Vous ne désirez que moi
France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Claire Simon
Scénario : Claire Simon
Acteurs : Swann Arlaud, Emmanuelle Devos, Christophe Paou
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h35
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 9 février 2022
Date de sortie DVD : 28 juin 2022
Compagnon de Marguerite Duras depuis deux ans, Yann Andréa éprouve le besoin de parler : sa relation passionnelle avec l’écrivaine ne lui laisse plus aucune liberté, il doit mettre les mots sur ce qui l’enchante et le torture. Il demande à une amie journaliste de l’interviewer pour y voir plus clair. Il va décrire, avec lucidité et sincérité, la complexité de son histoire, leur amour et les injonctions auxquelles il est soumis, celles que les femmes endurent depuis des millénaires…
Le film
[3,5/5]
« Claire Simon est une réalisatrice qui aime passer du documentaire à la fiction et vice-versa. Bien évidemment, il lui arrive de ne pas vraiment choisir et de réaliser des films qui, selon la façon dont on les regarde, peuvent être perçus comme étant des fictions ou comme étant des documentaires. Ce fut par exemple le cas en 2008, avec Les bureaux de Dieu, film relatant le quotidien d’un centre du planning familial avec des conseillères interprétées par des actrices connues, des femmes et des jeunes filles venant consulter qui n’étaient pas des comédiennes professionnelles et des dialogues reproduisant au mot près de véritables dialogues entendus lors d’entretiens se déroulant dans des centres du Planning Familial. La démarche suivie par Claire Simon dans Vous ne désirez que moi est assez similaire à celle suivie dans Les bureaux de Dieu : elle a choisi de porter à l’écran l’entretien que Yann Andréa, compagnon de Marguerite Duras, a eu sur deux jours, en octobre 1982, à sa demande, avec la journaliste et femme de lettres Michèle Manceaux. Cet entretien enregistré sur K7 aurait pu rester dans les oubliettes de l’histoire si Pascale Lemée, la sœur de Yann Lemée, rebaptisé Yann Andréa par Marguerite Duras, n’avait pas retrouvé ces K7 après la mort de Duras et d’Andréa. Depuis, cet entretien a donné naissance à un livre, « Je voudrais parler de Duras », paru chez Pauvert en 2016 et qui vient d’être réédité, et le voici donc au cinéma, interprété par un comédien et une comédienne. (…)
Claire Simon a choisi de mettre ces entretiens en images sous forme de plans séquences. Au début, la caméra va de l’un à l’autre, avec des allers-retours entre celui qui raconte à celle qui écoute, avant de s’attarder plus longuement sur les personnages, de façon presque frontale, le personnage de celle qui écoute devenant de plus en plus important. On devine ainsi que, pour Claire Simon, il est clair que, dans un tel entretien, la personne qui écoute, mais qui, parfois, relance l’entretien, est aussi importante que celle qui raconte. Ce que raconte Yann est très intime, allant jusqu’à évoquer la part sexuelle de sa relation avec Duras. Il faut savoir que Yann est devenu fan de Duras alors qu’il était homosexuel, un état que Duras ne supportait pas et qu’elle a choisi de déconstruire. « Je veux vous décréer pour vous créer », lui a-t-elle dit.
De fait, un des intérêts majeurs du film est de nous montrer un homme dans une situation qui a été celle de nombreuses femmes depuis la nuit des temps : un homme dominé et rabaissé par une femme et qui l’admet, un homme en état de soumission et qui l’admet, un homme dirigé par une femme, dans les 2 films qu’il a tournés avec elle, bien sûr, mais surtout dans la vie de tous les jours. Si l’entretien représente le cœur du film, Claire Simon a su l’enrichir avec un certain nombre d’images d’archive et un certain nombre d’aquarelles érotiques dessinées par Judith Fraggi, permettant d’évoquer la vie sexuelle des deux amants sans avoir recours à de la pornographie cinématographique.
Marguerite Duras, on ne la voit jamais dans le film, mais Claire Simon nous fait sentir sa présence avec de tout petits détails. En effet, ces entretiens se déroulaient au premier étage de la maison de Neauphle-le-Château dans laquelle le couple Duras-Andréa habitait alors que, au même moment, Duras était au rez-de-chaussée. Pour donner vie à l’écran à Yann Andréa et à Michèle Manceaux, Claire Simon a fait appel à Swann Arlaud et à Emmanuelle Devos. Un seul mot suffit pour qualifier leur prestation : prodigieux ! »
Extrait de la critique de notre chroniqueur Jean-Jacques Corrio. Retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien !
Le DVD
[4/5]
Film extrêmement pointu et exigeant, ayant réuni un peu moins de 45.000 spectateurs dans les salles obscures (sur 75 copies), Vous ne désirez que moi n’était pas voué à une exploitation au format Blu-ray, et c’est sans surprise qu’on le retrouve uniquement au format DVD sous les couleurs de Blaq Out. Pour autant, l’éditeur nous propose à cette occasion un DVD en tous points excellent : le film est proposé au format 1.85 respecté, et la définition est exemplaire, sans le moindre problème de compression ou autre pétouille technique. Côté son, le film est naturellement proposées en Dolby Digital 5.1, et bénéficie d’un mixage d’ambiance relativement dynamique. On notera par ailleurs que Blaq Out n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de système de spatialisation sonore : l’éditeur nous propose également un mixage Dolby Digital 2.0 qui s’avérera probablement plus cohérent si vous visionnez Vous ne désirez que moi sur un « simple » téléviseur.
Du côté de la section suppléments, l’éditeur nous propose tout d’abord un entretien avec Claire Simon et Swann Arnaud (15 minutes). La cinéaste expliquera avoir voulu donner un aspect charnel à une histoire qu’on ne connaissait jusqu’ici que par le texte, et l’acteur s’extasiera du résultat, une « vraie proposition de cinéma ». On continuera ensuite avec un entretien avec Claire Simon et Judith Fraggi (11 minutes), la cinéaste de 67 ans ouvrant la discussion avec l’illustratrice en revenant sur sa conviction selon laquelle la relation entre Yann Andréa et Marguerite Duras était très sexuelle. On poursuivra enfin avec un entretien avec Claire Simon et Céline Bozon (10 minutes), sa directrice photo. Les deux femmes y reviendront sur leur collaboration, leur façon de travailler ensemble, ainsi que sur les particularités de la lumière de Vous ne désirez que moi. Enfin, on terminera avec une galerie d’illustrations signées Judith Fraggi (1 minute), ayant la particularité d’être présentées d’une manière assez singulière, qui risque d’en faire glousser plus d’un.