Moka
France, Suisse : 2016
Titre original : –
Réalisation : Frédéric Mermoud
Scénario : Frédéric Mermoud, Antonin Martin-Hilbert d’après le roman de Tatiana de Rosnay
Acteurs : Emmanuelle Devos, Nathalie Baye, David Clavel
Éditeur : Pyramide Vidéo
Durée : 1h26
Genre : Drame, thriller
Date de sortie cinéma : 17 août 2016
Date de sortie DVD : 17 janvier 2017
Synopsis : Munie de quelques affaires, d’un peu d’argent et d’une arme, Diane Kramer part à Evian. Elle n’a qu’une obsession : retrouver le conducteur de la Mercedes couleur moka qui a renversé son fils et bouleversé sa vie. Mais le chemin de la vérité est plus sinueux qu’il n’y paraît. Diane devra se confronter à une autre femme, attachante et mystérieuse…
Le film
[3.5/5]
C’est tout en douceur que Frédéric Mermoud permet au spectateur de deviner la situation de départ : pourquoi cette femme est-elle en train de se taper la tête contre la baie vitrée ? Pourquoi a-telle une vision, celle d’un adolescent aux cheveux bruns, qui vient la hanter alors que, allongée sur un lit, elle fume une cigarette ? Ne serait-elle pas en train de s’enfuir de ce qui ressemble fort à une clinique ? Jusqu’au moment où, dans une maison vers laquelle elle s’est dirigée, elle demande à un homme où en est la police, puis, un peu plus tard, rencontre un autre homme, qui ressemble fort à un détective privé et qui lui donne quelques éléments concernant une berline de couleur moka. Les choses deviennent claires : cette femme, Diane, qui vit en Suisse, a vu sa vie basculer 7 mois auparavant le jour où Luc, son fils, a été renversé et tué à Lausanne par une voiture immatriculée en France, voiture de couleur moka dont la conductrice, une femme blonde, a pris la fuite. Depuis, la police piétine et Diane vient de décider de sortir de l’état d’anéantissement dans lequel elle était plongée depuis des mois et de se mettre elle-même en chasse afin de retrouver cette conductrice. Désir direct de vengeance : la conductrice une fois retrouvée : la tuer, sans autre forme de procès ? Désir indirect de vengeance : la dénoncer à la police ? Nous voici donc partis vers quelque chose qui s’apparente à un thriller, du moins le croit-on. Sauf que le film est plus intelligent que cela : partie à Evian, de l’autre côté du lac Léman, à la recherche de celle qui a tué son fils, Diane va certes la trouver, mais c’est surtout elle-même qu’elle va trouver, ou, plutôt retrouver : ses peurs, ses sentiments, sa compassion. Il faut dire que cette Marlène, dont tout laisse à penser qu’elle est bien la conductrice blonde, n’a pas le profil de quelqu’un qu’on peut dénoncer à la police, encore moins celui de quelqu’un qu’on peut tuer de sang froid : elle est souriante et avenante et, même si les deux femmes ont des caractères très différents, même si Marlène n’est pas du même monde que Diane, cette dernière ne peut s’empêcher de ressentir de la sympathie pour celle qu’elle devrait haïr. Une sympathie qui ne peut que grandir lorsque Diane, après avoir mieux fait connaissance avec Michel et Elodie, le compagnon et la fille de Marlène, est amenée à s’apercevoir que cette dernière, elle aussi, a des fêlures. On pensait partir vers un thriller, on est surtout en face d’une intrigue psychologique, dans le portrait de deux femmes attachantes, dans le retour vers la vie d’une femme qui était tombée au fond du trou, et c’est plutôt réussi.
Le réalisateur suisse Frédéric Mermoud ne s’en cache pas : son plus grand désir était de réaliser un film dans lequel on ne quitterait pratiquement jamais un personnage interprété par Emmanuelle Devos, une comédienne qu’il avait fait tourner il y a 7 ans, dans Complices. Restait bien sûr un point important : trouver la bonne histoire. C’est dans le roman « Moka » de Tatiana de Rosnay qu’il l’a trouvée, un roman dont, pour écrire le scénario, il n’a gardé qu’une partie ayant la dimension d’une nouvelle. Comme prévu, Emmanuelle Devos est pratiquement de tous les plans et force est de reconnaître que son jeu, dans lequel le côté énigmatique fait bon ménage avec une bonne dose de mélancolie, correspond parfaitement au rôle de Diane. Hasard du cinéma, ce rôle n’est pas sans rappeler celui de Marie-France dans La volante, sorti il y a un peu plus d’un an et dont l’interprète était Nathalie Baye, celle-là même qu’on retrouve face à Emmanuelle Devos dans le rôle de Marlène ! La confrontation de ces deux grandes actrices apporte bien sûr beaucoup au film. Quant à la photographie, autre point fort du film, elle est l’œuvre d’Irina Lubtchansky dont on a déjà pu admirer la qualité du travail chez, entre autres, Jacques Rivette, Rabah Ameur-Zaïmeche et Arnaud Desplechin.
Le DVD
[4/5]
Beau travail que celui réalisé par Pyramide Vidéo, éditeur de ce DVD. Un DVD qu’on peut regarder avec un son stéréo 2.0 ou un son 5.1, avec ou sans des sous-titres pour sourds et malentendants. On peut aussi choisir de le regarder en écoutant une audiodescription particulièrement détaillée. Concernant l’image, le début du film génère quelques inquiétudes, avec des scènes nocturnes particulièrement sombres dans lesquelles il est difficile de voir vraiment ce qui se passe. On peut penser qu’il s’agit d’un choix délibéré de la part du réalisateur et que l’impression était la même en salle. Toujours est-il qu’on est très vite rassuré, la qualité d’image et de lumière étant globalement tout à fait correcte, ce qui permet, et c’est heureux, une belle mise en valeur des magnifiques « tableaux » consacrés au lac Léman. Deux compléments très intéressants viennent s’ajouter au film : un entretien de 19 minutes avec le réalisateur, dans lequel il parle des deux comédiennes, du livre de Tatiana de Rosnay et de son admiration pour les photographes Joel Sternfeld et Gregory Crewdson. On retrouve Emmanuelle Devos dans le deuxième bonus, un excellent court-métrage, Le créneau, datant de 2007 et d’une durée de 13 minutes. Il s’agit cette fois d’un film en noir et blanc, superbement éclairé par Pierre Aïm, un spécialiste du noir et blanc : La haine, J’ai toujours rêvé d’être un gangster, Polisse, Qu’Allah bénisse la France, chaque fois, c’était lui le chef op ! Aux côtés d‘Emmanuelle Devos, égale à elle-même, un excellent Hippolyte Girardot et Louis-Do de Lencquesaing complètent le casting.