Journée noire pour un bélier
Italie : 1971
Titre original : Giornata nera per l’ariete
Réalisateur : Luigi Bazzoni
Scénario : Luigi Bazzoni, Mario di Nardo, Mario Fanelli
Acteurs : Franco Nero, Silvia Monti, Wolfgang Preiss
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h29
Genre : Thriller
Date de sortie DVD : 19 janvier 2016
Témoins d’une violente agression, Walter et son amie Julia en parlent à Andrea Bild, journaliste spécialiste en affaires criminelles. Celui-ci décide de mener son enquête, malgré l’opposition de la police. Bientôt, c’est sur lui que se portent les soupçons d’une série de crimes dont il devra retrouver le meurtrier pour s’innocenter. Totalement inédit depuis sa sortie VHS sous le titre Jour maléfique, Journée noire pour un bélier est l’archétype même du giallo à sa plus grande époque dont il reprend parfaitement les codes : chantage, sexe, héros suspectés, cuir et meurtres sadiques…
Le film
[4/5]
Réalisateur peu prolifique mais plutôt connu des amateurs de bis pour nous avoir livré trois petites merveilles dans trois genres différents du cinéma d’exploitation (western, science-fiction, giallo), Luigi Bazzoni se voit mis à l’honneur ce mois-ci grâce à la sortie en DVD de Journée noire pour un bélier (Giornata nera per l’ariete) chez nos amis du Chat qui fume.
Autrefois disponible en VHS sous le titre de Jour maléfique (une époque que les moins de vingt ans ne peuvent certainement pas connaitre), Journée noire pour un bélier retrouve donc aujourd’hui finalement sa place au cœur de la longue liste de gialli dont le titre évoque des animaux, tels que la trilogie animalière de Dario Argento (L’oiseau au plumage de cristal, Quatre mouches de velours gris et Le chat à neuf queues), L’iguane à la langue de feu (Riccardo Freda, 1971), La queue du scorpion (Sergio Martino, 1971), Un papillon aux ailes ensanglantées (Duccio Tessari, 1971), La Tarentule au ventre noir (Paolo Cavara, 1971), ou encore Plus venimeux que le cobra (Bitto Albertini, 1971).
Comme beaucoup de gialli à l’époque, l’intrigue du film de Luigi Bazzoni tient du whodunit tout ce qu’il y a de plus classique : des meurtres sont commis, on trouve plusieurs suspects dans l’entourage des victimes, et un journaliste mène l’enquête afin de déterminer qui est le coupable. Les plus habitués à ce type d’intrigue détermineront sans doute l’identité du coupable assez rapidement, mais là n’est peut-être pas la finalité de Journée noire pour un bélier : maîtrisé, formellement et esthétiquement assez superbe, le film se suit avec un grand intérêt jusqu’à son dénouement riche en action. Comportant de nombreuses digressions afin de « brouiller les pistes » concernant l’identité du tueur, le film fait la part belle à une maestria technique indéniable, forcément liée à la complicité qui existait entre Bazzoni et son chef opérateur Vittorio Storaro (L’oiseau au plumage de cristal) : au final, certaines séquences s’avèrent véritablement superbes, qui plus est transcendées par certains thèmes musicaux signés Ennio Morricone (tout le score n’est pas du même niveau, mais certains morceaux valent vraiment qu’on leur jette une oreille). C’est d’autant plus remarquable que chaque scène s’inscrit dans une ambiance et un décor bien particuliers, et qu’aucune scène de meurtre ne ressemble à la suivante ou à la précédente.
Franco Nero, ami proche de Bazzoni et Storaro, nous propose à nouveau une composition remarquable avec ce rôle de journaliste alcoolo complètement perdu, que cela soit professionnellement ou même amoureusement ; indéniablement, son interprétation est un des autres points forts du métrage. L’ensemble du casting est d’ailleurs au diapason, et l’amateur de giallo et de bis en général retrouvera forcément une série de têtes connues, telles qu’Agostina Belli (La nuit des diables), Wolfgang Preiss (Un papillon aux ailes ensanglantées), Rossella Falk (Le tueur à l’orchidée), Edmund Purdom (L’avion de l’apocalypse), Silvia Monti (Le venin de la peur) ou encore Ira von Fürstenberg (L’île de l’épouvante).
Bien sûr, Journée noire pour un bélier n’est pas non plus totalement exempt de défauts : parmi ceux-ci, on citera une gestion du rythme un poil hasardeuse, ce qui est peut-être du au fait que l’intrigue comporte beaucoup de personnages aux rapports complexes. D’ailleurs, Bazzoni ne s’y trompe pas, et place des inserts montrant les personnages à chaque fois qu’un nom est cité par un des protagonistes : un procédé certes un peu curieux, mais finalement payant. Enfin, si le film n’évite pas non plus le recours habituel à une psychologie / psychanalyse de bazar pour expliquer le comportement du tueur, on se consolera en se disant qu’il s’agissait là d’une des constantes du genre, que l’on pourra retrouver au cœur de nombreux films d’exploitation de l’époque, et que cela n’a finalement rien de vraiment gênant.
Le DVD
[4,5/5]
Le DVD édité par Le chat qui fume nous propose une expérience home cinéma très recommandable : passé le générique de début qui affiche quelques points blancs et autres griffes, l’image est assez superbe, même dans ses passages les plus sombres, et rend parfaitement hommage à la sublime photo de Vittorio Storaro. La définition est précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, le master tient la route dans les limites évidentes d’un encodage en définition standard. Côté son, l’éditeur nous propose à la fois la version originale italienne, mais a également été repêcher la version française d’origine ; toutes deux sont proposées dans des mixages Dolby Digital 1.0. Si elle plaira forcément aux amateurs de VF surannées qui ajoutent parfois un charme supplémentaire aux films qu’elles accompagnent, on remarquera tout de même un souffle très présent, surtout gênant durant les scènes muettes. La version italienne est plus claire, et met surtout d’avantage en valeur les compositions de Morricone pour le film.
Dans la section suppléments, outre les bandes-annonces des films édités par Le chat qui fume (dont le forcément très attendu Antéchrist d’Alberto De Martino annoncé en Blu-ray pour cette année), on trouvera un entretien avec Vittorio Storaro et Franco Nero. Les deux intervenants reviennent séparément sur les liens d’amitié qui les liait à Luigi Bazzoni, et sur le travail aux côtés du réalisateur disparu. Très modeste, Storaro évoque l’œil de cinéaste presque « féminin » de Bazzoni, et insiste beaucoup sur le fait que le cinéma est un Art collectif, et que son travail si brillant soit-il est forcément également tributaire du talent d’autres personnes présentes sur le tournage. Une belle leçon d’humilité, que vient compléter Franco Nero avec quelques anecdotes bienvenues.
On notera pour terminer le soin apporté par Le chat qui fume au packaging de sa nouvelle collection Giallo : présenté dans un digipack slim à trois volets, le DVD s’offre une maquette très réussie, composée par un graphiste de grand talent.