Critique : The Guilty

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The Guilty

Danemark, 2017
Titre original : Den skyldige
Réalisateur : Gustav Möller
Scénario : Emil Nygaard Albertsen & Gustav Möller
Acteurs : Jakob Cedergren, Jessica Dinnage, Omar Shargawi
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h25
Genre : Thriller
Date de sortie : 18 juillet 2018

Note : 3/5

Un personnage isolé à l’écran, avec son téléphone comme seul et unique lien vers un monde extérieur particulièrement hostile : ce dispositif plus ou moins directement venu du théâtre a déjà fait ses preuves au cinéma depuis de nombreuses années. Sa déclinaison dans le contexte des lignes d’urgence, où la volonté d’assistance est sans cesse frustrée par la distance et l’immobilisme physique, s’est même montrée encore plus redoutable, il y a plus d’un demi-siècle dans le premier film de Sydney Pollack Trente minutes de sursis dans lequel le personnage interprété par Sidney Poitier avait essayé par tous les moyens de dissuader celui de Anne Bancroft de mettre fin à ses jours, et plus récemment dans The Call de Brad Anderson, avec une Halle Berry prête à lâcher le combiné pour intervenir personnellement lors d’une conclusion assez bâclée. Le film de Gustav Möller ne commet point la même erreur stratégique, puisque The Guilty ne quitte à aucun moment le décor froid et anonyme de la centrale d’appels. Il en résulte un thriller des plus efficaces, sans fioriture, ni action annexe susceptible de détourner l’attention du spectateur de l’échange tendu entre le policier muté temporairement au 112 danois et la victime d’un enlèvement, à laquelle il cherche à porter assistance par tous les moyens, aussi peu légaux soient-ils. Les coups de théâtre y sont dosés avec parcimonie, en fait juste assez pour disperser un soupçon d’exercice de style, qui plane toujours un peu sur ces récits puisant leur énergie de l’action en temps réel.

Synopsis : L’officier de police Asger Holm pourra bientôt quitter son poste d’opérateur d’appels d’urgence. Sa journée de travail touche à sa fin et le lendemain, un procès devrait le blanchir de tout soupçon de bavure et lui permettre de réintégrer son unité sur le terrain. C’est alors qu’il reçoit un appel inquiétant de Iben, une jeune femme qui se dit victime d’un enlèvement. Cette affaire a beau tomber sous la responsabilité d’un centre d’appel voisin, Asger met tout en œuvre pour ne pas perdre le contact avec son interlocutrice et connaître les circonstances du drame.

Le bon samaritain à l’autre bout du fil

L’action relève essentiellement de l’ordre de la psychologie dans des films comme The Guilty, où le spectateur est au moins autant tenu en haleine par la tension qui rythme l’intrigue que par des revirements spectaculaires qui changent la donne sans prévenir. Dans les plus solides parmi ces psychodrames à huis clos, le temps manque volontairement pour élargir le propos et faire ainsi déborder le fil ténu entre les protagonistes vers des considérations sans rapport direct avec l’urgence absolue qui les a réunis. C’est donc sans surprise que les origines sociales de Asger restent floues, si l’on fait abstraction de son état de boule de nerfs, solitaire, voire antipathique, qui digresse sans sourciller le règlement de son environnement de travail. Or, sa philosophie de franc-tireur est précisément au cœur du film, puisque sans elle, avec au contraire une conscience professionnelle digne d’un fonctionnaire des pays nordiques, il y aurait au mieux matière ici à l’amorce d’un fait divers sordide. Ce policier expérimenté est tout sauf un saint. Pourtant, le scénario plutôt finement ciselé sait tirer profit de son énergie artificiellement muselée, pendant cette parenthèse de sursis qui mettra à nu ses démons les plus intimes.

Ne quittez pas

Les rouages des mécanismes narratifs ne restent certes jamais longtemps invisibles, à cause de l’intensité du ton qui a parfois tendance à forcer le trait. Mais dans l’ensemble, The Guilty remplit le contrat de divertissement aussi précis que concis qu’il a souscrit auprès d’un public dépassant sensiblement les rares férus de drames austères, dans la forme et dans le fond, qui nous proviennent habituellement du Danemark. L’interprétation à fleur de peau de Jakob Cedergren est pour beaucoup dans la crédibilité de l’histoire, hélas pas complètement dépourvue de raccourcis opportunistes. Son arrogance presque fièrement affichée, qui n’est finalement que le signe indubitable d’un homme qui aime faire la morale aux autres sans même avoir commencé à se mettre en question lui-même, se mue progressivement en une attitude plus vulnérable, au fur et à mesure que l’intrigue s’épaissit et qu’il en perd le contrôle. Les gros fils de la manipulation de nos attentes et de nos espoirs ne restent alors pas toujours à l’arrière-plan. En même temps, il faut un minimum de cette volonté de direction tendancieuse de la part du réalisateur pour ne pas faire sombrer le film dans le marasme d’une réalité au moins aussi glauque que les autres appels de détresse, que le personnage principal traite avec une nonchalance hautement ambiguë.

 

Conclusion

La recette des thrillers poignants n’est nullement la chasse gardée du cinéma hollywoodien ! En Europe, on peut en faire également de très bons, comme le démontre sans fanfaronnade excessive The Guilty. Le premier long-métrage de Gustav Möller est un film de genre des plus prometteurs, non pas d’un talent visuel appelé à révolutionner le cinéma commercial, mais davantage d’une adresse très rarement prise en défaut à agencer un univers à la fois oppressant et passionnant. Tout en restant fidèle aux clichés, la mise en scène se montre néanmoins apte à y dénicher quelques vestiges d’une humanité pas encore entièrement désabusée.

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