Test DVD : Peter von Kant

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Peter von Kant

France : 2022
Titre original : –
Réalisation : François Ozon
Scénario : François Ozon, d’après « Les larmes amères de Petra von Kant », film de Rainer Werner Fassbinder
Acteurs : Denis Ménochet, Isabelle Adjani, Khalil Gharbia, Hanna Schygulla
Éditeur : Diaphana
Durée : 1h22
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie cinéma : 6 juillet 2022
Date de sortie DVD : 8 novembre 2022

Peter Von Kant, célèbre réalisateur à succès, habite avec son assistant Karl, qu’il se plaît à maltraiter. Grâce à la grande actrice Sidonie, il rencontre et s’éprend d’Amir, un jeune homme d’origine modeste. Il lui propose de partager son appartement et de l’aider à se lancer dans le cinéma…

Le film

[3.5/5]

François Ozon, peut-être le réalisateur français le plus prolifique : 21 longs métrages en 24 ans, qui dit mieux ? Parmi ceux-ci, en 2000, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, adaptation de « Tropfen auf heiße Steine », une pièce de théâtre de jeunesse de Rainer Werner Fassbinder que ce dernier n’avait jamais mis en scène, que ce soit au théâtre ou au cinéma. Ozon, Fassbinder, beaucoup de points communs, ne serait-ce que ce côté prolifique de leurs œuvres. Se replongeant de nouveau dans l’œuvre de Fassbinder, Ozon a choisi cette fois ci d’adapter un de ses films, Les larmes amères de Petra von Kant, lui-même adapté de la pièce de théâtre du même nom du réalisateur allemand. Ce film a fait l’ouverture du dernier Festival de Berlin.

On insiste : le film de François Ozon est une adaptation de celui de Fassbinder et non un remake, car, s’il a gardé l’année au cours de laquelle se déroule l’action, 1972, il a complètement changé le milieu dans lequel évoluent les personnages et 3 des 4 personnages principaux ont changé de sexe d’un film à l’autre. En effet, Petra von Kant, personnage principal du film de Fassbinder, une femme créatrice de mode, cède la place à Peter von Kant, un homme réalisateur de cinéma ; Karin Thimm, jeune femme de condition modeste et qui rêve de devenir mannequin, se  transforme en Amir Ben Salem, jeune homme de condition modeste dont Peter va faire un acteur ; Marlene, l’assistante souffre douleur et silencieuse de Petra devient Karl, son secrétaire, un personnage lui aussi silencieux que Peter ne cesse de houspiller et d’humilier. Seules Sidonie, l’amie de Petra et de Peter, leur mère, et Gabrielle, leur fille, restent inchangées d’un film à l’autre. Ces transformations ne peuvent que renforcer l’idée que François Ozon fait partie des nombreux exégètes de l’œuvre de Fassbinder qui pensent que c’est lui-même qu’il a mis dans le personnage de Petra von Kant. François Ozon enfonce le clou d’un possible retour à la réalité des choses en donnant à Amir le nom de famille de l’acteur El Hedi Ben Salem, amant de Fassbinder et interprète dans plusieurs de ses films dont le rôle principal dans Tous les autres s’appellent Ali.

Quasiment du début à la fin de Peter von Kant, adaptation de l’adaptation d’une pièce de théâtre oblige, on ne va pas quitter l’appartement de Peter von Kant, mais ceci ne présente aucun désagrément pour le spectateur grâce au talent des décorateurs et à la qualité de la photographie, Manu Dacosse, particulièrement actif cette année (Directeur de la photographie sur Simone, le voyage du siècle  et Vous n’aurez pas ma haine, en plus de Peter von Kant), éclairant parfaitement des scènes aux cadrages millimétrés. Par contre, on peut se montrer dérouté par le jeu des interprètes lors des premières minutes du film et, en particulier, celui de Denis Ménochet, l’interprète de Peter von Kant : l’impression qu’il joue faux, au point qu’on en arrive à se demander s’il ne va pas être judicieux de prendre le film au second degré. Une impression qui ne dure pas, Denis Ménochet redevenant très vite le grand acteur que l’on connait, lui aussi accumulant les grandes performances sur ces 12 derniers mois : Peter von Kant, As bestas et Les survivants qui sortira début janvier. De fait, c’est peut-être la personnalité de Peter qui, de façon indirecte et alors qu’on ne la connait pas encore, influence la perception du jeu de Denis Ménochet qu’on a au début du film : un personnage aux 1000 facettes, dont on ne comprend pas la nature de ses liens avec Karl, le plus souvent odieux avec lui mais nous surprenant en le prenant comme cavalier dans une danse emprunte de tendresse sur une chanson de Cora Vaucaire, un personnage qui tombe raide amoureux d’Amir lorsque Sidonie le lui présente, qui se place d’entrée de jeu en position de dominant par rapport à cet objet de passion, en cherchant et en réussissant à devenir son Pygmalion et qui s’effondre psychologiquement, devenant un personnage attachant, touchant et pathétique en montrant sa fragilité et sa jalousie lorsque le rapport de force s’inverse.

