Test DVD : Rêves en rose – Édition Collector

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Rêves en rose

République tchèque : 1977
Titre original : Ruzové sny
Réalisation : Dusan Hanák
Scénario : Dusan Hanák, Dusan Dusek
Acteurs : Juraj Nvota, Iva Bittová, Josef Hlinomaz
Éditeur : Malavida Films
Durée : 1h21
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 23 novembre 1983
Date de sortie DVD : 22 octobre 2020

Jakub, facteur rêveur et magicien en herbes, jongle entre les colis et les services rendus aux villageois. Lors d’une tournée, son regard croise celui de la belle gitane Jolanka. A deux, ils vont rêver d’un premier et grand amour, malgré la pression sociale imposée par leurs communautés respectives, qui les défendent de se fréquenter. Pour vivre pleinement ce doux rêve, il y aurait bien une issue possible…

Le film

[4/5]

Sur le papier, Rêves en rose est une belle histoire d’amour contrariée, nous donnant à voir deux jeunes gens se consumant d’amour l’un pour l’autre et devant faire face à l’animosité de tous ceux qui les entourent. Si l’on n’est pas forcément en présence d’une intrigue tragique à la « Roméo & Juliette », le film de Dušan Hanák est souvent comparé à l’œuvre de Shakespeare, au point même que la référence au dramaturge anglais a été citée sur l’affiche du film pour sa reprise dans les salles en 2017.

On aurait cependant d’avantage tendance à penser qu’à travers ce recours à la romance éperdue, Rêves en rose permet surtout à Dušan Hanák et son coscénariste Dušan Dušek de proposer au spectateur un joli récit de « coming of age », l’initiation à l’amour de Jakub (Juraj Nvota) et Jolanka (Iva Bittová) leur permettant en effet chacun de passer – d’une façon finalement assez brutale – à l’âge adulte. Sans trop en révéler sur l’intrigue, on entend par là que la société et le choc d’être confrontés à la « vie réelle » forceront les tourtereaux à abandonner derrière eux leurs jeunes rêves d’amour et d’eau fraîche et à accepter leur milieu, leur famille, leurs proches. Cela dit, Hanák fait clairement le choix d’un récit solaire, positif, et même le dénouement de l’histoire tiendra bien d’avantage du chemin de vie que de la tragédie que l’on aurait pu envisager.

Rêves en rose est donc un film à la fois triste et gai, traitant certes sans les minimiser de l’amour et des désillusions, tout en développant un univers narratif et visuel d’une fantaisie incroyable, très influencé par Jacques Tati mais versant également dans un humour surréaliste et pince-sans-rire typique des pays de l’Est. Derrière l’humour cependant se dessinent également les contours d’une critique sociale assez fine, qui réside essentiellement dans la description que font Hanák et Dušek des tensions régnant entre la communauté tzigane et le reste de la population dans les pays du bloc de l’Est de la fin des années 70.

Car si Jakub est un petit facteur / magicien / homme à tout faire de la campagne slovaque, Jolanda quant à elle est issue d’une famille nombreuse tzigane, et les deux communautés ont bien du mal à accepter l’union du gadjo et de la jeune fille. Peur de l’étranger et poids des traditions s’entremêlent, et même si les choses paraissaient bien commencer – avec une séquence d’échange de chemises qui s’impose comme l’une des plus belles du film – la pression se fait finalement trop forte, et nos tourtereaux doivent fuir pour pouvoir vivre leur amour.

Une des grandes forces de Rêves en rose – ainsi que son importance historique – est d’ailleurs également d’être sans aucun doute le tout premier film à aborder frontalement la communauté Rom au cinéma. Le regard qu’il porte sur la famille de Jolando est tantôt neutre, tantôt bienveillant, et le spectateur plongé au plus proche de ce groupe de personnages attachants ne pourra que partager avec eux rires, sourires et inquiétudes. Dušan Hanák ne verse cependant jamais dans l’angélisme non plus, montrant par exemple la réalité des femmes battues dans la communauté tzigane, acceptée par tous et expliquée par un vieux dicton selon lequel « si tu ne bats pas ta femme, elle ne t’aime pas ».

Pour autant, Rêves en rose demeure, et malgré la gravité et/ou le désespoir qui animent quelques-unes de ses séquences, un film d’une poésie et d’une fantaisie qui le rendent vraiment des plus attachants. La mise en scène de Dušan Hanák, au diapason de son sujet et de la fuite en avant de ses personnages, s’avère vraiment remarquable. Les compositions de plans sont extrêmement belles et bien pensées, et le découpage accentue souvent la folie douce de l’ensemble. Il est ainsi extrêmement difficile, pour un spectateur contemporain, de ne pas penser au cinéma d’Emir Kusturica, et notamment à des films tels que Le temps des gitans, Chat noir chat blanc ou encore La vie est un miracle. Si bien sûr l’imaginaire de Kusturica fut marqué par la guerre, et si ses films sont plus ouvertement « cinéphiles » et référentiels (on n’y compte plus les clins d’yeux à Fellini, Tarkovski, etc), on ne pourra s’empêcher de dresser mentalement quelques passerelles entre les univers de Kusturica et de Dušan Hanák.

