Après un petit moment d’égarement en début d’année, l’éditeur Artus Films semble avoir retrouvé la foi en son public et en un cinéma bien déviant, puisqu’il vient de décider d’ajouter le 5 avril deux nouveaux titres indispensables à sa collection « Western Européen » : Belle Starr Story et Matalo !. Deux westerns très différents l’un de l’autre, représentant deux visions bien distinctes de ce pan si attachant du cinéma d’exploitation…
Belle Starr Story
Italie, Espagne : 1968
Titre original : Il mio corpo per un poker
Réalisateur : Piero Cristofani, Lina Wertmüller
Scénario : Piero Cristofani, Lina Wertmüller
Acteurs : Elsa Martinelli, Robert Woods, George Eastman
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h43
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 5 avril 1973
Date de sortie DVD : 5 avril 2016
La belle rousse Belle Starr joue une partie de poker avec le bandit Larry Blackie. Ayant tout perdu, elle lui cède une nuit d’amour. Belle Starr se révèle être elle aussi une hors-la-loi, et va doubler Blackie sur un vol de diamants. A partir de là, les deux bandits vont rivaliser et jouer à qui exécutera le meilleur coup…
Représenté il y a peu au cinéma par le sympathique Jane got his gun, le « western féminin » est un sous-genre relativement fantaisiste qui a, depuis de nombreuses années, fait les beaux jours du western de série B. On ne compte plus en effet les donzelles ayant marché dans les plates-bandes de Calamity Jane au cinéma, de Raquel Welsh dans Bandolero (1968) à la horde sauvage de Belles de l’Ouest (1994), de Johnny Guitare à La reine de la prairie (tous deux sortis en 1954) en passant par 100 dollars pour un shérif (1969), les « pétroleuses » ont troué la peau de bien des hommes dans le western américain. Bien sûr, les italiens ne sont pas en reste, et on se souvient notamment avoir vu des cow-girls en furie dans le poussif Little Rita nel West (1967, retitré T’as le bonjour de Trinita sur les écrans français à cause de la présence fugace de Terence Hill dans le film) ou encore dans le très intéressant Belle Starr Story (1968), qui débarque aujourd’hui en DVD chez Artus Films. Porté par la performance d’Elsa Martinelli, qui va jusque pousser la chansonnette pour le générique du film, Belle Starr Story est un très agréable revenge-movie signé Piero Cristofani et Lina Wertmüller, qui apportent à l’ensemble une touche très originale avec une réalisation tantôt inspirée et énergique, tantôt franchement décalée. En l’état, on se surprend pendant le visionnage à se dire que si les dialogues étaient un peu plus travaillés, le film évoque ce dont Georges Lautner et son égérie des années 60/70 Mireille Darc auraient pu accoucher si d’aventure ils s’étaient essayés au western. Une curiosité à découvrir !
Matalo
Italie, Espagne : 1970
Titre original : ¡Mátalo!
Réalisateur : Cesare Canevari
Scénario : Nico Ducci, Eduardo Manzanos Brochero, Mino Roli
Acteurs : Lou Castel, Corrado Pani, Antonio Salines
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h29
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 2 février 1972
Date de sortie DVD : 5 avril 2016
Deux bandits sauvent un de leurs amis de la potence et se réfugient dans une ville fantôme. Rejoints par un quatrième larron, ils préparent l’attaque d’une diligence transportant de l’or. Leur plan pourrait se dérouler sans encombre, mais l’arrivée d’une vieille femme, d’un étranger maniant le boomerang, et d’une jeune veuve va venir tout chambouler…
Réalisé en 1970 par Cesare Canevari, Matalo ! est quant à lui une curiosité typique de son temps, et témoin d’une époque où la jeunesse, en rupture avec tous les idéaux représentés par leurs parents, rejetait tout en bloc à la recherche du « trip » ultime. En cela, et aussi étonnant que cela puisse paraître, Matalo ! est bel et bien un cousin d’Easy rider tourné un an auparavant : un vrai film de hippie(s), psychédélique, et véritablement unique en son genre, même comparé aux délires les plus baroques du western spaghetti. Prenant le parti de se débarrasser le plus rapidement possible des oripeaux les plus envahissants du genre western, le film de Canevari suit une bande de truands en cavale après une évasion filmée sur un fond de rock progressif proche des accords planants de groupes tels que Led Zeppelin ou Jefferson Ariplane, avant de s’arrêter avec eux au cœur d’une « ville fantôme » dans laquelle se déroulera tout le reste de l’intrigue. Si l’on peut parler d’intrigue, car Matalo ! privilégie l’ambiance, les digressions en pagaille, et forme un tout hétérogène et vraiment bizarre, flirtant même par moments avec le fantastique (le personnage de Corrado Pani, fantôme ricanant comme un bossu au moindre prétexte). Violent, volontiers complaisant – voire même sadique, Matalo ! impose des cadrages, un montage et une bande-son travaillés de façon à déstabiliser le spectateur, de lui faire perdre pied au cœur d’un voyage dans un Ouest fantasmé et hallucinatoire tel que personne ne l’avait jamais filmé à l’époque, et ne le filmerait plus jamais, à l’exception peut-être de Jan Kounen avec son Blueberry réalisé 34 ans plus tard.
Les DVD
[4,5/5]
Du côté des DVD, Artus Films nous livre, comme à son habitude, des copies propres et relativement stables de ses deux westerns. Présentés dans de beaux transferts au format respecté et au grain argentique parfaitement préservé, les deux films affichent une forme étonnante et des couleurs pleines de vivacité. Côté son, tous deux proposent également des mixages Dolby Digital 1.0 mono (en VF et VO) propres, assez frontaux mais toujours parfaitement clairs, avec les doublages français d’origine qui raviront les amateurs de version françaises un poil surannées.
Dans la section suppléments, et outre les traditionnelles bandes-annonces des films de la collection « Western Européen », Belle Starr Story et Matalo ! s’offrent tous deux une présentation signée Alain Petit, mais cela ne s’arrête pas là, car la galette de Matalo ! contient un autre petit trésor inattendu : Rouge western, un documentaire signé Eric Cherrière et Claude Ledu, et dédié à Ferdinando Baldi. Il narre à la première personne l’histoire du western italien, et s’avère assez passionnant, rempli d’entretiens avec des pointures du genre (Sergio Sollima, Ferdinando Baldi, Mario Caiano…). Un très beau cadeau pour les amoureux du genre, et un superbe boulot éditorial de la part d’Artus Films.