Tuer un homme
Chili, 2013
Titre original : Matar a un hombre
Réalisateur : Alejandro Fernández Almendras
Scénario : Alejandro Fernández Almendras
Acteurs : Daniel Candia, Alejandra Yáñez, Daniel Antivilo
Distribution : Arizona Films
Durée : 1h24
Genre : Drame
Date de sortie : 19 décembre 2012
4/5
Après la globalisation dans Huacho ou la maladie dans Près du feu, c’est la mort qui s’insinue cette fois dans le quotidien pour le troisième film d’Alejandro Fernandez Almendras inspiré d’un fait divers.
Synopsis : Jorge est un homme honnête qui travaille dur pour faire vivre sa famille. Une nuit, il se fait insulter par une bande de jeunes gens, menée par un ancien délinquant du quartier. Son fils se fait à son tour agresser. La crainte et l’angoisse envahissent peu à peu la famille dont le quotidien devient infernal.
Héros tragique
On en voit des hommes tomber au cinéma. A tel point que la mort sur un écran devient abstraite. Tueries héroïques, massacres époustouflants, règlements de compte pétaradants… c’est à qui jouera le plus de la gâchette pour imposer sa virilité et impressionner le spectateur.
Mais lorsque le meurtre surgit dans le quotidien d’un homme banal, qu’en est-il ? Le réalisateur chilien dissèque la réalité crasseuse et pesante de ce père de famille qui passe du cauchemar éveillé qu’est l’agression et le harcèlement dont sa tribu est victime à celui de la culpabilité qui suit l’acte, chevillée au personnage comme ce cadavre qui ne l’abandonne jamais, tourmente incessante.
Il nous met face à une solitude sans échappatoire. Celle d’un homme qui cherche de l’aide auprès d’une administration impuissante, se heurtant au silence et à l’indifférence obstinés d’un Etat incapable de les arracher à cette spirale d’angoisse. Un homme accablé par sa femme, écrasé par les reproches et rejeté parce que ne correspondant pas à l’idée qu’elle et la société se font d’un homme, celui qui se doit de protéger sa meute. Un homme qui ne peut retrouver sa virilité qu’en tenant une arme, seul moyen de surmonter l’humiliation en renversant le pouvoir et l’ordre de la violence, en inversant les rôles traqueur/traqué. L’acte de tuer devient alors la solution désespérée et inéluctable. Le personnage de Jorge se fait héros tragique, entraîné implacablement vers son destin qui le laissera échoué, plus seul encore, étouffé par le fardeau de la culpabilité.
Mélancolie des grands westerns
Alejandro Fernandez Almendras livre ici une mise en scène maîtrisée et minutieuse. La musique en est l’écho, épurée, nappe de cordes sourdes et angoissantes distillée avec parcimonie. Les cadres se font picturaux, les compositions rigoureuses et précises. La picturalité jaillit autant lorsque Jorge affronte le cadavre de sa victime. L’horreur sort tout droit des tableaux de Bacon- corps meurtri, déformé, dévasté. Les décors intérieurs semblent toujours immuables, sans souplesse et enclavent sévèrement les personnages. Les paysages eux-mêmes n’offrent ni ouverture du champ ni respiration mais écrasent le protagoniste et se font anguleux, sublime saillant et blessant. Force des paysages, apparition à la partition de l’harmonica, solitude : Tuer un homme évoque la mélancolie des grands westerns.