The Bookshop
Espagne, Royaume-Uni, Allemagne, 2017
Titre original : The Bookshop
Réalisatrice : Isabel Coixet
Scénario : Isabel Coixet, d’après un roman de Penelope Fitzgerald
Acteurs : Emily Mortimer, Bill Nighy, Patricia Clarkson, James Lance
Distribution : Septième Factory
Durée : 1h53
Genre : Drame
Date de sortie : 19 décembre 2018
Note : 2,5/5
Le parcours professionnel de la réalisatrice espagnole Isabel Coixet n’aura jamais fini de nous stupéfier. Ses films ne déplacent certes pas les foules, mais elle a réussi à tourner à un rythme régulier depuis le début du siècle. Tant mieux pour elle, serait-on tenté de dire, alors que les métiers du cinéma sont toujours assez fermés aux femmes, notamment sur la péninsule ibérique. Le hic, depuis notre point de vue purement subjectif qui ne correspond visiblement pas au goût généralisé, c’est qu’elle ne sait pas vraiment faire des films attrayants, puisque les siens constituent le cas d’école exemplaire d’un cinéma formellement ennuyeux et superficiel, les bas-fonds de la platitude cinématographique en quelque sorte. Notre appréhension est confirmée au delà de toute crainte par son nouveau film, le lauréat inexplicable de trois Goyas majeurs au mois de février dernier, qui conte d’une façon particulièrement maladroite l’histoire faussement édifiante d’une veuve, obligée de se battre contre l’ignorance provinciale dans toute sa mesquinerie, afin de réaliser son rêve d’ouvrir une librairie. Qu’il n’y ait pas de malentendu, The Bookshop nous agace avant tout par sa médiocrité formelle, ainsi que par son incapacité à tirer autre chose de son intrigue convenue que de l’ennui profond. Ce serait une pure perte de temps, pas vraiment digne de figurer dans la sélection officielle de l’Arras Film Festival, où il fut présenté en avant-première, si ce n’était pour le seul facteur rédempteur et carrément paradoxal du travail de Isabel Coixet : une direction d’acteurs comme par miracle assez fine pour dénicher au moins ponctuellement des tours de force tout en subtilités.
Synopsis : En 1959, Florence Green décide de renouer avec le métier de sa jeunesse en ouvrant une librairie dans la bourgade de Hardborough, petit port tranquille dans le nord de l’Angleterre. Pour ce faire, elle achète une vieille maison, appelée The Old House, désaffectée depuis des années. A son grand étonnement, son initiative ne rencontre que de l’adversité parmi les habitants, avec en tête la bien connectée Violet Gamart, épouse de général, qui met soudainement en chantier le projet concurrent d’un centre d’art. Le seul allié de Florence dans son combat en faveur d’un peu de diversité littéraire est le solitaire Edmund Brundish, un grand lecteur qui vit à l’écart de la communauté dans la plus imposante demeure du village.
Abondamment courageuse
Dès ses premiers films, Isabel Coixet a fièrement porté l’étendard du féminisme. The Bookshop ne fait point exception à la règle, grâce au dispositif dramatique, élaboré sans la moindre ingéniosité, de la pauvre femme, instruite et téméraire, qui devra affronter à elle seule les préjugés de la gente masculine et, pire encore, la rivalité ouverte de la part d’une consœur d’emblée figée dans l’adversité. En effet, l’opposition entre l’intruse et la maîtresse des lieux ne trouve à aucun moment une autre justification que le choc caricatural des valeurs inconciliables de l’ouverture d’esprit et de sa fermeture catégorique. Ce schéma scénaristique au manichéisme paresseux souffre alors autant de son écriture expéditive que de l’interprétation forcée de Emily Mortimer et de Patricia Clarkson, deux actrices qui avaient su nous séduire infiniment plus dans le passé, quand elles avaient le privilège de disposer de rôles au trait moins grossier. L’innocence aux yeux bleus d’un côté et la méchanceté névrosée de l’autre ne font donc pas bon ménage ici. Une évidence qui relève hélas d’une futilité symptomatique de l’ensemble de cette histoire trop banale et traduite en des termes filmiques trop quelconques pour nous émouvoir de quelque manière que ce soit.
