Critique : The Circle

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The Circle

Etats-Unis, 2017
Titre original : The Circle
Réalisateur : James Ponsoldt
Scénario : James Ponsoldt et Dave Eggers, d’après le roman de Dave Eggers
Acteurs : Emma Watson, Tom Hanks, John Boyega, Ellar Coltrane
Distribution : Mars Films
Durée : 1h50
Genre : Science-fiction
Date de sortie : 12 juillet 2017

Note : 2,5/5

Alors que nous ne sommes qu’aux tout débuts de l’ère numérique, il est d’ores et déjà indispensable de disposer d’une présence virtuelle pour se faire entendre et donc exister. De nos jours, si vous n’avez ni profile Facebook, ni comptes Instagram et Twitter, ni smartphone dernière génération pour alimenter tout cela en permanence, vous serez au mieux la risée de vos proches et au pire définitivement largués d’une façon irrécupérable. Les réfractaires à cet état d’esprit constamment connecté ont de plus en plus de mal à faire passer leurs mises en garde, le progrès allant désormais si vite que toute résistance doit paraître inutile. La porte ouverte à tous les abus imaginables est pourtant seulement entre-baillée pour le moment, en attendant une transparence instantanée et totale qui aura mis les codes sociaux et éthiques de nos ancêtres sens dessus dessous. The Circle, un film d’anticipation pas dépourvu de lucidité, nous fait goûter à cette utopie à double tranchant. Il y parvient tant bien que mal à travers le schéma dramatique hautement éprouvé de la nouvelle recrue, d’abord frustrée par ses difficultés à trouver sa place au sein d’un monde séduisant, quoique profondément cadenassé, qui finit par en devenir le défenseur le plus ardent. Malheureusement, c’est précisément sur le terrain crucial de l’adhésion progressive du personnage principal à la philosophie de vie de son entreprise que le récit pèche par un recours trop systématique aux ressorts simplistes et parfois même platement manipulateurs.

Synopsis : Mae galère dans de petits boulots, avant de décrocher grâce à son amie Annie un entretien d’embauche chez la boîte de services informatiques The Circle. Elle s’y occupe de l’assistance après-vente des petits annonceurs, un travail modeste, qui lui permet cependant de se familiariser avec la culture d’entreprise de son nouvel employeur, très portée sur la mise en réseau des compétences et la promotion d’une transparence absolue. Mae en devient le bénéficiaire involontaire quand elle fait une virée nocturne illégale en kayak et n’est sauvée de la noyade que grâce aux moyens de surveillance sophistiqués mis en place par The Circle à travers le monde. Les deux dirigeants de l’entreprise, le charismatique Eamon Bailey et l’homme de l’ombre Stenton, font alors de la jeune femme le porte-parole de leur nouvelle campagne de sensibilisation, visant à promouvoir une vie quotidienne partagée quasiment sans interruption sur leurs réseaux.

Le Meilleur des mondes

Le scénario de The Circle s’emploie amplement à démontrer que tout ce qui est nouveau et signe du progrès n’est pas forcément mauvais. Les avantages d’une vie sur le campus de cette entreprise fictive, quoique calquée de près sur l’environnement de travail convivial mis en place par Google et d’autres géants des nouvelles technologies, sont ainsi multiples, à condition d’accepter quelques règles de base plus ou moins contraignantes. Dans ce contexte, la subtilité de la soumission à une vie en communauté virtuelle et de l’abandon du droit à la sphère privée consiste justement à dépeindre ce pas essentiel à franchir comme une libération des freins archaïques à une vie sociale entièrement épanouie. Cette transformation s’opère chez Mae d’une manière assez caricaturale, la voyant passer presque sans transition de son quotidien solitaire et peu enviable à une popularité planétaire comme on n’en a plus vu au cinéma depuis le conte médiatique sensiblement plus ingénieux The Truman Show. Car contrairement à l’interrogation astucieuse dans le film de Peter Weir sur notre rapport au voyeurisme, qui est en fait la valeur suprême de cette époque-ci de l’image instantanée, consommée en masse sans aucune mise à distance critique, celui de James Ponsoldt s’évertue à multiplier les gadgets et autres coups publicitaires pour mieux souligner à quel point l’utopie d’un monde meilleur, à portée de main grâce au lien pratiquement sectaire avec le réseau dominant, contient son lot de calculs mercantiles.

Secret est mensonge

Un souci supplémentaire en termes de probité morale du récit se présente du côté de l’adhésion en fin de compte sans discernement du personnage principal à l’idéal de son entreprise, dont l’essence serait bonne selon elle, à condition de l’appliquer à la lettre à tous ceux qui y souscrivent. Son optimisme et son ambition angéliques peuvent certes refléter une certaine fougue de la jeunesse, engagée corps et âme en faveur d’une cause, avant de se rendre compte bien trop tard que le monde n’est finalement ni tout blanc, ni tout noir. Sauf que l’agencement de cette révolution depuis l’intérieur dénote passablement par les grosses ficelles narratives que la mise en scène tout juste adéquate ne réussit guère à masquer. Car face au caractère de Mae de plus en plus aseptisé, voire vampirisé par son engagement aveugle – interprétée par une Emma Watson que l’on croyait un peu plus avisée en termes de choix de rôles mettant en avant des femmes réellement fortes et pas seulement réduites à une fonction d’outil au service d’une machine sans âme –, les personnages secondaires manquent eux aussi de profondeur, à commencer par les deux hommes de son âge qui lui tournent autour sans pour autant réussir à percer son carcan asexué, joués par les coqueluches respectives du cinéma américain commercial et indépendant John Boyega et Ellar Coltrane. Quant aux adultes à proprement parler, qui sont sans surprise de plus en plus mis à l’écart dans un univers pratiquant le culte de l’innovation, ils remplissent au mieux une fonction tristement nostalgique, dans le cas des parents de Mae interprétés par Bill Paxton et Glenne Headly, décédés en février et en juin dernier, ou agissent en tant que référence là encore outrancière à ces dirigeants d’entreprise qui se veulent visionnaires, tout en se reposant cyniquement sur les milliards de dollars que leur sens des affaires sans scrupules leur a fait gagner sur le dos des clients crédules (Tom Hanks et Patton Oswalt).

Conclusion

Le sujet de The Circle n’aurait pas pu être plus d’actualité, en ces temps où l’humanité se prépare de gré ou de force à la transition vers une présence du numérique dans tous les domaines de la vie. Dommage alors que l’intrigue ne se montre pas plus originale, pour exprimer en termes filmiques cet état des lieux pour le moins préoccupant. Constamment à mi-chemin entre la propagande pour le règne à venir des réseaux sociaux et une mise en garde presque frileuse contre cette même dérive hypothétique, mais pas si lointaine que ça, le film de James Ponsoldt risque davantage de rater sa cible que de déclencher une réflexion éclairée sur cette thématique pour le moins épineuse.

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