Lisa Frankenstein
États-Unis : 2024
Titre original : –
Réalisation : Zelda Williams
Scénario : Diablo Cody
Acteurs : Kathryn Newton, Liza Soberano, Cole Sprouse
Éditeur : Universal Pictures
Genre : Comédie, Fantastique
Durée : 1h38
Date de sortie DVD : 5 juin 2024
1989. Une lycéenne ringarde réanime accidentellement le cadavre d’un beau jeune homme d’un autre siècle. Elle l’aide à s’adapter à la vie moderne et à en faire l’homme de ses rêves…
Le film
[4/5]
Vous pensiez peut-être que Diablo Cody avait disparu il y a une quinzaine d’années, en même temps que la Tecktonik et Tokio Hotel ? Il se trouve que non : la scénariste révélée en 2007 par Juno vient en effet de s’associer à la réalisatrice Zelda Williams (fille du regretté Robin Williams) pour l’étonnant Lisa Frankenstein, un nouveau teen movie macabre sorti sur les écrans américains en février 2024. Le film n’étant pas parvenu à trouver son public dans les salles US, sa sortie dans les salles françaises fut annulée par Universal Pictures, et il n’eut finalement droit qu’à une discrète sortie en DVD et VOD au début du mois de juin.
Il est vrai que le teen movie n’intéresse plus beaucoup les adolescents, et est par conséquent devenu un genre désuet. Il est vrai également que les références assumées de Diablo Cody et Zelda Williams vont chercher du côté de la fin des années 80 : Lisa Frankenstein se déroule explicitement en 1989 (les personnages vont voir Allo Maman ici bébé au cinéma), les décors du film, ainsi que la belle-famille de l’héroïne, évoquent furieusement la banlieue colorée d’Edward aux mains d’argent (1990), et le film multiplie les références au film de John Hughes Une créature de rêve (1985). Comme dans le film de John Hughes, le personnage féminin s’appelle Lisa, et comme dans le film de Hughes, l’intrigue tourne autour d’un idéal « fantasmé » qui finira par prendre vie.
Cette volonté d’ancrer Lisa Frankenstein dans un « autre temps » (sans téléphones portables et sans réseaux sociaux) est peut-être, mine de rien, une des raisons qui ont convaincu Universal du faible potentiel commercial du film de Zelda Williams, et qui lui a finalement valu de se voir écarté des salles obscures. Et en toute honnêteté, nul ne peut réellement affirmer que le film aurait attiré les foules dans les salles françaises, en dehors des amateurs de curiosités estampillées 80’s ou des fans de Tim Burton et Diablo Cody. Mais est-ce que Lisa Frankenstein méritait une exploitation en salles ? La réponse est oui, et même cent fois oui.
L’amour fou de Zelda Williams pour le cinéma transpire littéralement de tous les plans de Lisa Frankenstein, et l’intrigue malicieuse concoctée par Diablo Cody permet à la jeune cinéaste de livrer au spectateur une œuvre référentielle, blindée de clins d’œil à des films des années 80 (Une Créature de rêve, E.T, Fatal Games…) et d’hommages à des films tels que Le Voyage dans la lune (Georges Méliès, 1902), L’Étrange Créature du lac noir (Jack Arnold, 1954) ou à l’œuvre de Georg Wilhelm Pabst, notamment à travers de belles séquences de rêve en noir et blanc. Mais au-delà des hommages, force est de constater que le scénario de Diablo Cody nous offre surtout une histoire d’amour en dehors des sentiers battus, résolument différente, et mine de rien si subversive qu’elle s’amusera à flirter gentiment avec le concept de nécrophilie.
Lisa Frankenstein suit donc la jeune Lisa Swallows (Kathryn Newton), une lycéenne devenue mutique suite à l’assassinat de sa mère par un psychopathe armé d’une hache. Son père (Joe Chrest) s’étant remarié, elle vit avec sa demi-sœur, la populaire Taffy (Liza Soberano) ainsi qu’avec sa belle-mère Janet (Carla Gugino). Alors qu’elle aspire à attirer l’attention de Michael (Henry Eikenberry), rédac’ chef du journal scolaire, Lisa passe son temps à gratter des tombes dans le cimetière local, en particulier sur la tombe d’un jeune homme de l’ère victorienne. Suite à un violent orage, le jeune homme en question (Chris Sprouse) ressuscite, et les deux jeunes gens commencent à se lier d’une amitié improbable… Slalomant entre l’horreur et l’humour, le film ne tardera pas à se trouver une tonalité assez unique, notamment grâce au talent de Diablo Cody pour mettre en place des situations – et des punchlines – extrêmement efficaces et souvent très drôles.
