Monstres invisibles
Royaume-Uni : 1958
Titre original : Fiend without a face
Réalisation : Arthur Crabtree
Scénario : Herbert J. Leder
Acteurs : Marshall Thompson, Kynaston Reeves, Kim Parker
Éditeur : Movinside
Durée : 1h13
Genre : Science-Fiction
Date de sortie cinéma : 24 juin 1960
Date de sortie DVD : 9 mai 2017
Durant les essais d’un radar expérimental dans une base militaire au Manitoba, des fermiers du voisinage meurent dans d’étranges circonstances. L’autopsie révèle que les cadavres n’ont plus de cerveau ni moelle épinière et, pour toute blessure, un tout petit trou à la base de la nuque. Le major Jeff Cummings va mener une enquête afin de comprendre les raisons de ce phénomène…
Le film
[4/5]
Tourné en 1958 en Grande-Bretagne, Monstres invisibles est une série B de science-fiction signée Arthur Crabtree. Aujourd’hui, en France, on connait surtout ce cinéaste pour son magnifique Crimes au musée des horreurs (1959), mais outre-Atlantique, son film de SF bénéficie d’une belle côte de popularité, au point d’avoir bénéficié il y a quelques années d’une édition DVD sous les couleurs du prestigieux label Criterion. Bien évidemment, Monstres invisibles n’est pas, et ne deviendra jamais un classique du genre de la trempe de La chose d’un autre monde (Christian Nyby / Howard Hawks, 1951), de L’invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel, 1956) ou encore du Village des damnés (Wolf Rilla, 1960), mais il s’inscrit dans la même mouvance : le cinéma de science-fiction était très populaire dans les années 50, et mettait régulièrement en scène des militaires aux prises avec des créatures de l’espace.
Surfant sur le succès des aventures du professeur Quatermass dans Le monstre et La marque (Val Guest, 1955/1957), le film de Crabtree met le doigt sur le « péril atomique », les créatures ne venant cette fois pas de l’espace mais ayant été créées par les radiations d’une centrale nucléaire. Mais ce n’est pas tout ; même si le film n’est pas américain mais britannique, on pourra retrouver dans Monstres invisibles (comme dans nombre de films de SF de l’époque) un sous-texte politique fort, que l’on aurait pu, pourtant, imaginer comme typiquement américain : dans les films de SF des années 50, les extra-terrestres et autres monstres étaient souvent des représentations à peine voilées de la « menace communiste », que les Etats-Unis voyaient déjà aux portes de leur pays et prêts à dominer le monde. Une analogie entre les créatures et les « cocos » pourra également être établie dans le film d’Arthur Crabtree, ce qui explique, peut-être, la popularité du film au pays de l’oncle Sam : les monstres représentent en effet une menace invisible, insidieuse, à l’intelligence commune et s’attaquant directement aux cerveaux de leurs proies.
Ces créatures sont des espèces de gros cerveaux avec des antennes et une longue queue, qui auront probablement inspiré, une vingtaine d’années plus tard, le design des « facehuggers » de la saga Alien. Si on en découvrait un spécimen en gros plan sur l’affiche du film et sur nombre de photos d’exploitation de l’époque, il faudra cependant attendre grosso modo une heure de métrage pour pouvoir enfin les admirer sous leur forme « visible ». Rassurez-vous cependant : Arthur Crabtree n’est pas Roland Emmerich, et il parvient à gérer avec talent le rythme de son métrage, qui passe plutôt bien, sans temps mort, délivrant son lot de personnages « cliché » mais agréables. Et en toute honnêteté, l’attente vaut vraiment le coup : le dernier quart d’heure est un véritable festival décomplexé d’affrontements avec les créatures, d’une générosité sans borne, délivrant qui plus est des compositions de plans et des effets spéciaux absolument formidables. Ainsi, grâce à ce dernier quart d’heure aux accents quasiment jouissifs, Monstres invisibles s’achève sur une impression plus que positive pour le spectateur, qui en oubliera sans peine les menus défauts de l’heure qui précède.
Le DVD
[4/5]
Éditeur relativement récent sur le front de la vidéo en France, Movinside a frappé très très fort dans le cœur des amateurs de cinéma de genre en février dernier, avec la première vague d’une collection appelée « Les trésors du Fantastique », qui contenait quatre films cultes très attendus des connaisseurs : Corridors of blood (Robert Day, 1958), Soudain les monstres (Bert I. Gordon, 1976), La nuit des vers géants (Jeff Lieberman, 1976) et Nuits de cauchemar (Kevin Connor, 1980). Malheureusement, nous n’avons pas été assez rapides à l’époque pour pouvoir chroniquer ces quatre petits chefs d’œuvres dans les temps. Aussi nous rattraperons-nous avec la deuxième vague des « Trésors du Fantastique », qui vient de débarquer dans les bacs de vos revendeurs, et comportant quatre nouvelles perles orientées fantastique / SF : Monstres invisibles (Arthur Crabtree, 1958), Le cerveau d’acier (Joseph Sargent, 1970), Doomwatch (Peter Sasdy, 1972) et Ssssnake (Bernard L. Kowalski, 1973).
C’est donc Movinside qui nous propose aujourd’hui de (re)découvrir Monstres invisibles en DVD. L’édition est certes minimaliste, mais la galette est soignée : le format est respecté, et si le master semble un poil fatigué (taches, rayures, points blancs, définition très douce), on pourra dire que l’image répond tout de même globalement à nos attentes pour un film si rare et ancien, jusqu’ici totalement inédit en DVD en France. Côté encodage, l’éditeur compose adroitement avec les limites et les qualités du support DVD, et le tout conserve un solide grain cinéma. Le son est proposé en Dolby Digital 1.0, en V.O uniquement, et le sous-titrage ne pose aucun problème particulier, retranscrivant au mieux les dialogues et surtout les bruitages du film, assez croquignolets dans leur genre.
Du côté des suppléments, et comme sur les autres films de cette deuxième vague des « Trésors du Fantastique », on trouvera une riche et assez passionnante présentation du film par Marc Toullec, qui dirige la collection aux côtés de Jean-François Davy. Rédacteur « historique » de la grande époque du magazine Mad Movies, Marc Toullec apparait depuis quelques années de plus en plus souvent dans les bonus d’une petite série d’éditeurs indépendants français (Sidonis, Rimini, Movinside, ESC), pour lesquels il signe livrets ou présentations diverses ; dans les suppléments cette collection, les amoureux de sa plume découvrent enfin son visage buriné.