Test DVD : Inchallah un fils

0
408

Inchallah un fils

Jordanie : 2023
Titre original : Inshallah Walad
Réalisation : Amjad Al Rasheed
Scénario : Amjad Al Rasheed, Rula Nasser, Delphine Agut
Interprètes : Mouna Hawa, Seleena Rababah, Haitham Omari
Éditeur : Pyramide Vidéo
Durée : 1h49
Genre : drame
Date de sortie cinéma : 6 mars 2024
Date de sortie DVD : 2 juillet 2024

Jordanie, de nos jours. Après la mort soudaine de son mari, Nawal, 30 ans, doit se battre pour sa part d’héritage, afin de sauver sa fille et sa maison, dans une société où avoir un fils changerait la donne.

Le film

[4/5]

Pour une femme, quel que soit l’endroit où elle vit, il n’est jamais facile de se retrouver veuve à 30 ans à peine, mais, quand la mort brutale de son mari tombe sur Nawal, ce sont vraiment les portes d’un calvaire social qui s’ouvrent devant elle. Nawal est jordanienne, elle vit à Amman, elle est musulmane, elle travaille comme aide-ménagère dans une famille chrétienne dont on devine qu’elle est très aisée, s’occupant avec beaucoup de dévouement de Colette, l’aïeule de la famille, elle est la maman de Noura, une adorable fillette de 7 ans, mais la mort de son mari a été si brutale que rien n’a été préparé pour assurer une succession sereine. C’est ainsi que, bien qu’ayant très largement contribué à l’achat de l’appartement grâce à sa dot et à la vente de bijoux, Nawal ne dispose d’aucun papier qui puisse le prouver aux yeux de la justice, son mari n’ayant jamais fait enregistrer le document dans lequel il reconnaissait ce fait. Que voulez vous, pour lui, c’était la honte de reconnaître qu’il devait son logement à son épouse ! En l’absence de ce papier, il y a la loi jordanienne qui veut que lorsqu’un couple n’a pas eu d’enfant de sexe masculin, l’héritage revienne à la fratrie du défunt. Rifqi, le beau-frère de Nawal, a donc la loi pour lui lorsqu’il demande que l’appartement lui revienne, à lui et à sa fratrie. Et puis, comme Nawal est obligée de travailler et n’a donc pas le temps de s’occuper correctement de sa fille, il se verrait bien avoir la garde de Noura ! Pour Nawal qui ne peut guère compter sur un frère particulièrement pusillanime pour la soutenir face à Rifqi,  la seule chance de conserver son appartement et sa fille, du moins durant un certain temps, serait de prouver qu’elle est enceinte, ce qui bloquerait pendant quelques mois la procédure judiciaire lancée par Rifqi, en attendant de connaître le sexe du nouveau né !