Lisa Frankenstein enchaine donc les passages comiques, qui fonctionnent pour la plupart très bien, et permettent d’humaniser et de donner une certaine profondeur aux personnages secondaires, et notamment à Taffy, qui s’avérera finalement très différente de l’idée que pourra s’en faire le spectateur au cours des dix premières minutes du film. Si elle ne constitue à priori qu’un élément secondaire du récit, la référence faite par le titre du film au « Frankenstein » de Mary Shelley se situe dans le fait que le revenant incarné par Chris Sprouse (qui ne prononce quasiment pas un mot de tout le film) est « incomplet » : certaines parties de son corps sont manquantes, et avec l’aide de Lisa, il va entreprendre de les récupérer à partir de cadavres frais. Commence alors un petit jeu de massacre pas foncièrement réaliste mais tout à fait réjouissant.
La mise en scène de Zelda Williams est remarquable, au même titre que la photo du film, signée Paula Huidobro, qui nous propose une véritable explosion de couleurs. Probablement en raison de certaines coupes dans le montage final, le scénario de Diablo Cody ne mène pas forcément à son terme toutes ses idées, laissant certaines lignes narratives en plan, notamment en ce qui concerne la disparition de la mère de Lisa. Cela sera au spectateur de déterminer le rôle de la jeune fille dans la mort de sa mère : la narration de Lisa Frankenstein n’affirme jamais explicitement que Lisa et le tueur à la hache ne sont qu’une seule et unique personne, pas plus qu’elle ne nous laissera jamais non plus clairement entendre que la créature est une projection de l’esprit de l’héroïne. Cependant, il semble que la suite du récit – et la nette inclinaison de l’héroïne pour le meurtre à la hache – puisse permettre au spectateur de tirer quelques conclusions sur ces deux sujets.
Les acteurs sont convaincants, avec une mention particulière à Chris Sprouse, qui trouve ici une occasion parfaite de montrer ses talents d’acteur « physique ». La lente mais constante progression du personnage, qui passe au fil de l’intrigue de Lisa Frankenstein du statut de zombie à celui d’être humain, est sans aucun doute l’un des éléments les plus fascinants du film. De fait, au fur et à mesure que l’histoire avance, la créature retrouve un peu plus de coordination et d’humanité jusqu’à ce que, finalement, très peu de choses le séparent physiquement de Lisa. Bien sûr, ce rapprochement et cette évolution se font au prix de plusieurs meurtres sauvages, mais au fur et à mesure que la créature récupère ses membres, elle se rapproche de son humanité perdue. Naturellement, sa relation avec Lisa évolue en parallèle, et l’affection qu’ils éprouvent l’un pour l’autre grandit, ce qui permettra finalement à Lisa Frankenstein de nous donner à voir la naissance d’un singulier couple de cinéma. Bien entendu, personne n’est dupe quant à ce qui va se passer : complice des idées barges de Diablo Cody, le spectateur sait exactement où le film va l’emmener, et ce même bien avant que Lisa n’exprime son désir de se débarrasser de sa virginité…
Le DVD
[4/5]
N’ayant pas eu le droit de tenter sa chance dans les salles obscures, Lisa Frankenstein est sorti le mois dernier en France, uniquement au format DVD, sous les couleurs d’Universal Pictures. Rôdé à l’encodage en définition standard, l’éditeur offre au film de Zelda Williams une galette sobre et efficace, allant à l’essentiel, en composant de façon adroite avec les limites d’un encodage en MPEG-2. L’image est propre, le piqué assez précis et les couleurs naturelles : c’est parfait. Côté son, l’éditeur nous propose de découvrir le film dans deux mixages Dolby Digital 5.1 (VF/VO) immersifs et parfois bien punchy, notamment grâce à une poignée de scènes à la spatialisation très sympathique. L’ensemble est donc tout à fait recommandable, même si on ne pourra s’empêcher de penser que la réussite et l’ambition formelle du film auraient mérité un encodage en Haute-Définition. Dommage !
Du côté des suppléments, et en dépit de ce qu’annonce la jaquette du DVD (« Scènes coupées, bêtisier et bien plus encore »), cette édition DVD de Lisa Frankenstein ne propose malheureusement pas le moindre bonus.