films dont cette pépite du cinéma indépendant signée Nolan mais bien d’autres dont les récents Rush de Ron Howard ou New-York Melody avec Keira Knightley ou des films de la Hammer, les derniers (bof) comme les plus anciens. Voir la liste ici. Monika Bacardi, a précisé dans une déclaration officielle : «Memento est un chef-d’oeuvre [NDLR : Bah alors si c’est un chef d’oeuvre, tu touches pas, non ?] qui laisse les spectateurs dans l’expectative pendant sa vision mais aussi longtemps après, ce qui est une marque indélébile de son approche audacieuse. Nous comptons rester fidèle à la vision de Christopher Nolan et proposer un film tout aussi mémorable, innovant, iconique et digne de récompenses [NDLR : rêve toujours, fillette…] que l’original. C’est une responsabilité énorme que la nôtre, de produire quelque chose qui ne démériterait pas face au génie de l’oeuvre d’origine mais nous sommes très excités et motivés par l’idée de partager ce puzzle avec les spectateurs.» Bonne chance !
Parmi les réactions navrées -nombreuses- ne citons que celle, assez bien vue pour une fois, du généralement peu inspiré Drew McVeeney du site HitFix : «Si j’étais le personnage principal de Brewster’s Millions [NDLR : il ne précise pas s’il s’agit de la version Allan Dwan de 1945 ou son remake -déjà bis- quarante ans plus tard, plus connu aujourd’hui, avec Richard Pryor, Comment claquer un million de dollars par jour ?] et avais besoin de gaspiller de l’argent, un remake de Memento serait peut-être une bonne idée…» Rappelons que ce sont les mêmes destructeurs de patrimoine qui ont annoncé celui de La Dolce Vita de Federico Fellini, son 8 ½ ayant déjà été massacré par Rob Marshall avec Nine, pourquoi ne pas continuer ?
Et sinon, pour ceux qui se poseraient la question, voici quelques autres remakes si pertinents annoncés mais dont certains n’iront (ouf) pas jusqu’au bout. Lisez, et pleurez : tous les Disney animés en version live, Ne vous retournez pas de Nicholas Roeg, Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin de John Carpenter avec Dwayne Johnson dans le rôle-titre, Point Break de Kathryn Bigelow («le crime n’a plus de limites» précise l’affiche de la nouvelle version qui devrait sortir en février prochain… ça, c’est de l’aveu), Les Sept Mercenaires de John Sturges par Antoine «dragée» Fuqua, L’Échelle de Jacob d’Adrian Lyne (un peu dans les limbes depuis qu’il fut annoncé en 2013 déjà, tant mieux), Le Bateau de Wolfgang Petersen (ou Das re-Boot pour reprendre le bon mot de Scott Roxborough du Hollywood Reporter), Cube de Vincenzo Natali (ça s’appellera Cubed, nom de Dieu), Jumanji (pour les quelques fans) mais aussi ces drôles de trucs que sont (si, si, c’est quand même un peu du gros nanar) Road House avec Ronda Rousey pour succéder à Patrick Swayze ou L’Expérience Interdite de Joel Schumacher pour lequel le nom de Ellen Page circule en lieu et place de Julia Roberts dans une relecture de Niels Arden Oplev (Millenium en version suédoise). On croit déjà plus à celui de The Crow par Corin Hardy à qui l’on doit le très réussi The Hallow.
Dans un registre plus noble, l’on n’oublie pas (hélas) Notre Petite Soeur de Hirokazu Koreeda toujours dans l’escarcelle de Steven Spielberg même si l’on espère leur amnésie définitive (wishful thinking). On vous passe (enfin non, puisqu’on parle dans les lignes suivantes) les prequels ou reboots de films connus et respectés en séries télé (c’est toujours une bonne idée, ça aussi) comme Shutter Island, Ghost, Mondwest pour n’en citer que trois, sans oublier l’échec déjà annoncé de Minority Report. Ça n’arrêtera donc jamais et comme le prouve la récente annonce des adaptations pour la télévision du Rocky Horror Picture Show et du Transperceneige (c’est sur que le Bong Joon-ho, il est moyen), Le Gorafi s’est, pour une fois, trompé avec cet article…
Dieu merci, Robert Zemeckis protège viscéralement son bébé, Retour vers le futur, s’étant légalement assuré qu’aucune suite ou remake ne serait possible sans lui ni Bob Gale, son co-scénariste. Rien que pour ça, vous devriez, chers lecteurs qui n’avez pas encore vu son dernier tour de force, The Walk (critique), vous précipiter pour le voir dans les trop rares salles qui le programment encore. Vite ! Ce n’est pas un film pour le petit écran !