True Detective – Episode 1

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La pression est grande. Elle se refuse à m’éclairer sur cet aspect quasi acquis de ce qu’est une série saisie belle, admirable. Vomir sur la réalité des choses qui nous entourent, sur les actualités pessimistes qui nous gavent quotidiennement, rend la critique de ce chef d’œuvre programmé beaucoup plus aisée. On s’auto-congratule, se flattant généreusement d’avoir vu ce que sont capables d’obtenir des personnes, entourées d’une armada de scénaristes, photographes, réalisateurs, comédiens et autres, à l’aide d’une simple idée… L’idée, messieurs, dames, elle est ce qu’elle demeure quand elle est additionnée à la triste actualité qui somnole, tapie dans l’ombre, prête à jaillir et nous exploser au visage lorsqu’elle est colportée. Bon sang de bonsoir, True Détective est une série vaillante, orchestrée et véhiculée à la perfection par un pessimisme omniprésent, brodé, cousu main, presque sans faille perceptible. Les promesses d’une réussite sont tenues chichement, portées par un duo d’acteurs grandement efficace. Et c’est à travers cet épisode pilote qu’il est important voire primordial de répandre cette information. Brisez les codes des bonnes manières, abrutissez-vous à l’extrême, videz-vous la tête et regardez, tout simplement, regardez…

true detective affiche

Une « tripante » entrée en matière annonciatrice de ce raz-de-marée médiatique à succès…

On nous a prévenus, il fallait s’y préparer, la série True Detective lancée un soir hivernal de 2014, par la chaîne américaine HBO est à considérer comme un film de huit heures découpé en huit épisodes. Evidemment, on peut se ronger les sangs avec le plus grand scepticisme pouvant nous accompagner dans ces instants-là, quand il est question de visionner un film de huit heures. On peut redouter aussi une trop grande minutie à détailler chaque moment, chaque plan, chaque scène à s’en perdre en chemin. Que nenni. Les puristes sériels prendront cet argument camouflé par une hantise perceptible, vous regarderont dans les yeux le plus fièrement possible, et balayeront d’une pichenette dédaigneuse toute trace d’hésitation… Regardez donc déjà le premier épisode, vous signerez pour le deuxième, puis le troisième, et puis zut… vous avalerez la saison 1, oubliant le doute qui vous avez effleuré l’esprit à supporter huit petites heures de votre existence…

La première scène met en avant la déposition de Martin Eric Hart (Woody Harrelson), le 1er Mai 2012 dans un bureau de police de Louisiane. Il décrit à sa manière, dans son jargon, son coéquipier de l’époque, Rustin Spencer Cohle (Matthew McConaughey). En parallèle, quelques jours plus tôt, est interrogé ce dernier sur la terrible affaire les liant dix-sept ans auparavant. Les deux histoires sont accompagnées de flashbacks. Dès les premiers instants, nous nous sentons comme happés par la torpeur suffocante des décors sublimes que peut nous offrir la Louisiane : des champs de canne à sucre à perte de vue, une atmosphère lourde et chargée, des villages clairsemés, appauvris par cette Histoire des Etats-Unis, exigeante, brutale, mais à ancrage fédéraliste sans faille. On déguste chaque seconde nous rapprochant du fait marquant qu’on ne peut éviter : cette femme morte, nue, agenouillée au pied d’un arbre centenaire, les mains ligotées, la tête ornée de bois de cerf, et le dos marqué d’un tatouage satanique. Je pense en ne m’avançant que très peu, qu’elle a dû bien jongler la pauvre dame. Et, elle a dû très certainement connaître sévices et barbaries corporelles bien douloureuses à encaisser. On n’a aucune difficulté à faire le comparatif avec Hannibal (la série avec Mads Mikkelsen) tellement le tableau macabre présenté ici, constitue une mise en scène horrifique à l’extrême. Rust est décrit par Martin comme étant quelqu’un de concerné dans ce qu’il fait, méticuleux et intelligent. Toujours accompagné de son gros carnet de note, il est surnommé « le percepteur ». Au fil des minutes, une relation tout juste cordiale semble se nouer entre les deux collègues. Tellement juste cordiale, que la femme de Hart le tanne pour qu’il daigne bien vouloir inviter Rust à venir dîner un soir chez eux. Cohle accepte poliment sans trop rechigner. L’enquête de 2012 raconte l’enquête et les faits de 1995. Un échange s’instaure entre les deux époques abreuvant pertinemment d’anecdotes les circonstances liées à ce funèbre crime, mais n’omettant pas de donner du grain à moudre sur la personnalité de nos deux personnages. Et pourtant, et pourtant… Les minutes passent lentement. Les dialogues dans ce polar sont copieux, rendant parfois l’épisode un tantinet longuet. Pas de panique. Surtout pas de panique. Les femmes et les enfants d’abord ! Les choses se mettent calmement en place. Inexorablement, les pièces du puzzle s’imbriquent naturellement sur l’avancée de l’enquête sur le meurtre de Dora Lange. On s’aperçoit surtout au fil des minutes, que les dépositions de Rust et Cohle nous amènent à quelque part…

