Vendeur
France : 2016
Titre original : –
Réalisation : Sylvain Desclous
Scénario : Sylvain Desclous, Olivier Lorelle, Salvatore Lista, Agnès Feuvre
Acteurs :
Éditeur : BAC Films
Durée : 1h29
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie cinéma : 4 mai 2016
Date de sortie DVD : 7 septembre 2016
Synopsis : Serge est l’un des meilleurs vendeurs de France. Depuis 30 ans, il écume les zones commerciales et les grands magasins, garantissant à ses employeurs un retour sur investissement immédiat et spectaculaire. Il a tout sacrifié à sa carrière. Ses amis, ses femmes et son fils, Gérald, qu’il ne voit jamais. Et sa santé. Quand Gérald vient lui demander un travail pour financer les travaux de son futur restaurant, Serge hésite puis accepte finalement de le faire embaucher comme vendeur. Contre toute attente, Gérald se découvre un don.
Avouer la vérité à Kenneth pourrait tourner au règlement de compte…
Le film
[3.5/5]
Un vieux dicton prétend que les chiens ne font pas des chats. Lorsqu’on fait petit à petit connaissance avec Serge et avec Gérald, on se dit qu’il n’est pas toujours bon de se fier aux dictons ! Autant Serge, la cinquantaine est un bonimenteur cynique et sans aucun scrupule qui excelle dans son métier de vendeur de cuisines itinérant, autant Gérald, son trentenaire de fils, apparait incapable de se montrer malhonnête et menteur, ce qui le handicape grandement dans sa vie professionnelle : faillite du restaurant monté avec Karole, sa compagne, car il s’est toujours refusé à payer ses employés « au black » et à servir des plats sortant du congélateur, premiers pas catastrophiques dans le job de vendeur que lui a trouvé son père car, comme il le dit « entuber les gens, j’sais pas faire ! ». Gérald réussissant dans la vente, a priori, Serge n’y croyait pas, mais, bien que les rapports entre le père et son fils soient du genre épisodique, il s’est quand même senti obligé de le faire embaucher, à titre d’essai, dans un magasin appartenant à Daniel, un ami. C’est juste pour une période très limitée, lui a dit Gérald, juste le temps de gagner un peu d’argent pour l’aider à rembourser ses dettes et lui permettre de repartir dans la restauration. Travaillant pour quelque temps dans le même magasin que son fils, Serge espère pouvoir lui apprendre rapidement le b.a.-ba de son métier. Un métier que Serge pratique depuis 30 ans, un métier dont il est fier mais aussi un métier qui, sans qu’il en ait vraiment conscience, l’a conduit à une vie de solitude, une solitude qu’il s’efforce de tromper en faisant appel de façon régulière à l’alcool, à la drogue et aux prostituées.
Vendeur présente à la fois un côté documentaire consacré au métier de vendeur et la peinture d’une relation père-fils, ou plutôt de deux relations père-fils car Serge a lui-même un père, tout aussi solitaire que lui. On peut penser (espérer !) que Sylvain Desclous a un peu forcé le trait en ce qui concerne le portrait de ce milieu des vendeurs qui, comme la première scène du film tend à le montrer, a toutes les apparences d’une secte avec ses gourous et ses adeptes. Un milieu où, pour réussir, il faut arriver, par tous les moyens possibles, à se faire aimer afin d’exercer une pression affective sur les acheteurs et les acheteuses potentiels, les conduisant à dépenser plus que prévu au départ. Un milieu où un seul critère permet de faire le tri entre les bons et les mauvais : le total des chèques signés par les clients. Il est intéressant de noter que, sans trop appuyer, Sylvain Desclous montre qu’un renversement serait en train de s’opérer dans le baratin des vendeurs : lorsque Gérald arrive à devenir un vendeur performant, c’est en remplaçant les mensonges sans vergogne de son père, ces mensonges cherchant à caresser l’acheteur dans le sens du poil, par un discours fleurant bon l’honnêteté et la franchise. Serait-ce une question de génération ? N’est-ce pas tout aussi dangereux pour le client ? C’est sans surprise, finalement, que Sylvain Desclous compare les vendeurs à, d’un côté, les acteurs, de l’autre, les prostituées : Serge rappelant à son fils, afin de le motiver et lui donner de l’espoir, combien il avait été bon lorsqu’il était monté sur les planches alors qu’il était à l’école ; Chloé, une prostituée à laquelle Serge semble s’attacher, affirmant, au cours d’une conversation avec lui, qu’un vendeur et une pute, c’est à peu près la même chose. Cette prostituée et une visite que Serge va faire à son père sont les deux éléments qui l’amènent à réfléchir sur ses rapports avec son fils, à réfléchir, aussi, sur l’échec de sa vie. A côté, la transformation rapide, trop rapide, de Gérald, arrivant sans réelle explication, apparaît beaucoup plus artificielle.
Le milieu des vendeurs chez qui Sylvain Desclous nous introduit est un monde très masculin, mais, malgré les qualités de Gilbert Meski, interprète de Serge, de Pio Marmai, interprète de Gérald, et de Pascal Elso, interprète de Daniel, on ressort du film surtout impressionné par le jeu tout en nuances de deux comédiennes : Sara Giraudeau, qui interprète le rôle de Chloé, une jeune prostituée intelligente et attachante, et Clémentine Poidatz, qui joue Karole, la compagne de Gérald, à la fois fragile et décidée. Dans un petit rôle, on remarque la présence de Damien Bonnard, qu’on voit beaucoup en ce moment : second rôle dans Voir du pays, rôle principal dans Rester vertical.
Ne pas oublier qu’un petit détour vers la critique écrite par Tobias au moment de la sortie du film en salles peut s’avérer fort utile !
Le DVD
[4.5/5]
Sur ce DVD, le lancement du film est très simple, avec une seule question posée : avec ou sans sous-titres pour sourds et malentendants. Le son est en Dolby 5.1 et le transfert sur DVD n’est pour rien dans le côté un peu énervant de la musique à base de batterie qui accompagne les scènes de vente. Le transfert image n’a pas dû poser de problème particulier. En tout cas, il s’avère très correct, malgré la quantité totale de « matière » fournie par ce DVD. En effet, en matière de suppléments, BAC Films s’est montré particulièrement généreux : un entretien de 18 minutes avec le réalisateur et rien moins que ses deux derniers court-métrages. Dans cet entretien, Sylvain Desclous revient longuement sur son ressenti par rapport au métier de vendeur, métier qu’il a du reste pratiqué à un moment de sa vie. Il insiste également sur son goût pour les zones commerciales, malgré leur laideur, sur son empathie pour les personnages solitaires et le fait que les histoires de famille ont tendance à le toucher. Il nous fait part aussi d’une remarque intéressante : beaucoup de comédiens ont commencé comme vendeur. Les court-métrages ont pour titre Le Monde à l’envers, d’une durée de 35 minutes et qui réunit Myriam Boyer et Vincent Macaigne, et Mon Héros, d’une durée de 30 minutes et dans lequel on retrouve Damien Bonnard. Un point commun entre ces deux court-métrages et Vendeur : d’une manière ou d’une autre, leur métier contraint les personnages de ces films à endosser un déguisement : costume dans Vendeur, chapeau ridicule dans Le Monde à l’envers, déguisement de poulet dans Mon Héros. On ne sera pas étonné, après cela, d’entendre Sylvain Desclous affirmer dans son entretien qu’il a toujours eu du mal à trouver sa place dans une entreprise !