Le prophète
Italie : 1968
Titre original : Il Profeta
Réalisation : Dino Risi
Scénario : Ruggero Maccari, Dino Risi, Ettore Scola
Acteurs : Vittorio Gassman, Ann-Margret, Oreste Lionello
Éditeur : ESC Editions
Durée : 1h28
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : –
Date de sortie DVD/BR : 28 mars 2017
Pietro Breccia est un homme qui a décidé depuis longtemps d’abandonner la civilisation en devenant ermite en laissant derrière lui l’usure de la vie moderne, le consumérisme immodéré et toutes les futilités de la civilisation de consommation elle-même.Depuis des années, il vit dans la solitude sur le mont Soratte, à 40 km au nord de Rome. Un jour, il est débusqué par une équipe de télévision qui, flairant le scoop, décide de faire un documentaire sur le curieux ermitage de cet homme. À partir de ce moment, Breccia en a fini avec sa tranquillité. Malgré lui, il se retrouve étouffé par la société en raison de sa notoriété soudaine et du fait qu’il a dévoilé son identité passée…
Le film
[3,5/5]
Rome, les années 60 : la pollution, une circulation automobile démente, le bruit, des heures d’embouteillage pour se rendre à la plage le dimanche, une plage où on se marche sur les pieds que ce soit dans l’eau ou sur le sable, des heures d’embouteillage pour revenir de la plage le dimanche, des magasins où règnent une chaleur insupportable en hiver et un froid polaire en été. Si vous ajoutez un travail routinier dans lequel la hiérarchie vous flique en permanence et la compagnie d’une épouse que vous avez cessé d’aimer depuis longtemps, il peut arriver un moment où vous avez envie de quitter ce monde considéré comme étant civilisé.
C’est exactement ce qui est arrivé à Pietro Breccia quelques années auparavant, quittant voiture et femme en plein milieu d’un embouteillage inextricable, sous le prétexte d’aller acheter des cigarettes. Pietro n’est jamais revenu et il est allé vivre une vie d’ermite sur le mont Soratte, à 40 km de Rome, une vie sans femme, sans alcool, sans tabac, avec Rosina, une chèvre, comme seule compagnie. Une vie où il pense être oublié de tous et qui semble lui convenir parfaitement. Sauf qu’à son sujet est née une espèce de légende et, un beau jour, une équipe de télévision vient faire un sujet sur lui. Un passage à la télévision qui va le jeter dans un engrenage infernal : la justice qui se rappelle à son bon souvenir, une jeune et affriolante hippie qui cherche à le débaucher, un homme sans scrupule qui tient absolument à lui faire profiter de sa notoriété sans, bien sûr, s’oublier au passage.
Dans Le prophète, sorti en Italie en 1968, on retrouve le duo vedette de L’homme à la Ferrari, le film précédent de Dino Risi : Vitorrio Gassman et la comédienne américaine d’origine suédoise Ann-Margret. Au vu d’un tel trio, auquel on peut rajouter Ettore Scola comme co-scénariste, on est surpris que ce film n’ait jamais eu droit à une sortie en salles dans notre pays. D’autant plus que cette comédie s’avère fort plaisante du début jusqu’à la fin et qu’on peut rajouter, aujourd’hui, 50 ans après sa sortie, que, contrairement à pas mal d’autres comédies sorties à la même époque, elle a très bien résisté à l’usure du temps. En 2017, elle a en plus le mérite de rappeler que nombre des maux dont nous souffrons actuellement dans notre vie de tous les jours avaient déjà commencé à nous agresser il y a un demi-siècle : que, depuis, si peu ait été fait pour nous en débarrasser, là, ça ne fait pas rire du tout !
Par contre, ce qui amène un petit sourire en coin et qui montre que, heureusement, tout n’est pas resté figé durant ces 50 dernières années, ce sont deux moments précis du film qui méritent d’être étudiés de près, dans la mesure où on ne peut plus guère imaginer de telles scènes dans un film contemporain : d’un côté la façon phallocrate dont est montré le rôle de la femme dans le couple que formaient Pietro Breccia et sa femme, de l’autre la façon de représenter un photographe homosexuel lorsqu’on essaye de faire de Pietro une vedette.
Tourné dans un très beau Technicolor, Le prophète met particulièrement en lumière les deux comédiens principaux, Vittorio Gassman, qui a tourné près de 20 films sous la direction de Dino Risi et qui réussit (parfois difficilement !) à ne pas verser dans le cabotinage, et Ann-Margret, une comédienne très populaire dans les années 60 et qu’on a un peu trop oubliée.
Le DVD
[4/5]
Très belle initiative de la part de ESC Editions : le lancement de la collection BR-DVD « Edizione Maestro », avec l’édition de 12 films italiens 100 % inédits dans notre pays, des films de Ettore Scola, Luigi Comencini, Dino Risi, Mario Monicelli, Alessandro Blasetti, Alberto Sordi, etc. Les sorties de ces DVD et de ces Blu-ray se feront en 3 vagues, 4 d’entre eux sortant le 28 mars, 4 autres en juin et les 4 derniers en septembre.
Le prophète fait partie de la première vague et va sortir en DVD et en Blu-ray. On ne peut que louer ESC Editions pour le beau travail réalisé sur ce film aboutissant à une superbe version restaurée en haute définition avec des couleurs magnifiques parfaitement respectées sur le support DVD. Concernant le son, aucune raison de se plaindre du manque de choix : VO sous-titrée et stéréo 2.0, on n’en demandait pas plus.
Au rayon des suppléments on trouve une bande annonce de 15 minutes sur les films de la collection et une interview de 9 minutes, intitulée « Dino Risi chez les hippies », de l’historien du cinéma Stéphane Roux. On y apprend, entre autre, que Le prophète, très gros succès public en Italie, mais succès critique mitigé, était, pour Vittorio Gassman, le plus mauvais film qu’il ait tourné avec Dino Risi ! Un jugement qui parait vraiment bien sévère.
On vous invite à lire également la critique et le test Blu-ray de Mickaël Lanoye, disponible à cette adresse !