Taxi Téhéran
Iran : 2015
Titre original : Taxi
Réalisateur : Jafar Panahi
Scénario : Jafar Panahi
Acteurs : Jafar Panahi, Nasrin Sotoudeh, Hana Saïdi
Éditeur : Memento Films
Durée : 1h19
Genre : Drame
Date de sortie : 15 avril 2015
Date de sortie DVD : 18 août 2015
Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion…
Le film
[4/5]
Un carrefour. Nous sommes dans une voiture, elle est arrêtée et, devant elle, se déroule un ballet incessant de voitures. Où sommes nous ? La musique que l’on entend n’est-elle pas susceptible de nous aider ? Oui, nous sommes à Téhéran, la capitale de l’Iran, nous sommes dans un taxi conduit par le réalisateur Jafar Panahi. Depuis que ce dernier a été condamné en 2010 à ne plus réaliser de film, à ne plus écrire de scénario et à ne pas quitter le pays sous peine de 20 ans de prison par interdit bravé, il a réalisé Ceci n’est pas un film, présenté hors compétition au Festival de Cannes 2011, et Pardé, Ours d’Argent du meilleur scénario lors de la Berlinade 2013. Deux huis-clos ne laissant que très peu de place à l’extérieur. Mais comment filmer en extérieur sans risquer de se faire prendre ? C’est en prenant des taxis et en écoutant les conversations des autres passagers qu’une idée lui est venue : se transformer en chauffeur de taxi et filmer ce qui se passe et ce qui se dit dans un tel lieu qui présente l’intérêt de se déplacer sans arrêt dans la ville, d’avoir une grande ouverture vers l’extérieur tout en dissimulant presque totalement les protagonistes aux regards extérieurs. Cette idée a donné naissance à Taxi Téhéran, un docu-fiction scénarisé par Jafar Panahi. Il y joue son propre rôle, entouré d’acteurs qui, tous, sont des connaissances : membres de sa famille, amis ou amis d’amis.
Pour tourner son film, Jafar Panahi a utilisé 3 caméras Black Magic et s’est transformé en homme orchestre, s’occupant tout à la fois de la conduite du taxi, des cadrages, du son et du jeu des acteurs. Il a aussi utilisé des images filmées par sa nièce Hana avec son appareil photo. Dans son taxi, les passagers et passagères se succèdent, discutent entre eux ou avec le réalisateur. En 80 minutes, des scènes comiques vont succéder à d’autres plus tragiques, quand bien même elles sont traitées avec humour ; les sujets les plus divers vont être abordés : le rôle dissuasif ou non de la peine de mort, la situation de la femme dans la société iranienne, le rôle que jouent les vendeurs de DVD pirates dans la diffusion de la culture (Les séries et les blockbusters américaine, certes, mais aussi Woody Allen et Nuri Bilge Ceylan), les règles qui font, qu’en Iran, un film est, ou non, diffusable ; des scènes de la rue iranienne vont nous être dévoilées : femmes en hijab, petits métiers de la rue ; une personnalité importante de la société iranienne va nous est présentée : Nasrin Sotoudeh, la femme aux roses, avocate et militante des droits de l’homme (et de la femme !!!), allant visiter Ghoncheh Ghavani, alors en garde à vue. Rappelez vous : cette jeune irano-britannique condamnée pour avoir milité pour le droit des femmes à assister à des matchs de volley masculin ! Incroyable la richesse que peut receler un film tourné dans un taxi ! Tout cela, sous la forme d’une comédie faisant parfois appel à des mises en abyme, et dans laquelle le réalisateur prend un plaisir évident à évoquer certains de ses films précédents : Sang et Or, Le Miroir, Hors Jeu. Autant Ceci n’est pas un film se révélait ennuyeux à regarder malgré l’intérêt du thème, autant Taxi Téhéran est passionnant, cocasse et riche en surprises. Lorsque le film se termine, apparait une dernière pirouette : « Le Ministère de l’Orientation Islamique valide les génériques des films diffusables. A mon grand regret, le film n’a pas de générique ». Véritable cri d’amour au cinéma, authentique pied de nez à toutes les censures, Taxi Téhéran a obtenu l’Ours d’Or du meilleur film lors de la dernière Berlinade, en février dernier. Mérité !
Une critique écrite par Tobias Dunschen au moment de la sortie du film en salles est disponible sur notre site.
Le DVD
[4/5]
Les choix proposés sur ce DVD sont les suivants : Version Originale sous-titrée en 2.0 ou en 5.1, Version Française en 2.0 ou en 5.1, avec ou sans sous-titrage pour sourds et malentendants. On ne peut que féliciter Memento Films en ce qui concerne le transfert de ce film sur le support DVD : belle image et bon son sont au rendez-vous. Au rayon suppléments, a-t-on le droit de se montrer déçu ? Certes, on ne trouve que la bande annonce et la remise de l’Ours d’Or lors du dernier Festival de Berlin. Mais quels sont les grands classiques en matière de bonus ? Le « making-of » ? Jafar Panahi ayant déjà dû s’occuper de tout lors de la réalisation de son film, impossible pour lui de réaliser, en plus, un film sur le tournage ! L’interview du réalisateur dans lequel il explique le pourquoi et le comment de son film ? Difficile à obtenir étant donnée la situation du réalisateur dans son pays. Après tout, le film se suffit largement à lui-même et on se contentera de regarder les 3 minutes que dure la séquence de remise de l’Ours d’Or à Hana Saïdi, la nièce de Jafar Panahi, toute émue de se retrouver là. Si le réalisateur était absent lors de cette cérémonie, son épouse, Tahereh Panahi, elle, était présente.