Aux côtés de Denis Ménochet, nous faisons connaissance du remarquable Khalil Gharbia, le jeune acteur qui interprète le rôle d’Amir qui va croquer tout cru l’ « ogre » Peter von Kant. Dans le rôle de Sidonie, on retrouve Isabelle Adjani dont la présence sur les écrans, qu’ils soient de cinéma ou de télévision, se confirme de plus en plus : ici, un peu comme dans Mascarade, mais en moins pathétique, avec davantage d’éclat, elle interprète une ancienne gloire du cinéma. A noter que Ozon lui fait reprendre « Jeder tötet was er liebt », la chanson, écrite sur un texte d’Oscar Wilde, que Jeanne Moreau interprétait en anglais, et beaucoup mieux, dans Querelle, autre grand film de Fassbinder. Le rôle de Karl, un rôle difficile car le personnage doit montrer des qualités d’observateur tout en ne s’exprimant pas verbalement, est finement joué par Stefan Crepon. Quant à Rosemarie, la mère de Peter, son personnage permet à Ozon de faire un nouveau clin d’œil à Fassbinder : il a choisi Hanna Schygulla pour l’interpréter, elle qui fut l’égérie du réalisateur allemand et qui était déjà présente dans Les larmes amères de Petra von Kant, dans le rôle de … Karin Thimm ! Dans ce film esthétiquement très réussi, on notera que le tableau « Midas devant Bacchus » de Nicolas Poussin, qu’on voit sur les murs de l’appartement de Petra von Kant, est remplacé par des représentations du martyr de Saint Sébastien dans le film de François Ozon.

Le DVD

[4/5]

Pour commencer, chapeau à Diaphana pour la qualité de l’image obtenue sur ce DVD, qualité très importante pour le chef d’œuvre esthétique que François Ozon, bien aidé par les décorateurs et par Manu Dacosse, son Directeur de la photographie, a, de toute évidence cherché et réussi à faire. Le son du film est disponible en 2.0 et en 5.1 et les choix offerts pour le confort des spectateurs sont ceux qu’on trouve de plus en plus souvent : audiodescription pour aveugles et malvoyants, c’est possible ; des sous-titres pour sourds et malentendants, c’est possible également.

Les suppléments sont nombreux, mais pas tous du même intérêt. On en retiendra surtout trois : le « making of » avec Hanna Schygulla d’une durée de près de 12 minutes ainsi que les entretiens avec François Ozon et les interprètes d’une durée de près de 11 minutes. Et puis aussi, et peut-être surtout, Quand la peur dévore l’âme, un court-métrage de 25 minutes que François Ozon a réalisé en 2007, un film de montage dans lequel il met en parallèle des extraits de Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk et de Tous les autres s’appellent Ali de Fassbinder, deux films sur la réprobation que peuvent susciter des amours considérés comme étant condamnables chez des personnes à l’esprit étroit, deux histoires finalement si proches que François Ozon en arrive à plusieurs reprises à mettre la bande sonore de l’un sur les images de l’autre. Plus anecdotiques sont les « essais costumes et lumière » et les « essais Amir par Peter von Kant », deux suppléments d’une durée de 3 minutes environ. Encore plus anecdotiques 3 autres suppléments : des photos d’Amir, des photos de Sidonie et des projets d’affiche.

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