True Detective

Un duo vraiment efficace

Le plus honnêtement du monde, on ne pouvait pas rêver d’un meilleur duo, capable, à lui seul de tenir en haleine son auditoire. On ne pouvait pas réaliser que ces deux hommes, deux brillants acteurs dotés d’une redoutable expérience pouvaient donner du répondant à une série au scénario machiavélique. Quoiqu’il en soit, les deux stars campent sur des personnages au destin diamétralement opposés. Ils répondent au sempiternel cliché du bon et du mauvais flic des séries modernes à savoir, le mec simple sans histoire, bon père de famille, et l’autre, torturé, sans sourire, dissout par une vie de famille pas très joyeuse. Woody Harrelson joue donc ce brave Martin Hart, marié à Maggie Hart (Dominic Monaghan), deux filles avec de belles nattes et de beaux sourires, et une maison de village typiquement modeste. Evidemment, comment ne pas mentionner l’épaisse filmo de Woody Harrelson, le trop peu médiatisé acteur texan, par quelques films cultes qui lui ont été donnés de jouer ? Tueurs-Nés, Proposition Indécente, Money Train, Les Blancs ne savent pas sauter, Larry Flint, Hunger Games 1,2 et 3 (et bientôt 4), 2012, Insaisissables, Sept Vies, La Ligne Rouge… Cette impressionnante filmographie parle tout bonnement pour lui. Martin Hart c’est le bon flic, raisonnable, sérieux, ayant le « ce qu’il faut » de diligence, droit dans ses bottes, et le « ce qu’il faut » de vulgarité pour un flic lambda. Woody s’adjuge avec brio le caractère anti-conceptuel de ce Martin Hart, à des kilomètres de Pinot, Simple flic, et à des kilomètres de l’Inspecteur Harry. Présentons maintenant le deuxième élément de la Team « Blondinet » : Rust Cohle (Matthew McConaughey). On a beaucoup moins de mal à le présenter tant sa belle chevelure, sa belle gueule plait à Hollywood, tant ce qu’il a donné au cinéma ces dernières années donne davantage d’envergure à cette série. Amistad, Contact, En direct sur EdTV, Un Mariage trop Parfait, Sahara, Magic Mike, Le Loup de Wall Street, Dallas Buyers Club, Interstellar… Voilà quelques faits d’arme gratifiants. Une pacotille n’est-ce pas ? Contrairement à Monsieur Harrelson, son omniprésence médiatique génère un logique tournoiement autour de lui. Perché dans ses monologues philosophico-pessimistes sur le monde actuel, il nourrit, que dis-je, il inonde, que dis-je, il éclabousse de son sain-talent les minutes défilants minutieusement jusqu’au terme du pilote ! On sent que Cohle est un travailleur acharné, instinctif, ayant préféré mettre tout de côté pour faire de son boulot le pivot central de son existence, délaissant sa sociabilité, la décoration terriblement sommaire de son appartement, et son passé. Ces deux acteurs opposés par leur médiatisation à la ville comme à la campagne, opposés par leurs rôles dans la série, se complètent parfaitement, s’attirent à merveille. Pourtant, paradoxalement, Rust et Cohle ne se donnent la réplique qu’à distance réglementaire, sans complicité visible. Ils ne se flattent pas copieusement le darjon. Ils ne s’amusent pas à jouer à pince-tétons. Vous me direz, en même temps, qui prendrait le pari dans une série de faire cela, entre deux scènes mortuaires ? Pas grand monde effectivement. Cela me rassure. Ce n’est pas le credo de True Detective, on l’a très bien compris. En fait, c’est ce duo complémentaire, professionnel, bien trouvé, qui épice parfaitement l’intrigue de ce polar onctueusement préparé et qui apporte un relief cohérant et vendeur à un scénario pour le moment bien emballé.

true detective ep 1

True Detective – Episode 1 – Ma Conclusion

J’ai beaucoup réfléchi avant de pondre cette conclusion, avant de donner un verdict n’impliquant que moi. J’ai poussé bien fort à m’en péter les veines du front, afin que sorte cet œuf. Je ne peux pas dire, et cela n’engage que moi évidemment, avoir été convaincu à 300%. Il est extrêmement rare qu’une série aussi mythique soit-elle, puisse passer de suite à la postérité d’un simple claquement de doigt. La profondeur narrative torturée de Cohle, parfois difficile à suivre, peut égratigner le vernis impeccable de la série. Mais on se doit de relativiser quand on se concentre un bon coup. Nous n’en sommes qu’au pilote. On se félicite néanmoins tout de même d’avoir apprécié à juste titre, cet art visuel retranscrit dans cet épisode, à travers ces décors fabuleux, cette ambiance pesante, ce scénario grandissant chaque minutes, et surtout, ô grand surtout, à cette complémentarité entre nos deux acteurs. Le passage d’une époque à l’autre apporte une belle densité à ce numéro 1 et livre chaleureusement une promesse plus que fondée vers une suite à nous faire adorer définitivement True Detective.

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