Illégitime
Roumanie : 2016
Titre original : Ilegitim
Réalisation : Adrian Sitaru
Scénario : Adrian Sitaru, Alina Grigore
Acteur : Alina Grigore, Adrian Titieni, Robi Urs
Éditeur : Damned Films
Durée : 1h28
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 8 juin 2016
Date de sortie DVD : 6 décembre 2016
Synopsis : Lors d’un repas de famille, quatre frères et sœurs découvrent le passé polémique que leur père leur a caché. Tandis que cette révélation divise la famille, un autre scandale surgit: Romi et Sasha, frère et sœur jumeaux, entretiennent secrètement un amour fusionnel et physique.
Le film
[3/5]
Des repas de famille, on en a tous connu beaucoup dans sa vie personnelle, on en a tous vu très souvent au cinéma, mais, des repas de famille comme celui qui fait quasiment l’ouverture du film d’Adrian Sitaru, il faut aller chercher chez Pialat ou lorgner du côté de Festen pour trouver l’équivalent en matière de force dans l’antagonisme, un antagonisme qui finit par passer du verbal au physique. C’est dans l’appartement de Victor, un médecin dans la bonne cinquantaine, veuf depuis peu, que se déroule ce repas. Victor est le père de 4 enfants déjà entrés dans l’âge adulte, et ils sont là tous les 4, avec la compagne et le compagnon de deux d’entre eux. Ce repas commence sur des bases très conviviales avec le choix du vin et une discussion sur les notions de temps psychologique et de temps physique, jusqu’au moment où une question précise est posée à Victor : a-t-il ou non, du temps de Ceaușescu, dénoncer des femmes qui voulaient se faire avorter ? A-t-il scrupuleusement suivi le décret de 1966 interdisant l’avortement ou l’a-t-il trop scrupuleusement suivi ? Ce sujet, il ne l’avait jamais abordé avec ses enfants et la réponse qu’il donne est loin de les satisfaire, même s’il affirme à deux d’entre eux, les jumeaux Sasha et Romeo, que c’est bien parce qu’il a refusé un avortement les concernant qu’ils sont là face à lui. On sort de cette joute quelque peu épuisé pour retrouver Sasha et Romeo entretenant une relation incestueuse tout en cherchant à savoir si, à leur sujet, leur mère avait vraiment envisagé un avortement . Cette position face à l’avortement, on va la retrouver plus tard dans le film, vous devinez peut-être pourquoi, et elle va, en particulier, se poser à nouveau pour Victor.
Curieux film que Illegitime, qui, commençant par une scène d’une puissance stupéfiante, une véritable scène d’anthologie, se transforme assez vite, malheureusement, en film ronronnant, pas très passionnant, avec cette histoire entre les deux jumeaux qui n’arrive même pas à vraiment déranger. Jusqu’au moment où réapparait Victor ! En fait, c’est Adrian Titieni, ce comédien qu’on retrouve dans un autre rôle de père dans Baccalauréat de Cristian Mungiu, qui semble apporter toute la saveur qu’on peut trouver dans ce film : quand il est là, on se passionne, quand il est absent, on a tendance à rester extérieur à ce qui se passe. Non pas que les autres comédiens soient mauvais, mais ce sont sans doute le scénario et la façon de tourner qui sont responsables de cet état de fait. A l’origine du scénario, un texte de théâtre écrit par Alina Grigore, la comédienne qui interprète Sasha. La façon de tourner d’Adrian Sitaru : des objectifs précis fournis aux comédiens, des plans séquence et une seule prise par scène, étant donné que, dans la vie réelle, « nous n’avons pas la possibilité de vivre le même moment une seconde fois ». « Je souhaitais faire un film très proche du documentaire d’observation, mais qui soit également une fiction, un film hybride », poursuit le réalisateur. Le fait est que, dans la vie réelle, il y a des moments plus passionnants que d’autres et il se trouve que, dans Illégitime, ces moments passionnants sont ceux où Victor est présent, avec, en plus, la plus grande expérience d’Adrian Titieni qui, lorsqu’il est présent, arrive à entraîner ses jeunes partenaires vers l’excellence.
Le DVD
[4/5]
Dans ce DVD édité par Damned Film, le film est présenté en Dolby 2.0 et en version originale, avec le choix entre des sous-titres en français ou en anglais ou aucun sous-titre. La qualité de l’image est très honorable, ce qui n’avait rien d’évident a priori, l’action du film se déroulant presque toujours en huis clos. Le DVD compte trois suppléments : 9 scènes coupées pour une durée totale de 21 minutes ; un commentaire audio intéressant mais donné en anglais sans sous-titrage sur les 88 minutes que dure le film et dans lequel se succèdent le réalisateur, Alina Grigore, scénariste du film et comédienne jouant le rôle de Sasha, Adrian Silisteanu, le Directeur de la photographie et Ioan Filip, l’ingénieur du son ; et, surtout, La cage, un excellent court-métrage de 17 minutes, couronné dans de nombreux festivals et dans lequel on retrouve Adrian Titieni, une fois de plus père de famille, cette fois-ci d’un gamin qui a recueilli un pigeon blessé : il suffit de peu de temps à Adrian Sitaru pour peindre avec beaucoup de finesse et à l’aide de plans séquences bien maîtrisés les rapports entre un père, sa femme et leur fils.