A la fois onirique et pittoresque, Rêves en rose s’impose donc comme une rêverie romantique pleine d’humour, et développant une certaine mélancolie amère. Car si le film de Dušan Hanák a indéniablement la tête dans les nuages, cela ne lui empêche pas de garder deux pieds solidement ancrés dans la réalité, avec une représentation fidèle du folklore tzigane, qui s’accompagne d’ailleurs d’un discours social assez fin sur la notion d’intégration au cœur de la République Tchèque communiste de 1977. Conçu comme un récit de coming of age, Rêves en rose trouve ainsi son rythme dans la suite de saynètes qui le composent jusqu’à un final placé sous les signe des nécessaires compromissions arrivant avec l’âge adulte.

La collection « Malavida Collector »

Distributeur / éditeur indépendant étant parvenu à trouver sa place sur le marché français il y a un peu moins de vingt ans, Malavida Films propose avec régularité aux cinéphiles de se replonger dans de véritables classiques du Septième Art. Riche de ces années de travail et de passion, l’éditeur a décidé début 2020 de nous proposer une nouvelle collection de DVD, sobrement intitulée « Malavida Collector ». Cette collection réunira donc les films qui ont marqué l’histoire de Malavida dans des éditions DVD restaurées et limitées à 1000 exemplaires. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.

Les films proposés par l’éditeur dans la collection « Malavida Collector » seront probablement appelés à devenir de véritables références en termes de qualité de transfert et de suppléments. Outre les masters restaurés, chaque titre de la collection sera présenté dans un superbe Digipack au design soigné, bénéficiant d’une nouvelle affiche dessinée par le talentueux Fabrice Montignier. De ce fait, chaque nouveau titre s’intègre parfaitement dans la charte graphique de la collection – une cohérence éditoriale qui ravira les collectionneurs.

Chaque DVD de la collection « Malavida Collector » comportera également des bonus inédits, ainsi qu’un livret inédit de 20 pages. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque DVD de la collection « Malavida Collector » s’impose donc comme un bel objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.

A ce jour, la collection « Malavida Collector » compte neuf titres prestigieux : La ferme des animaux (John Halas, 1954), Kanal (Andrzej Wajda, 1957), Walkover (Jerzy Skolimowski, 1965), Éclairage intime (Ivan Passer, 1965), Trains étroitement surveillés (Jirí Menzel, 1966), Le départ (Jerzy Skolimowski, 1967), Les petites marguerites (Věra Chytilová, 1966), Joe Hill (Bo Widerberg, 1971) et Rêves en rose (Dusan Hanák, 1977). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.

Le DVD

[5/5]

Comme à son habitude, Malavida a soigné son bébé, et cette édition DVD Collector de Rêves en rose s’avère un immanquable ; le soin éditorial apporté au produit (un beau digipack dans un fourreau accompagné d’un livret de 20 pages, excusez du peu !) est tel que l’on est prêt pardonner à l’éditeur de ne s’être encore lancé que très timidement dans la grande aventure du Blu-ray et de ne pas encore nous proposer ses best-sellers en Haute Définition. Côté technique, le film est proposé au format 1.37 respecté, l’image est étonnamment bonne côté définition et piqué, dans les limites évidentes d’un encodage en définition standard évidemment. Côté son, la VO est proposée dans un solide mixage Dolby Digital 2.0 (mono d’origine), nous proposant une expérience acoustique fidèle à l’esprit du film.

Du côté des suppléments, et puisqu’on l’a cité, on remarquera la présence d’un joli livret, contenant notamment un article sur le film ainsi que sur la carrière de Dušan Hanák signé Marcel Šedo, une « lettre de Bratislava » signée Jean-Louis Cros (tirée de la revue Image et son, 1979), un entretien avec Dušan Hanák et Dušan Dušek (1999) et une poignée de photos de tournage inédites.

Sur le DVD à proprement parler, on trouvera par ailleurs un entretien avec Dusan Hanák (43 minutes) au cœur duquel le cinéaste reviendra sur de nombreux aspects de Rêves en rose, de la préparation au tournage en passant par l’héritage du film. Un entretien passionné et sans langue de bois, qui vous en apprendra à coup sûr beaucoup sur le film.

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