Lolita, Lolita, écoute-moi
Il existe pourtant un élément qui sauve dans la mesure du raisonnable ce film bancal du naufrage complet. En dépit de sa douceur unique, la voix off de Julie Christie, qui retrouve la réalisatrice pour ce petit service amical après leur collaboration plutôt réussie dans The Secret Life of Words il y a douze ans, n’est guère cette béquille de circonstance. Pour cela, l’emploi de ce dispositif rétrospectif est beaucoup trop conventionnel et redondant au sein du propos progressiste du récit. Non, celui qui se montre exclusivement à la hauteur de ce que The Bookshop rêvait sans doute d’être, à savoir un film plein d’humanisme et de bonté sincère, c’est Bill Nighy dans le rôle de l’ermite bibliophile. La présentation de son personnage pâtit certes des mêmes gestes approximatifs que celle des autres, avec son aura faussement inquiétante qui ne s’avère être en fin de compte que de la timidité et de la misanthropie aiguës. Et sa dernière apparition dans le film est parfaitement révélatrice des lacunes insurmontables de l’expression cinématographique pratiquée par la réalisatrice. Mais il y a quand même une ou deux séquences, celle de la plage et celle du goûter dominical, au cours desquelles Nighy sait conférer une profondeur et une complexité à ce personnage, qui font sinon cruellement défaut au reste du film !
Conclusion
Ce n’est certainement pas The Bookshop qui nous convertira en fan des films de Isabel Coixet ! Ce film d’une superficialité affligeante confirme au contraire tout le mal qu’on pense de son travail. Seule sa capacité à tirer des interprétations quasiment magistrales de comédiens normalement abonnés aux méchants de service lui évite d’être classée dans la catégorie des cas désespérés. Cela représente un certain dilemme d’appréciation, soit, mais cette pépite infime, accomplie cette fois-ci par Bill Nighy, nous laisse au moins un minimum d’espoir que les futurs films de la réalisatrice ne seront pas complètement dépourvus d’intérêt.
Il est évident que la personne qui a pondu la critique du film « the bookshop » n’a absolument rien compris à la sensibilité de la réalisatrice.
Un cerveau de bulot sans doute,qui applaudit des 2 mains à de l’action de brute épaisse,avec 3 scènes de Q et 3 coups de pistolet…
Pourtant l’ambiance très particulière de ce drame est décrite et jouée tout en extreme finesse.Chacun des personnages face à Florence, a parfaitement reproduit,sans aucune agressivité ni aucun éclats de voix,la subtilité de l’hypocrisie bourgeoise,capable de tout pour arriver à ses fins.
Et le personnage de Florence est joué très justement,avec la retenue désarmée face au pouvoir du complot.Ces situations dérangeantes ,qui existent plus qu’on ne croit,
sont dénoncées par le biais de ce drame,tout en y ajoutant à la fois la force et la faiblesse de la femme,indépendante et seule.
NON,le film n’était pas fait pour déborder d’humanisme et de bonté sincère…au contraire….et le sacré tour de force fut justement de suggérer l’inverse derrière la façade de la fausse douceur…
Bravo à ce film exceptionnel,d’une très belle efficacité.
Et contrairement au bulot cité plus haut,qui lui,n’a rien compris et ne va pas tarder à « sombrer »dans le petit esprit fermé et inculte,si ce n’est déjà fait,nous,nous en redemandons de l’Isabel Coixet…
Mille fois mérité les 3 Goya…
Mais au fait le bulot sait il qui était Goya ?
Bonsoir IFC,
Vous semble-t-il possible d’étayer votre point de vue en respectant un minimum d’ouverture et de respect par rapport aux idées d’autrui, plutôt que de systématiquement tomber dans l’insulte et le mépris le plus flagrant ?
D’un point de vue personnel, cela me parait la moindre des choses, d’autant que la critique de Tobias est, en l’occurrence, parfaitement construite et argumentée. La confrontation des idées et des points de vue est intéressante, le fait de lire une palanquée d’insultes aussi absurdes qu’infondées l’est malheureusement beaucoup moins, et dessert énormément votre propos…