Ils sont partout
France, Belgique : 2016
Titre original : –
Réalisateur : Yvan Attal
Scénario : Yvan Attal, Emilie Frèche
Acteurs : Yvan Attal, Benoît Poelvoorde, Tobie Nathan
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h45
Genre : Comédie, Film à sketches
Date de sortie : 1 juin 2016
Date de sortie DVD : 30 novembre 2016
Yvan se sent persécuté par un antisémitisme grandissant et il a l’habitude de s’entendre dire qu’il exagère, qu’il est paranoïaque. Lors de séances chez son psy, Yvan parle donc de ce qui le concerne : son identité, être français et juif aujourd’hui. Mais ces rendez-vous sont aussi et surtout une sorte de fil rouge reliant entre elles plusieurs histoires courtes qui tentent de démonter, sur le mode tragi-comique, les clichés antisémites les plus tenaces…
Le film
[3/5]
Avec Ils sont partout, Yvan Attal aborde de front un sujet difficile : l’antisémitisme latent et insidieux qui, si l’on en croit son discours sonnant véritablement comme une sonnette d’alarme, est en train de consumer la France dans l’indifférence générale. Pour mettre en scène plusieurs clichés antisémites, le réalisateur / scénariste opte donc pour le film à sketches. C’est courageux, car par essence, le film à sketches est un exercice difficile, posant des problèmes de rythme et d’équilibre ; en effet, on n’a pour ainsi dire jamais vu un film à sketches ne proposant que des histoires ayant toutes le même impact sur le spectateur. Même quand il n’est mis en scène que par un seul et même cinéaste, le film à sketches souffre souvent de longueurs, l’ennui s’installant en général devant les ruptures de ton ou fluctuations d’inspiration selon les sketches.
Les sketches se suivront donc au cœur d’Ils sont partout, avec plus ou moins de bonheur. La thématique générale se veut à l’humour corrosif. Comme le disait Pierre Desproges, on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde, et là n’est pas le problème. Mais tout le monde est-il en mesure de faire rire ? Obsédé par sa thématique, Attal peine un peu à provoquer le rire franc et massif du spectateur (même si quelques gags fonctionnent tout de même) ; le film slalome d’ailleurs plutôt entre l’humour et le sérieux, en passant parfois par les moments d’émotion, atteignant un pic avec la prestation de Popeck dans le sketch sur la Shoah. Un brin parano, l’acteur / réalisateur se met également en scène entre les sketches, récitant un peu trop un texte que l’on sent par ailleurs mûrement réfléchi, le déclamant sur le ton de l’indignation vis à vis de son pays, et généralisant parfois les comportements antisémites à l’ensemble de la population au point que le spectateur puisse avoir tendance à se sentir coupable d’attitudes et/ou de comportements qui ne lui auraient même pas traversé l’esprit avant qu’Attal ne le prenne vertement à parti. « Voyez comme ils nous traitent » semble-t-il lancer à la face du spectateur, avant de le pointer d’un index rageur : « et vous les laissez faire ! »
Ce type de prise de position par le biais du cinéma est courageuse, même si dans le fond elle ne fera que conforter tout un chacun dans ses convictions profondes – honnêtement, le cinéaste prêche des convaincus, on supposera même d’ailleurs que les personnes antisémites refuseront à tout crin de voir un film écrit, mis en scène par et parlant pendant 1h45 de personnes appartenant à la communauté Israélite ou professant la religion judaïque. Pire encore, Ils sont partout pourrait même à apporter de l’eau au moulin des antisémites, dans le sens où le discours moralisateur asséné face caméra au spectateur par Yvan Attal fera forcément écho dans leurs esprits étriqués à l’éternelle « victimisation » du peuple Juif.
Reste donc un film à sketches forcément inégal mais relativement bien rythmé, donnant à une poignée d’acteurs souvent trop discrets quelques beaux rôles de composition (Valérie Bonneton, Benoit Poelvoorde, Claude Perron).
Le DVD
[4/5]
Pour son arrivée en vidéo, Ils sont partout s’offre une édition DVD sous les couleurs de Wild Side, dont les prestations techniques sont tout à fait satisfaisantes. La galette nous offre une définition très précise (dans les limites évidentes d’un encodage en définition standard), ne perdant de sa superbe que dans les (rares) plans larges du film, logiquement moins réussis. Néanmoins, l’ensemble demeure tout à fait recommandable. Côté son, on a uniquement droit à un mixage proposé au choix en Dolby Digital 2.0 ou en Dolby Digital 5.1, bien spatialisé même si le film ne se prête naturellement pas à la démonstration de votre installation surround.
Dans la section suppléments, on trouvera deux scènes coupées introduites par Yvan Attal, ou plus exactement deux versions « étendues » de scènes existant déjà dans le film, mais que le réalisateur a préféré censurer afin de ne pas trop choquer le public français. On trouvera également un très intéressant entretien avec Jérôme Lament, créateur du site internet www.ilsontpartout.com, qui s’occupait de la promo du film en recensant des milliers de tweets et commentaires Facebook à caractère antisémite, compilé dans une sorte de gigantesque banque de données de la connerie et de la haine. Édifiant.