Pour réaliser ce film,  Amjad Al Rasheed s’est inspiré d’un évènement survenu dans sa propre famille, un évènement qui avait vu une parente proche dans l’incapacité, conformément à la loi jordanienne, de toucher l’héritage au décès de son mari avec qui elle n’avait eu QUE deux filles. Encore faut-il rajouter que, très magnanimes, les frères et les sœurs du défunt avaient fait en sorte que la veuve et ses filles puissent conserver la maison en leur disant « Nous te permettons de vivre chez toi », formulation qui avait fortement interpellé le réalisateur. Toutefois, même si les problèmes rencontrés par Nawal représentent le sujet principal de Inchallah un fils, Amjad Al Rasheed et Rula Nasser et Delphine Agut, ses deux coscénaristes,  ont enrichi le film afin de donner un panorama sinon exhaustif, du moins très riche, de ce qui passe en Jordanie, aussi bien d’un point de vue social qu’au niveau des mœurs. C’est ainsi que si les femmes de la communauté musulmane apparaissent comme étant particulièrement mal traitées, celles de la communauté chrétienne ne sont guère mieux loties : alors que Nawal aimerait bien être enceinte, il n’en est pas de même pour Lauren, jeune femme de la famille chrétienne dans laquelle travaille Nawal, mariée à un coureur de jupons invétéré qui la trompe sans vergogne et qui ne veut surtout pas donner naissance à un enfant ressemblant à son père. Mais comment arriver à avorter dans la société libanaise ? Sans être vraiment amies, Nawal et Lauren vont essayer de s’entraider et vont lister ensemble tout de qui est « haram », c’est à dire à peu près … tout ! On notera quand même que, pour le médecin qui va pratiquer l’avortement sur Lauren, il y a « haram » et « haram » : pratiquer un avortement sur un fœtus dont on ne sent pas le pouls, c’est « haram », mais beaucoup moins « haram » que lorsqu’on peut sentir le pouls du fœtus, ce qui, pour lui, signifie que l’âme du futur bébé est déjà présente. Par ailleurs, on sent que le réalisateur et ses coscénaristes n’ont pas voulu faire un film manichéen, des circonstances atténuantes pouvant atténuer le côté très négatif des comportements du frère et le beau-frère de Nawal, obligés qu’ils sont de jouer des rôles face à leur entourage, des rôles qui ne correspondent pas forcément à leur personnalité. On sent aussi que le réalisateur aime son pays, qu’il aime Amman, sa capitale, et, dans ses interviews, il revendique le fait que la Jordanie est loin d’être le seul pays où règne la phallocratie et que, partout dans le monde, le sort des femmes est moins enviable que celui des hommes, mais cela n’empêche pas que, au travers de son film, on voit un pays dans lequel règne l’hypocrisie, avec un volet religieux très fort qui consiste à faire sans arrêt appel à « Dieu » pour évoquer une action à réaliser dans l’avenir ou un souhait dont on espère la réalisation. Pour Nawal, c’est bien sûr : Inchallah un fils !

Film à caractère social, film qui ne s’embarrasse pas d’une musique d’accompagnement qui aurait été plus nuisible qu’utile, film faisant appel à de très intelligentes ellipses, premier film jordanien sélectionné au Festival de Cannes, film primé à la Semaine de la Critique cannoise de 2023, Inchallah un fils se déguste comme un thriller avec, en particulier, des logements, que ce soit celui de Nawal ou celui de la famille chrétienne, qui ont des fenêtres munies de barreaux amplifiant l’impression d’enfermement dans lequel vivent les femmes. Inchallah un fils bénéficie de la remarquable prestation de la comédienne palestinienne Mouna Hawa qui excelle dans l’interprétation de toutes les facettes du personnage de Nawal, un personnage auquel il est impossible de ne pas s’attacher et dont on apprécie que les épreuves qu’elle rencontre lui permettent finalement de voir dans Noura, sa fille qu’elle a failli perdre au profit de Rifqi et qui est impeccablement interprétée par la jeune Seleena Rababah, un être à qui donner beaucoup d’amour, plutôt qu’un « objet » à qui on donne surtout des ordres. Des épreuves qui lui permettent aussi de trouver la force de « moucher » enfin l’homme qui la harcelait dans la rue à chacun de ses passages en  lui lançant « J’aimerais être ton sac ». Inchallah un fils bénéficie aussi du beau travail de Kaname Onoyama, un Directeur de la photographie japonais formé en France

Le DVD

[4.5/5]

Inchallah un fils ayant été distribué en salles par Pyramide Distribution, on s’attendait à un beau résultat concernant un DVD édité par Pyramide Vidéo et … on n’est pas déçu : la définition est précise, le rendu des couleurs ne prête le flanc à aucune critique, on a bien ce que le format DVD peut offrir de mieux. Concernant le confort de visionnage, le DVD propose le son en 2.0 ou en 5.1, choix à faire en fonction de son équipement, et, pour nos amis anglophones, le sous-titrage en français peut être remplacé par un sous-titrage en anglais.

Deux compléments accompagnent le film. Le plus riche est un entretien de 26 minutes avec le réalisateur, entretien mené en anglais et sous-titré en français. Amjad Al Rasheed nous fait part des raisons qui l’ont conduit à réaliser Inchallah un fils, il nous parle du travail réalisé avec ses 2 coscénaristes, du choix des interprètes et insiste sur les mauvais traitements que subissent les femmes à peu près partout dans le monde et pas seulement en Jordanie. Le deuxième complément, beaucoup plus court, voit Amjad Al Rasheed reprendre une partie de ce « discours » lors d’une interview donnée à Cannes en mai 2023, lorsque son film a été présenté à la Semaine de la Critique.

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici