L’étoile du silence
Allemagne de l’Est, Pologne : 1960
Titre original : Der schweigende Stern
Réalisation : Kurt Maetzig
Scénario : Jan Fethke, Wolfgang Kohlhaase, Günter Reisch, Günther Rücker, Alexander Stenbock-Fermor
Acteurs : Yôko Tani, Oldrich Lukes, Ignacy Machowski
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h29
Genre : Science-Fiction
Date de sortie DVD : 2 juin 2020
Un élément d’origine inconnue, découvert après un tremblement de terre, attire l’attention des scientifiques. Il s’agit d’une bande magnétique en provenance de la planète Venus comportant un message hostile à l’égard des habitants de la Terre. Une équipe de savants appartenant aux principales nations du monde est envoyée vers la planète mystérieuse pour aller à la rencontre du peuple vénusien. Mais, à peine débarqués, les spationautes découvrent un monde dévasté…
Le film
[3,5/5]
Organisme d’état assez peu connu en dehors des frontières allemandes, la « DEFA » ou Deutsche Film AG était le studio de production cinématographique de l’ex-RDA entre 1946 et 1992. La page Wikipédia qui lui est consacrée nous apprendra que la DEFA succédait à l’UFA (Universum Film AG), et fut remplacée en 1992 par la Compagnie générale des eaux (?). En outre, la DEFA aurait produit environ 700 longs-métrages, 750 films d’animation et plus de 2000 documentaires et courts-métrages. Capitaux d’état obligent, le cinéma de genre n’était pas spécialement bien représenté au sein de la production cinématographique de la République démocratique allemande, mais quelques exceptions demeurent, notamment dans le domaine de la science-fiction.
La conquête spatiale étant une des préoccupations majeures opposant les deux « blocs » durant la guerre froide, le recours à la science-fiction permettait en effet aux auteurs de la DEFA d’insuffler un peu d’idéologie communiste dans leurs intrigues. A la fois sans trop de difficultés et tout en ayant l’air de ne pas y toucher…
Première production estampillée « SF » de la DEFA, L’étoile du silence s’impose ainsi comme une sacrée curiosité. A une époque où le cinéma de science-fiction était dominé par la représentation métaphorique de la menace « rouge » (Danger planétaire, Le village des damnés) et où la série B créait des pelletées de monstres liés au péril atomique (L’attaque des crabes géants, War of the satellites, L’attaque de la femme de 50 pieds…), le film de Kurt Maetzig prend quant à lui le parti de croire ouvertement en la sagesse des hommes, unis malgré les frontières vers un but commun.
Un vrai film humaniste en somme. Adapté d’un roman de Stanislas Lem (Solaris), le récit – assez fidèle – choisit dans un premier temps de s’attarder longuement sur l’aspect purement « scientifique » de cette expédition vers la planète Vénus. De fait, le film mettra un certain temps à démarrer, mais se rattrapera par le soin apporté à la description des membres de l’équipage, ayant la particularité d’être tous de nationalité différente. Bien entendu, le film étant clairement affiché comme communiste, la mission sera dirigée par un russe, mais l’idée de la mission est avant tout de faire avancer l’humanité, et non un pays avant un autre. La deuxième partie du film, qui suit la découverte de Vénus, se muera d’ailleurs en une mise en garde universelle contre les dangers de la bombe atomique.
Le dernier plan du film, avec les astronautes se donnant tous la main vers un avenir plus radieux, joue la carte d’un optimisme que d’aucuns pourront certes qualifier de naïf. Cependant, L’étoile du silence a au moins le mérite d’essayer de dépasser le statut de simple brûlot anti-américain. On ne pourra pas en dire autant des cinéastes du pays de l’oncle Sam, qui malgré toutes leurs qualités cinématographiques usaient de la parabole pour sans cesse en revenir à un même schéma, celui du « nous » contre « eux ». En effet, les extraterrestres / communistes des classiques US des années 50 veulent complètement annihiler ou assimiler le peuple américain, sans autre forme de procès : ils sont le mal incarné. S’il n’est pas beaucoup plus subtil dans sa façon d’évoquer sans équivoque le drame d’Hiroshima, film de Kurt Maetzig semble néanmoins plus nuancé concernant l’avenir.
Pour autant, L’étoile du silence n’a pas réellement l’étoffe des classiques américains des années 50. Le problème pour le coup est purement cinématographique : la première partie manque un peu trop de rythme pour s’avérer pleinement convaincante. Cela dit, une fois notre fine équipe d’astronautes arrivée sur Vénus, la vapeur s’inverse, notamment grâce à des effets spéciaux, des décors et des compositions de plans absolument sublimes, évoquant par leur beauté les couvertures les plus folles des « pulps » de science-fiction de l’époque. Chaque plan ou presque devient un enchantement pour les yeux. C’est du grand Art, un émerveillement de tous les instants pour qui aime l’esthétique Science-fiction en mode 60’s. Et rien que pour ces trois quarts d’heure littéralement enchanteurs, on ne peut QUE vous encourager à découvrir L’étoile du silence.
Le DVD
[4/5]
Premier film de science-fiction produit par la DEFA, L’étoile du silence intègre donc aujourd’hui la collection « SF Vintage » de chez Artus Films, aux côtés de Signal – Une aventure dans l’espace, réalisé dix ans plus tard, également pour le compte de la DEFA. Le DVD est présenté dans un très joli digipack, et côté galette, l’éditeur nous propose un encodage de très haute volée : la sublime photo du film est magnifiée par une remasterisation 2K solide, avec une définition et un piqué à toute épreuve, dans les limites d’un encodage en définition standard bien-sûr. Même les scènes nocturnes sont bien gérées, bref c’est un sans faute côté image. Même constat côté son d’ailleurs. En effet, les deux mixages Dolby Digital 2.0 (VF/VO) font le boulot sans problème, avec des dialogues toujours parfaitement clairs et distincts. Si l’on n’est bien sûr pas en présence du disque de démo pour épater la galerie, les deux mixages proposent tout de même une solide immersion au cœur du film.
La section suppléments n’est pas en reste puisque l’éditeur nous propose une présentation du film signée Christian Lucas (12 minutes) qui reviendra de façon assez synthétique et passionnante sur la genèse du film et l’histoire de la DEFA. On terminera ensuite avec un diaporama d’affiches et de photos, ainsi qu’avec une poignée de bandes-annonces de films de la collection « SF Vintage ».