Land
Italie, France, Mexique, Pays-Bas : 2018
Titre original : –
Réalisation : Babak Jalali
Scénario : Babak Jalali
Interprètes : Rod Rondeaux, Florence Klein, Wilma Pelly
Éditeur : Bac Films
Distributeur : ESC Distribution
Durée : 1h46
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 25 avril 2018
Date de sortie DVD : 4 septembre 2018
Synopsis : Land se déroule au Nouveau-Mexique, dans la réserve indienne de Prairie Wolf et ses alentours. C’est l’histoire de trois frères appartenant à la grande famille des DenetClaw. Raymond, l’aîné, est un alcoolique repenti. Il travaille dans une exploitation de gros bétail pour nourrir sa famille. Wesley, le second, côtoie quotidiennement la population blanche aux abords de la réserve, surtout Sally, propriétaire d’un bar où il boit tous les jours. Floyd, le plus jeune de la fratrie, se bat sur le front afghan. Alors qu’un officier de l’armée américaine annonce à la famille la mort de Floyd, Wesley est passé à tabac par une bande de jeunes et tombe dans le coma. Raymond décide de le venger.
Le film
[4/5]
Depuis quelques mois, l’immersion parmi les amérindiens est devenue très tendance au cinéma : en février, sortie de The Ride, documentaire de la française Stéphanie Gillard ; en mars, sortie de The Rider, docufiction de la chinoise Chloé Zhao ; enfin, fin avril, sortie en salles de Land, docufiction de l’iranien Babak Jalali. Ce qu’il y a de particulièrement ironique dans cette importante présence, c’est qu’aucun de ces 3 films n’a été réalisé par un ou une cinéaste US ! Inspiré par la réserve de Pine Ridge, dans le Dakota du sud, celle là même où Chloé Zhao a tourné Ces chansons que les frères m’ont apprises et The rider, censé se passer dans une réserve indienne du Nouveau-Mexique, Land a été tourné en Californie mexicaine. Le film raconte de façon très réaliste et très documentée l’histoire d’une famille, une mère, Mary, et ses 3 fils, de ses rapports avec certains blancs du coin et avec l’état américain. Raymond, l’aîné des trois frères, s’est converti à la sobriété la plus stricte et son travail dans un ranch permet de faire vivre la famille. Wesley, le deuxième frère, est un alcoolique qui, chaque jour, doit quitter la réserve, dans laquelle l’alcool est interdit, afin d’aller passer son temps à boire des bières chez Sally, une veuve qui tient un magasin de vente d’alcool juste de l’autre côté de la « frontière ».
Quant à Floyd, le plus jeune des 3 frères, on va apprendre qu’il est mort alors qu’il combattait en Afghanistan. Alors que l’état américain chipote quant à la somme d’argent devant revenir à la famille de la victime (environ 12 000 dollars si le décès a lieu hors zone de combat, 100 000 si c’est en zone de combat), la famille refuse le protocole habituel en matière de funéraille : pas de drapeau américain sur le cercueil, Floyd sera enterré dans la réserve en la seule présence des siens. Cela nous vaut la plus belle scène du film, la plus forte aussi, lorsque le cercueil avec le corps est restitué à la famille à la frontière avec la réserve indienne. Quant aux rapports avec les blancs du coin, ils peuvent être chaleureux comme la relation d’amitié entre Wesley et Rosie, une adolescente qui s’intéresse au sort des amérindiens, mais, le plus souvent, ils sont loin d’être toujours cordiaux, les problèmes liés à l’alcoolisme de certains indiens, souvent facilité par les blancs, n’étant pas là pour arranger les choses.
Iranien vivant en Angleterre, Babak Jalali s’intéresse depuis longtemps au sort des amérindiens. Lui qui vient d’une ville frontalière retrouve dans les réserves indiennes cette notion de frontière, « qui sépare les cultures et qui, dans le même temps, est une zone où les cultures peuvent s’échanger ». Un reportage photo réalisé dans une réserve du Dakota du Sud l’a beaucoup marqué, et, en particulier, une statistique portant sur 40 000 personnes vivant dans cette réserve: 90 % étaient au chômage, 88 % étaient alcooliques, l’espérance de vie des hommes était de 47 ans et celle des femmes de 49 ans. Pour réaliser Land, Babak Jalali a visité 31 réserves réparties dans 15 états différents et il a tenu à ce que tous les rôles d’indiens soient interprétés par de véritables indiens, qu’ils aient ou non une expérience de comédien.
Pour la photographie, le réalisateur a fait appel à une française, la grande directrice de la photographie Agnès Godard. La très grand majorité des plans sont des plans fixes, une façon de montrer le caractère statique de la vie des protagonistes. Par ailleurs, on peut comparer l’atmosphère de Land, avec une certaine lenteur introduite au montage, à celle qui règne dans certains films de Kelly Reichardt, La dernière piste et Certaines femmes par exemple. Ce n’est peut-être pas un hasard si Rod Rondeaux qui jouait le rôle de l’indien dans La dernière piste tient ici le rôle principal. Quant à la musique, on entend surtout, à chaque fois presque en entier, « Cold, Cold World », « Our Little Town » et « If I Could Only Fly », 3 chansons du texan Blaze Foley, un des chanteurs préférés du réalisateur. Remercions le de contribuer ainsi à faire connaître un songwriter et chanteur vraiment pas assez (re)connu, même dans son pays d’origine. Au point, d’ailleurs, que, non seulement un critique de cinéma du Monde a attribué à Townes Van Zandt, grand ami de Blaze par ailleurs, la composition et l’interprétation de ces 3 chansons, faute qui peut s’excuser. mais qui a été également commise par un critique de Screen, ce qui est quand même beaucoup moins excusable !
Le DVD
[3.5/5]
Si on doit remercier Bac Films et ESC Edition de sortir ce très beau film en DVD, on peut regretter qu’il n’y ait aucun supplément relatif au film pour venir le compléter, ni sur la genèse du film, ni sur la situation actuelle des amérindiens dans les Etats-Unis d’aujourd’hui. A titre d’exemple, le feu vert donné par Trump il y a 18 mois à la relance du projet d’oléoduc dans le Dakota du Nord (Dakota Access Pipeline), sans tenir compte de l’opposition des Sioux de la région, aurait pourtant fait un beau sujet pour un supplément plein d’intérêt.
Sinon, on dispose, avec ce DVD, d’un très beau rendu de l’image d’Agnès Godard, au point que les cinéphiles les plus exigeants n’auront même pas à regretter l’absence d’une sortie en Blu-ray ! Quant au son, c’est du Dolby 5.1, uniquement en VO sous-titrée.