Le fauve en liberté
États-Unis : 1950
Titre original : Kiss tomorrow goodbye
Réalisation : Gordon Douglas
Scénario : Harry Brown
Acteurs : James Cagney, Barbara Payton, Helena Carter
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h38
Genre : Policier, Film Noir
Date de sortie cinéma : 14 juin 1951
Date de sortie DVD : 18 février 2020
Ralph Cotter s’évade d’un pénitencier avec un codétenu, Carleton. Holiday, la sœur de ce dernier, et un autre gangster Jinx les aide, mais Cotter décide tuer son partenaire Carleton. Décidé à se procurer de l’argent, Cotter aidé de Jinx, qui emprunte la voiture de Masson, un garagiste, vole la paie du grand magasin Hartford. Holiday devient la maîtresse de Cotter. Mais Mason « donne » Cotter à Weber et à Race, deux policiers corrompus…
Le film
[4/5]
Outre le plaisir de retrouver James Cagney dans la peau d’un gangster, le fait de voir ou de revoir Le fauve en liberté aujourd’hui – soit 70 ans après sa sortie dans les salles obscures – permettra au spectateur contemporain de constater à quel point les concepts de modernité ou même d’originalité ne sont, finalement, que des vues de l’esprit. Personne n’invente rien, tout a déjà été fait, et le cinéma n’est qu’un éternel recommencement. Le film de Gordon Douglas met donc en scène un parfait psychopathe, ouvertement manipulateur, pour qui la vie, la mort, l’amitié ou même l’amour ne sont que des mots vides de sens. Mais finalement, on comprendrait presque le comportement antisocial du personnage de Ralph Cotter (Cagney) : le monde autour de lui semble tout aussi pourri ; tous les personnages sont en effet présentés comme des salauds, des arrivistes ou des hors-la-loi. Truands, avocats, bonnes femmes, flics : tous véreux, tous dans le même panier. Alors bien sûr, Cotter lui prend le taureau par les cornes, prend de force tout ce dont il a envie (femmes, argent), et le plus vite est le mieux. Pour arriver à ses fins, il n’hésite pas à tuer tous ceux qui se mettront en travers de sa route, qu’ils soient amis ou ennemis, aucun code d’honneur ni morale ne sont de rigueur.
Le plus fascinant dans l’histoire, c’est que le cinéaste ne les juge jamais, les présentant même de manière sympathique – impossible de ne pas s’attacher à ce petit groupe de personnages, si salopards et immoraux soient-ils. Seules les scènes de procès qui introduisent les différentes phases du récit ramènent la morale sur le tapis – le film en devient-il pour autant moralisateur ? Sûrement pas, puisque le cœur du public est aux côtés de Cagney et de sa petites bande de truands improvisée. Le fauve en liberté surprendra donc par sa violence et son nihilisme, extrêmes et forcenés, surtout pour l’époque : on y suit tout de même un psychopathe que l’on verra buter ses complices de sang froid, passer une femme à tabac, manipuler son monde, pour finalement, quelques séquences plus tard, rire à ses côtés car derrière son cynisme de façade, Cotter possède une réelle intelligence, et un don inné pour se fondre dans le décor, en parfait homme-caméléon, à la façon d’un Zelig avant l’heure. La distanciation amenée par l’humour, parfois cruel, du film (on pense à ce passage durant lequel après avoir frappé un de ses complices gisant à terre, il prend le temps de l’observer en tournant la tête, comme s’il admirait une œuvre d’Art) rappellera forcément, avec 40/50 ans d’avance, les portraits de truands attachants proposés par Quentin Tarantino ou Rob Zombie au cœur de leurs filmographies respectives. Et on n’exagère pas !
Pour résumer, Le fauve en liberté s’avère un petit trésor de « Film Noir », d’un pessimisme ahurissant, même si bien sûr ce pessimisme est relativisé par les séquences de procès [Attention SPOILER] et la mort du personnage central qui, si elle paraît cohérente avec son mode de vie, semblent avoir été rajoutées afin de donner une espèce de caution morale à l’ensemble [Fin du SPOILER]. Quoiqu’il en soit, le film de Gordon Douglas demeure en l’état un film aussi brillant que parfaitement rythmé.
Le DVD
[4/5]
Le fauve en liberté arrive donc ce mois-ci en DVD du côté de chez Sidonis Calysta. Il ne s’agit pas exactement d’une nouveauté, puisque le film était déjà disponible au sein d’un coffret dédié au « Film Noir » sorti en décembre 2018, mais n’était jusqu’alors pas sorti dans le commerce à l’unité. C’est aujourd’hui chose faite, et côté DVD, Sidonis Calysta nous offre comme à son habitude un master globalement stable et propre, à l’encodage correct et proposant une expérience « Home Cinema » tout à fait recommandable.Côté son, VF d’origine et VO, toutes deux mixées en Dolby Digital 2.0 mono d’origine, sont claires et sans trop de souffle. Bref, il s’agit là d’une édition soignée, nous permettant de découvrir le film dans d’excellentes conditions.
Du côté des suppléments, l’éditeur nous livre un tout aussi bon travail en réunissant, en plus de la traditionnelle bande-annonce, deux présentations du film signées Bertrand Tavernier et François Guérif. Assez inégales en longueur (37 minutes pour Tavernier, 8 seulement pour Guérif), elles se rejoignent en revanche en qualité : ces interventions nous apprennent cela dit quelques éléments importants sur le tournage du film, tout en le remettant dans son contexte de tournage. Comme à son habitude, François Guérif reviendra également sur le roman à l’origine du film. Très intéressant.