Tue-moi
Français, suisse, allemand : 2010
Titre original : Töte mich
Réalisateur : Emily Atef
Scénario : Emily Atef , Esther Bernstorff
Acteurs : Maria-Victoria Dragus, Roeland Wiesnekker, Wolfram Koch
Distribution : Les Films du Losange
Durée : 1h31
Genre : Drame
Date de sortie : 25 avril 2012
Globale : [rating:4][five-star-rating]
D’une histoire qui aurait pu sombrer dans le graveleux et le scabreux, la jeune cinéaste allemande Emily Atef a su tirer un film tout en nuances mené par deux comédiens étonnants. Une très belle surprise qui sonne une fois de plus la vitalité d’un cinéma qui enfin franchit à nouveau le Rhin.
Synopsis : Adèle est une adolescente ravagée par l’ennui d’une existence sans avenir, coincée dans la laiterie familiale. Son seul désir : mourir. Les tentatives de suicide n’étant pas aussi aisées à faire qu’à désirer, elle saisit l’occasion de partir avec Timo, homme plus âgé qu’elle qui vient de s’évader de prison et qui, blessé trouve refuge dans la ferme. Elle l’aide à la condition qu’il finisse par la tuer…
Ode à la vie
Rares sont les films qui franchissent le Rhin, même si la vitalité du cinéma post-fassbinderien tend à se confirmer depuis quelques années. L’effet « La vie des autres » ovationné il y a quatre ans par le public français, semble se répercuter sur la production germanique et son exploitation hexagonale. « Tue-moi » s’inscrit à merveille dans cette nouvelle qualité du cinéma allemand.
D’un sujet qui aurait pu aisément sombrer dans le graveleux, le pathos, le scabreux, la cinéaste et auteur du scénario Emily Atef, dont c’est le troisième long métrage, a su saisir toute la complexité psychologique. Même s’il s’agit d’une traque, nous sommes loin d’un « Bonnie and Clyde » d’outre-Rhin. Les deux protagonistes vont en effet s’employer non point à tuer pour tuer comme dans le film d’Arthur Penn, mais à survivre tant bien que mal. Survivre autant par rapport au monde qui les entoure, menaçant et hostile qu’à leur existence personnelle balafrée de toutes parts.
Pudeur et intelligence
Les moindres détails vont alors se charger de sens et épaissir le mystère qui nimbe ces deux êtres tellement opposés qu’ils finissent par devenir complémentaires. Avec beaucoup d’acuité, la cinéaste va capter des instants d’une désarmante simplicité (des cheveux coupés, des randonneurs en pleine forêt, une chambre vide, une partie de foot) pour les mettre au service de son récit et de ses personnages qu’elle filme avec beaucoup de retenue et d’intelligence. Elle saisit leur vulnérabilité (jusque dans l’immensité des décors naturels où ils évoluent), leur détermination jusqu’à effectuer un transfert progressif des rôles et les lier plus que ne l’aurait fait une histoire d’amour. Il s’agit avant tout d’une quête personnelle de chacun avec l’autre pour y parvenir. En ce sens, ce film au titre mortifère est une ode à la vie, une œuvre profondément humaine et humaniste.
Cette humanité se lit à livre ouvert grâce également aux deux interprètes. Maria Dragus et Roeland Wiensknekker, deux visages quasiment inconnus du public, réalisent un sans faute. L’adolescente paumée et effrontée et la brute épaisse qui masque sous sa carapace et sa barbe hirsute un malaise profond sont campés avec brio par ces deux comédiens d’une totale justesse. Après son prix du meilleur second rôle féminin aux « Lola » (les Césars allemands) pour le chef d’œuvre de Michael Haneke « Le Ruban blanc », Maria Dragus offre une nouvelle facette de son potentiel dans ce « path movie » exaltant. Une très belle réussite.
Résumé
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=Oym175SzRr8[/youtube]