Un héros ordinaire
États-Unis : 2018
Titre original : The Public
Réalisation : Emilio Estevez
Scénario : Emilio Estevez
Acteurs : Emilio Estevez, Alec Baldwin, Jena Malone
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h56
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie DVD : 17 février 2022
Bibliothécaire à Cincinnati, Stuart voit sa vie basculer lorsque des sans-abris décident de se réfugier dans la bibliothèque pour y passer une froide nuit d’hiver. Sous le feu des médias, ce qui avait commencé comme une occupation pacifique se transforme bientôt en un bras de fer avec la municipalité et les forces de l’ordre…
Le film
[3,5/5]
Révélé en tant qu’acteur, dans les années 80, avec des films tels que Outsiders (1983), Breakfast Club (1985) ou encore Young Guns (1988), Emilio Estevez occupe également régulièrement les postes de scénariste et de réalisateur depuis 1986. Son application et son investissement dans les sujets qu’il aborde en tant que réalisateur lui ont d’ailleurs toujours valu une certaine admiration de la part de ses pairs : ses films ont le plus souvent été fort bien accueillis par la critique internationale, avec même une ovation debout de sept minutes pour Bobby, présenté à la Mostra de Venise en 2006. Pour autant, en 25 ans et sept long-métrages, Emilio Estevez n’a jamais jusqu’ici réellement rencontré de vrai succès public, ce qui lui a souvent valu d’envisager de quitter le métier pour se concentrer uniquement sur son travail d’acteur.
On lui sait gré d’avoir tenu le cap, et de n’avoir jamais renoncé. Généralement plutôt attiré par les sujets ayant une certaine résonance sociale et/ou politique, Emilio Estevez est en effet un cinéaste très intéressant, et on en trouve une nouvelle preuve avec Un héros ordinaire, une histoire de résistance et de solidarité se penchant sur le « rôle social » des bibliothèques. Il s’agit d’un film choral mettant en scène une poignée de sans-abris bien déterminés à occuper les locaux de la bibliothèque de Cincinnati, synonymes de sécurité et de chaleur, plutôt que de passer la nuit dans le froid glacial des rues. Mais ce qui commençait comme un acte de désobéissance civile prenant la forme d’un sit-in pacifiste se transformera rapidement en un affrontement avec la police anti-émeute locale, dirigée par un négociateur sans états d’âme (Alec Baldwin) et un procureur ambitieux (Christian Slater). Au milieu de tout ce petit monde, deux bibliothécaires (Emilio Estevez et Jena Malone) se retrouvent pris entre deux feux…
De la compassion et de l’humanité, oui, mais aux heures d’ouverture. C’est un peu comme cela que l’on pourrait résumer l’hypocrisie dénoncée par Un héros ordinaire. Le film démontre en effet que de la même façon que l’église, la bibliothèque est certes ouverte à tous et synonyme de culture et d’ouverture sur le monde, mais n’est pas nécessairement un lieu de compréhension et d’ouverture aux autres. Pour autant, une vieille vidéo au début du film affirmait haut et fort que les deux qualités à posséder pour servir la communauté en tant que bibliothécaire étaient « l’amour des gens et l’amour des livres ». Ancien criminel et sans-abri ayant bénéficié d’une seconde chance dans la société, le personnage incarné par Emilio Estevez dans Un héros ordinaire a d’ailleurs lui-même été « sauvé » par l’amour des livres, et aujourd’hui, il partage sa passion autour de lui par amour des gens.
Habile, le film d’Emilio Estevez oppose donc la misère et la bureaucratie dans ce qu’elle a de plus absurde. Et si évidemment le scénario d’Un héros ordinaire nous présente un cas particulier (celui de la bibliothèque de Cincinnati donc), la thématique centrale pourrait finalement être élargie à une perspective plus vaste, et à une réflexion sur les raisons ayant conduit les différents personnages du film à la situation émotionnellement éprouvante dans laquelle ils se retrouvent embourbés. A sa manière, le film d’Emilio Estevez s’impose donc comme une réflexion sur l’éternel conflit opposant finalement le « droit » et ce qu’on appellerait communément le « bon sens », ainsi que sur les absurdités et les petits égoïsmes de tous les jours qui empêchent parfois les hommes de faire du monde un endroit meilleur pour tous ceux qui y vivent.
Sévère avec la génération des écrans et des réseaux sociaux, Emilio Estevez cristallise ses griefs concernant ces petits égoïsmes autocentrés autour du personnage de la journaliste incarnée à l’écran par Gabrielle Union, qui se préoccupe davantage de son compte Twitter et de la perspective d’une diffusion nationale que de la vérité sur ce qui se passe dans la bibliothèque, sans parler des raisons qui ont créé la tension des deux côtés des portes d’entrée. Elle ne voit dans les événements qu’une occasion de se mettre en scène et de vendre du sensationnel. À bien des égards, son personnage nous représente tous un peu, dans le sens où nos perspectives sont essentiellement définies par les apparences plutôt que par les raisons profondes ayant mené à cette situation. Et mine de rien, toute l’âme d’Un héros ordinaire se situe dans cette façon que nous avons de détourner le regard… Pour mieux nous regarder le nombril !
Le DVD
[4/5]
Le DVD d’Un héros ordinaire édité par Metropolitan Vidéo nous permettra de découvrir le nouveau film d’Emilio Estevez dans des conditions tout à fait satisfaisantes. Habitué au support DVD depuis de nombreuses années, l’éditeur fait honneur au support, avec une image d’une belle précision, qui rend clairement honneur à la jolie photo du film signée Juan Miguel Azpiroz (Boss Level). Les contrastes n’étouffent pas trop les noirs, et on ne dénote pas de souci de compression majeur : si les arrière-plans laissent par moments apparaître de légers fourmillements, l’éditeur compose parfaitement avec les qualités et les limites d’un encodage DVD. Du beau travail ! Côté son, VF et VO sont proposées en Dolby Digital 5.1, dans des mixages dynamiques et bien enveloppants : les différences acoustiques entre les passages à l’intérieur et à l’extérieur de la bibliothèque sont très soignées.
Du côté des suppléments, l’éditeur nous propose de retrouver la bande-annonce du film, qui sera accompagnée de celles de Blindspotting, Falling, La Famille Fang et The Climb.