Pornomelancolia
Argentine, Mexique : 2022
Titre original : –
Réalisation : Manuel Abramovich
Scénario : Manuel Abramovich, Fernando Krapp
Interprètes : Lalo Santos, Diablo, Brandon Ley
Editeur : Epicentre Films
Durée : 1h30
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 21 juin 2023
Date de sortie DVD : 2 janvier 2024
Quand il ne travaille pas à l’usine, Lalo est un sex-influenceur mexicain qui se met en scène nu pour ses milliers de followers. Suite à un casting, il devient acteur porno en jouant Emiliano Zapata dans un film sur la révolution. Mais dans la réalité, Lalo semble vivre dans une mélancolie constante.
Le film
[3/5]
Tout en travaillant dans une usine, Lalo Santos est très actif sur des réseaux sociaux spécialisés sur lesquels il diffuse des vidéos érotiques le mettant en scène. Un casting lui permet d’être engagé pour interpréter le rôle du révolutionnaire mexicain Emiliano Zapata dans un porno gay. Cette découverte d’un monde nouveau pour lui, celui du tournage des films X, ne gomme pas chez lui la mélancolie qui semble l’habiter en permanence, au point qu’il peut lui arriver d’éclater en sanglots en pleine rue. Que ce soit dans ses documentaires ou dans ses fictions, le réalisateur argentin Manuel Abramovich montre toujours un grand intérêt pour la relation qui existe entre une personne et un personnage que cette personne a elle-même choisi d’incarner ou qu’on lui a plus ou moins imposé. S’il parait presque évident que, toutes et tous, nous sommes amenés un jour ou l’autre, voire très souvent, à jouer un personnage, il y a, en dehors bien sûr des évidences que constituent le cinéma ou le théâtre, des professions ou des occupations où cela est vraiment monnaie courante. Les militaires, par exemple : en 2017, Manuel Abramovich a abordé le sujet dans son documentaire Soldado ; autre exemple, les prostitués, hommes ou femmes, un sujet que le réalisateur a également abordé, dans Blue Boy, un court métrage de 19 minutes réalisé en 2019 et qui met en scène un groupe de prostitués roumains dans le quartier homo de Berlin.
Dans ce contexte, si on ajoute que Manuel Abramovich aime aussi s’interroger sur la demande forte faite aux hommes, surtout dans certains pays, d’incarner une image virile, de devenir des personnages ayant un caractère macho particulièrement exacerbé, on ne peut pas s’étonner que Manuel Abramovich ait voulu s’intéresser au monde du porno. Tout juste peut on s’étonner qu’il ait choisi le monde du porno gay plutôt que celui du porno hétéro. Peut être est ce sa rencontre avec Diablo, un producteur de porno mexicain, suivie de celle avec Lalo Santos, qui l’a orienté sur cette voie. En tout cas, le résultat de ces 2 rencontres, c’est Pornomelancolia, un film à mi chemin entre fiction et documentaire dans lequel la personne Lalo Santos devient, à la demande du réalisateur, le personnage Lalo Santos : « Je l’ai invité à créer un personnage qui ne serait pas exactement lui-même, qui lui ressemblerait mais qui serait aussi un personnage de fiction ». Pas de surprise : dans ce contexte de vidéos érotiques diffusées sur des réseaux spécialisés et de tournage de film porno, il n’était pas envisageable de ne pas avoir du tout d’images à caractère pornographique. A noter que ce n’est pas dans les scènes de tournage du film sur Emiliano Zapata qu’on en trouve le plus mais plutôt dans ce que Manuel Abramovich a retenu des 300 heures de vidéos issues des réseaux sociaux que Lalo Santos a mis à sa disposition. Par ailleurs, Pornomelancolia n’est pas du tout un film sans intérêt, un intérêt qu’on va surtout trouver dans les conversations qu’ont entre eux, entre deux prises, les acteurs du film tourné par Diablo : des réflexions sur le métier d’acteur porno, des discussions qu’on peut qualifier de philosophiques sur l’activité sexuelle des individus. On se demande s’il s’agit d’un hasard ou d’un clin d’œil de la part du réalisateur lorsque, au début du film, on constate que la machine sur laquelle travaille Lalo Santos est une … ROCCO 450. On s’amuse lorsque Diablo décide de faire interpréter Zapata par deux acteurs différents sous prétexte que Luis Buñuel avait fait interpréter le rôle de Conchita par deux actrices différentes dans Cet obscur objet du désir. On est troublé lorsqu’on s’aperçoit de la gêne manifestée par Lalo Santos lorsque le réalisateur le pousse à être de plus en plus violent dans une scène de sodomie qui fait souffrir son partenaire et on se demande si l’acteur ne va pas finir par se révolter.
Le DVD
[4/5]
Ce DVD propose une image qui jouit d’un piqué de bonne tenue et qui donne un bon rendu de la très belle photographie, primée au Festival de Saint-Sebastien 2022 et que l’on doit au réalisateur lui-même. Le film n’est visible qu’en VO, son en 5.1, avec un sous-titrage en français ou en anglais. Deux suppléments l’accompagnent: Le premier est un entretien de 11 minutes avec le réalisateur au cours duquel il nous parle des sujets qui l’intéressent, voire qui l’obsèdent : les personnes qui deviennent des personnages, la masculinité, etc. Concernant Lalo Santos, il explique que son film n’est pas un documentaire sur lui mais, plutôt, qu’il en propose un miroir déformant. Le second, intitulé « Scène coupée », dure 3 minutes. Il montre un homme-objet dans une vitrine et permet à Lalo Santos de donner à sa mère toutes les précisions sur ce qu’il vit et qu’on n’avait jamais entendues lors des nombreuses conversations qu’ils ont ensemble tout au long du film.