La Roche-sur-Yon 2018 : Time Trial

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Time trial

Royaume-Uni, 2017
Titre original : Time Trial
Réalisateur : Finlay Pretsell
Intervenants : David Millar, Thomas Dekker
Distribution : –
Durée : 1h21
Genre : Documentaire sportif
Date de sortie : –

Note : 3/5

Que se passera-t-il, une fois qu’on aura accompli ses rêves ? Au cinéma, la réponse à cette question existentielle par excellence est invariablement le générique de fin. Mais dans la vraie vie ? Le rêve du cycliste David Millar a été de concourir ne serait-ce qu’une seule fois au Tour de France. En 2014, sa carrière professionnelle s’est achevée sans qu’il ait été retenu pour le treizième Tour de sa carrière. Une fin en demi-teintes en quelque sorte que le documentaire Time Trial, présenté au Festival de La Roche-sur-Yon dans la section Nouvelles Vagues, retrace d’une manière particulièrement immersive. Or, au delà de toutes ses prouesses techniques, le film de Finlay Pretsell montre surtout le côté moins séduisant du sport de haut niveau, un effort fourni sans cesse en échange d’une gloire ponctuelle, aussitôt acquise, aussitôt perdue. Car depuis sa suspension pour dopage au début des années 2000, Millar a dû batailler dur pour atteindre à nouveau son niveau d’avant. C’est ce long et épineux chemin vers un dernier tour de piste honorable, alors que les jambes ne font plus avancer le vélo aussi rapidement, que la caméra accompagne, sur le guidon et depuis les véhicules d’accompagnement, ainsi que plus indirectement, en laissant libre cours aux doutes de ce sportif exemplaire dans toute son imperfection.

Synopsis : Le vétéran des routes de l’équipe Garmin-Sharp, le cycliste écossais David Millar a décidé de mettre un terme à sa carrière à la fin de la saison 2014. A 37 ans, il ressent le besoin de passer à autre chose, en espérant se qualifier auparavant une ultime fois pour la compétition reine de sa discipline, le Tour de France. Ses résultats assez médiocres lors des épreuves de qualification laissent toutefois planer le doute sur sa sélection.

La bête du peloton

Depuis l’accumulation des affaires ces dernières années, le sport cycliste n’a plus bonne presse. A quoi bon, en effet, admirer l’exploit physique, si le doute plane de façon permanente sur l’honnêteté des pratiques d’entraînement ? L’un des coupables de cette perte de confiance est David Millar, autrefois jeune espoir du cyclisme britannique, amèrement déchu de son piédestal pour dopage, qui s’était ensuite remis en selle sans jamais atteindre son niveau passé. Hélas, son obstination à faire amende honorable et à se consacrer de nouveau entièrement à son sport n’a pas su balayer l’âcreté de l’arrière-goût que ses manquements ont laissé chez ses fans. Car son parcours icarien, auquel le dénouement digne d’un phénix fait d’ailleurs cruellement défaut, apporte plus de questions que de réponses à la raison d’être de ces centaines de cyclistes professionnels, qui aiment tellement la souffrance qu’ils enfourchent leur vélo jour après jour, une épreuve à la fois. Un sacrifice immense, en somme, qui n’est que très rarement couronné de succès, désormais entaché du soupçon de la tricherie. La majeure partie du documentaire s’attache à montrer cette monotonie de la course : belle par la camaraderie entre des coureurs qui n’ont plus rien à perdre et qui râlent avec nostalgie contre ces jeunes qui tentent une échappée au moment le moins opportun / plus difficile à accepter lorsque les forces s’amenuisent et que les conditions climatiques et le terrain s’allient contre le travail investi.

Impossible de s’arrêter

La mélancolie avec laquelle David Millar envisage la fin de sa carrière et que la mise en scène met à jour avec délicatesse ne rend pas pour autant son investissement plus raisonnable. Même les aspects annexes de Time Trial, tels que les commentaires de l’équipe encadrante dans la voiture, contribuent à dresser le constat assez sombre d’une vie passée sur deux roues et sous les feux des projecteurs. Bien qu’il n’y ait rien de vraiment glamour à admirer chez une ancienne gloire qui doit se frayer son chemin à travers les badauds avant le début de la course, puis se contenter des moyens du bord, à savoir des gants de substitution qui ne remplissent guère leur rôle de protection contre le froid et l’humidité, Millar préserve son aura de vedette déchue ou plus précisément d’espoir qui tente toujours d’être à la hauteur, trop tardivement pour faire encore la différence. Comme le dit si bien son coéquipier, seules deux choses sont essentielles pour un coureur cycliste : adorer s’entraîner et ne pas trop philosopher sur le bien-fondé de cette passion. Un état d’esprit de débutant idéaliste que son collègue sur le déclin n’a plus le luxe d’adopter. Tout ce qu’il lui reste à faire alors – et la mise en scène le suit avec une franchise appréciable dans cette entreprise personnelle –, c’est de s’accrocher jusqu’à la dernière minute, jusqu’au dernier virage avant la ligne d’arrivée ou bien le déclassement assuré.

Conclusion

Formellement plutôt branché, avec son travail considérable sur la bande son par exemple, Time Trial est avant tout un traité filmique fascinant sur l’utilité intemporelle de l’effort. Puisque tôt ou tard, l’heure des bilans viendra pour chacun d’entre nous, le documentaire de Finlay Pretsell dresse le portrait fascinant, parce que dépourvu d’embellissements artificiels, d’un sportif professionnel tristement lucide quant à la perte annoncée de tout ce qui importait dans sa vie. Vous n’y aurez par contre pas le temps de trop vous attrister sur son sort, grâce aux prises spectaculaires pendant les courses, susceptibles d’inverser enfin l’image peu recommandable du cyclisme professionnel.

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