Test DVD : Toute la beauté et le sang versé

0
802

Toute la beauté et le sang versé

USA : 2022
Titre original : All the beauty and the bloodshed
Réalisation : Laura Poitras
Scénario : Laura Poitras
Interprètes : Nan Goldin
Éditeur : Pyramide Vidéo
Durée : 1h57
Genre : Documentaire
Date de sortie cinéma : 15 mars 2023
Date de sortie DVD/BR : 22 août 2023

Nan Goldin a révolutionné l’art de la photographie et réinventé la notion du genre et les définitions de la normalité. Immense artiste, Nan Goldin est aussi une activiste infatigable, qui, depuis des années, se bat contre la famille Sackler, responsable de la crise des opiacés aux États Unis et dans le monde. Toute la beauté et le sang versé nous mène au cœur de ses combats artistiques et politiques, mus par l’amitié, l’humanisme et l’émotion.

Le film

[4/5]

Il est des films d’une telle richesse qu’on ne sait pas très bien par où commencer lorsqu’on souhaite en parler. C’est très précisément le cas de Toute la beauté et le sang versé, le documentaire de Laura Poitras qui s’est vu décerné le Lion d’or lors du Festival international du film de Venise 2022. S’agit-il d’un biopic consacré à la célèbre photographe américaine Nan Goldin ? D’un documentaire sur son œuvre ? Ou alors, s’agit-il d’un documentaire sur l’underground new-yorkais des années 70 et 80, avant et après l’arrivée du SIDA ? A moins de voir surtout dans ce film le combat mené par Nan Goldin et P.A.I.N., l’organisation fondée par l’artiste, contre la famille Sackler, une famille qui est responsable, au travers des laboratoires pharmaceutiques Purdue Pharma et Mundipharma qu’elle a fondés et qu’elle dirige, de la crise des opioïdes qui a causé plus de 500 000 morts dans le monde. En fait, Toute la beauté et le sang versé est tout cela à la fois, ce qui donne un côté quelque peu chaotique au film qui n’arrête pas de passer d’un volet à un autre. Toutefois, force est de reconnaître que ce côté en apparence désorganisé du film lui apporte un supplément d’âme et, surtout, lui permet d’apparaître comme une œuvre homogène malgré le côté a priori disparate des éléments qui le construisent. C’est ainsi qu’on comprend que les problèmes familiaux de Nan(cy) Goldin, avec des parents dont elle dit qu’ils n’étaient pas équipés pour être parents, avec une sœur aînée, Barbara, qui, pour beaucoup à cause de ces parents qui l’avaient placée dans une institution, s’est suicidée à 19 ans alors qu’elle-même avait 9 ans, sont à l’origine de son choix d’orienter sa vie vers la marginalité de l’époque, drogue, prostitution, mouvements gay et lesbien, arrivée du SIDA et dans son désir de conserver des traces de vie au travers de photographies prises sur le vif.

C’est ainsi, également, que se trouvent rapprochés, ne serait-ce que par l’utilisation des « die-ins » si souvent utilisés pour stigmatiser la passivité des autorités face au SIDA, deux évènements sanitaires que Nan a vécus de très près et auxquels elle a survécu : le SIDA, avec un grand nombre de ses ami.e.s qui en sont mort.e.s et la crise des opioïdes qui l’a touchée personnellement, elle à qui un médecin avait prescrit de l’OxyContin en 2014 alors qu’elle souffrait d’une tendinite au poignet gauche, ce puissant anti-douleur vendu par Purdue Pharma créant chez elle une addiction la faisant passer de 3 comprimés par jour à 18 et l’obligeant au final à suivre une cure de désintoxication en 2017. Certes, contrairement à beaucoup, elle a survécu, mais il lui est apparu incongru que de nombreux musées abritant certaines de ses œuvres de par le monde fassent la promotion de la famille Sackler du fait des subventions que cette famille leur verse. De là est né son combat pour que les musées refusent de nouvelles subventions venant de cette famille et retirent le nom de Sackler donné à certaines de leurs salles ou à des départements entiers. Pour être soutenue dans ce combat, elle a créé le collectif P.A.I.N. (Prescription Addiction Intervention Now, le mot « pain » signifiant douleur en anglais), un collectif qui prône la réduction des risques sanitaires et la prévention des overdoses et qui organise de grandes manifestations dans des musées partout dans le monde. A la réalisation de Toute la beauté et le sang versé, on trouve la grande documentariste américaine Laura Poitras, récompensée en 2015 par l’Oscar du meilleur documentaire attribué à Citizenfour, un film consacré au lanceur d’alerte Edward Snowden.  Quant aux musiques qu’on entend, c’est Nan Goldin elle-même qui est créditée pour le choix des morceaux préexistants. C’est elle, aussi, qui a suggéré le groupe expérimental newyorkais Soundwalk Collective pour la réalisation de la bande originale.

Le DVD

[4/5]

Pas de mauvaise surprise avec Pyramide Vidéo : très bonne qualité de l’image pour ce film donné en version originale sous-titrée français, le son tenant compte de l’équipement du spectateur puisqu’il est disponible 2.0 et en 5.1.

La galette du DVD comprend un premier supplément d’une durée de 11 minutes que l’on doit à Charlotte Garson, Rédactrice en chef adjointe des Cahiers du Cinéma et qui s’intitule « Histoire d’un regard ». A propos de Toute la beauté et le sang versé, elle parle de « forme impure, composite, foisonnante ». Le second supplément est un beau livret de 24 pages qui reprend des photos de Nan Goldin et qui se partage en 3 chapitres : la genèse du film, un entretien avec Laura Poitras, sa réalisatrice, et un entretien avec Stephan Crasneanscki et Simone Merli du groupe Soundwalk Collective qui en a signé la bande originale musicale.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici