Les Sœurs Quispe
Chili, France, Argentine : 2013
Titre original : Las Niñas Quispe
Réalisateur : Sebastián Sepúlveda
Scénario : Sebastián Sepúlveda d’après la pièce « Las Brutas » de Juan Radrigán
Acteurs : Digna Quispe, Catalina Saavedra, Francisca Gavilán
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h17
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 4 juin 2014
Date de sortie DVD : 3 mai 2016
Chili 1974. Justa, Lucia et Luciana Quispe, trois bergères de l’Altiplano, mènent une vie retirée au rythme de la nature. À son arrivée au pouvoir, Pinochet remet en question ce mode de vie ancestral.
Les trois soeurs traversent alors une crise existentielle qui aura un retentissement unique dans l’histoire contemporaine du Chili.
Le film
[3.5/5]
Le Chili, 1974. Un an auparavant, le général Augusto Pinochet a pris le pouvoir à la suite d’un coup de force militaire qui a renversé le gouvernement du président Salvador Allende, démocratiquement élu en 1970. Dans le nord du pays, dans l’Altiplano chilien, trois sœurs de l’ethnie Coya élèvent des chèvres et quelques moutons en vivant dans des conditions particulièrement rudes, plus dignes d’un passé très lointain que du 20ème siècle. Sur quel sujet, ces deux mondes, qui vivent dans le même pays, mais qui sont culturellement et temporellement très éloignés l’un de l’autre, peuvent-ils se rencontrer ? C’est ce que nous montre Les Sœurs Quispe, le premier film de fiction de Sebastián Sepúlveda, réalisateur chilien dont les parents ont fui la dictature de Pinochet et qui a vécu dans de nombreux pays. Parmi ces pays, la France, le pays où il passe actuellement le plus clair de son temps, le pays qui abrite la Femis, la très réputée Ecole française des métiers du cinéma, école dans laquelle Sebastián a suivi les cours d’écriture de scénario. En fait, ce sont les chèvres et les paturages qui sont à l’origine de la rencontre d’Augusto Pinochet et des sœurs Quispe, le gouvernement du dictateur ayant adopté la loi anti-érosion consistant à interdire le métier de berger et à exiger l’abatage des bêtes. Officiellement, il s’agissait de protéger les sols qu’érodent les troupeaux. En réalité, il s’agissait de s’attaquer au mode de vie des populations indiennes du pays. L’histoire des sœurs Quispe est un fait divers authentique qui a eu, à l’époque, un retentissement certain. Sur ce sujet, le dramaturge Juan Radrigán a écrit la pièce « Las brutas », pièce que Sebastián Sepúlveda a adapté pour le cinéma.
D’entrée de jeu, nous voici plongés dans les paysages magnifiques de l’Altiplano. La quarantaine, voire la cinquantaine, le visage buriné par le soleil et par le vent, Justa, Lucia et Luciana vivent là, dans un abri sous la roche, mal abrité du froid qui règne dans cette région où l’altitude flirte avec les 4000 mètres. Dans leurs conversations, elles évoquent le souvenir de leur père, mort à la mine, et celui de Maria, leur sœur aînée, celle qui les a élevées et qui est partie il y a peu vers « un autre monde ». Justa, Lucia et Luciana s’occupent d’un troupeau constitué de quelques moutons et de nombreuses chèvres. Les fromages qu’elles fabriquent et qu’elles vendent leur permettent de subsister tant bien que mal. Leur vie sociale se limite à de cours déplacements vers un village voisin afin de vendre leurs fromages et au passage, très peu fréquent, de quelques hommes, une engeance dont elles ont appris à se méfier : le marchand ambulant Juan Sicardini, qui va leur vendre quelques vêtements en échange de quelques chèvres ; Don Fernando, un étranger qui cherche son chemin vers l’Argentine, lui, le miraculé qui a survécu à l’assassinat d’un groupe d’opposants au régime et qui fuit les horreurs de la dictature. Petit à petit, ces rares contacts avec le monde extérieur, le fait aussi, qu’autour d’elles, il n’y a plus âme qui vive dans les autres bergeries des environs, vont les conduire à comprendre que, pour elles, le métier de bergère est terminé et les amener à commettre un acte d’une force incroyable.
Ce n’est pas par hasard que la première chilienne de Les Sœurs Quispe s’est déroulée un 11 septembre, date anniversaire du coup d’état de Pinochet. En effet, comme pour de nombreux réalisateurs chiliens, cet épisode douloureux de leur histoire qu’est la dictature de Pinochet est une perpétuelle source d’inspiration.Toutefois, tout comme Pablo Larraín, par ailleurs coproducteur du film, c’est en s’intéressant à des personnages et des événements mineurs liés à cette période que Sebastián Sepúlveda préfère évoquer ces années noires. Avant la réalisation de son film, le réalisateur est allé partager durant quelques semaines la vie de membres de l’ethnie coya. Il y a rencontré Digna Quispe, la nièce des Sœurs Quispe, ainsi que Segundo Araya, membre d’une autre famille. Digna Quispe interprète le rôle de sa tante Justa et Segundo Araya celui de Don Juan, le colporteur. A leurs côtés, des comédiens professionnels déjà rencontrés dans des films chiliens : Catalina Saavedra, l’interprète de Lucia, jouait, entre autres, le rôle de Raquel, la bonne, dans La nana (La bonne), de Sebastián Silva ; Francisca Gavilán était Violeta Parra dans Violeta d’Andrés Wood ; quant à Alfredo Castro, l’interprète de Don Fernando, on le retrouve dans presque tous les films de Pablo Larraín, toujours dans des rôles importants, et il tient le premier rôle dans Les Amants de Caracas, le film vénézuélien de Lorenzo Vigas Castes, qui sort le 4 mai 2016. Autre « acteur » important du film : Inti Briones. Ce Directeur de la photographie péruvien qui a passé sa jeunesse dans l’Altiplano de son pays, excelle à montrer aussi bien la beauté et l’âpreté des paysages qui entourent la bergerie que les marques du vécu, tout aussi belles et âpres, des différents personnages.
Il est certain que Les Sœurs Quispe est un film qui se mérite, mais, lorsqu’on arrive à y entrer, ce qui, franchement, n’est pas d’une grande difficulté, on ne peut qu’être subjugué par la beauté des images et l’impressionnante force de l’histoire.
Ne manquez pas d’aller jeter un œil sur la critique écrite par Pascal lors de la sortie du film en salles.
[4/5]
Un seul supplément à regarder et écouter sur ce DVD. Un supplément court (9 minutes) mais très intéressant. En effet, dans un français parfait et presque sans accent, le réalisateur Sebastian Sepulveda nous y parle de son film, de ce qui l’a conduit à le réaliser, de sa volonté de ne pas profiter des magnifiques paysages de l’Altiplano pour faire un film qui ne soit qu’un film « Carte-postale », de la particularité des pays de l’Amérique du Sud par rapport à l’Europe, avec la cohabitation dans un même pays de populations vivant dans des temps différents, de sa conception de l’éthique en matière de cinéma et, tout particulièrement, de celle qui l’habite lorsqu’il réalise un film de fiction inspiré par une histoire qui s’est réellement déroulée. En effet, pour lui, le danger serait de rechercher à tout prix la vérité, une vérité qui, de toute façon, n’existe pas. Comment pourrait elle exister alors que l’histoire racontée dans un journal est toujours différente de la même histoire racontée dans un autre journal ?!
Le DVD de Les Sœurs Quispe est d’une utilisation très simple : le film n’est visible qu’en VO avec sous-titres et n’est audible qu’en Dolby 2.0. Franchement, c’est très bien comme cela. D’autant plus que, par ailleurs, il y a un rendu parfait des très belles images dues au Directeur de la photographie, le péruvien Inti Briones.
Ce DVD est disponible, entre autre, chez Blaq Out.
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