Test DVD : Il Varco

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Il Varco

Italie : 2019
Réalisation : Federico Ferrone, Michele Manzolini
Scénario : Federico Ferrone, Michele Manzolini, Giovanni Cattabriga
Acteurs : Emidio Clementi (voix)
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h07
Genre : Documentaire
Date de sortie cinéma : 1 septembre 2021
Date de sortie DVD : 1 février 2022

En 1941, un soldat italien part pour le front russe. L’armée fasciste est alliée avec les allemands et la victoire semble promise. Contrairement à ses jeunes compagnons enthousiastes le soldat, qui a déjà connu les conflits armés d’Afrique, redoute ce voyage. Le train chemine vers l’Ukraine et l’hiver arrive en même temps que grandit l’inquiétude. Le désir le plus fort n’est plus celui de la victoire mais d’un lit bien chaud, d’un repas et du retour au foyer. Frappées par les vents, les steppes semblent être habitées par des fantômes et le soldat nous emporte avec lui dans sa nostalgie…

Le film

[4/5]

A la lisière entre le documentaire et l’œuvre de fiction, Il Varco est une histoire imaginée et construite à partir du réagencement et du collage d’extraits de documentaires et d’images d’archives, mises bout à bout afin de créer l’histoire d’un soldat italien en partance pour le front, au début de la Seconde Guerre mondiale. Les réalisateurs Federico Ferrone et Michele Manzolini ont adapté leur récit des journaux intimes de plusieurs soldats, retrouvés sur le front ukrainien, et entrelacent de façon habile archives officielles et privées pour livrer au spectateur avec Il Varco un docu-fiction auquel les images apportent une véracité et une portée vertigineuses.

Le film nous transporte donc à l’été 1941 : l’Allemagne nazie envahit Union soviétique, et l’Italie envoie ses premiers soldats sur le front ukrainien – un lieu où se livrent, aujourd’hui encore, d’âpres combats liés à la guerre du Donbass, qui dure depuis 2014 et a causé la mort de plus de 10.000 personnes, tout en en forçant près de deux millions à fuir la région. Après quelques images probablement tirées d’archives familiales, le voyage dans le temps et l’espace du spectateur commencera, guidé, en voix off, par les sentiments et les émotions du personnage principal, narrées par le musicien et écrivain Emidio Clementi, fondateur du groupe de rock Massimo Volume. Sa voix, grave et posée, restitue avec efficacité et sans fioritures rhétoriques le désespoir tragique du personnage principal, qui semble savoir dès les premières minutes d’Il Varco que le voyage dans lequel il s’engage est un voyage sans retour.

Les images collectées par Federico Ferrone et Michele Manzolini, que l’on découvre au rythme des paroles du narrateur, sont lourdes de sens. Œuvre fascinante, fantasmatique, dégageant un parfum de poésie macabre et de vérité historique qui font littéralement froid dans le dos, Il Varco alterne les prises de vue noir et blanc / couleur, change de format au fil des images d’archive, tout en conservant une homogénéité absolument remarquable. Les images du réel, bien structurées par un montage impeccable signé Maria Fantastica Valmori, créent une illusion de réalité absolument parfaite, même durant les moments nous donnant à voir l’Ukraine d’aujourd’hui.

On notera par ailleurs que certaines images sélectionnées par les deux cinéastes confèrent à Il Varco une aura irréelle, presque poétique. Cette impression diffuse est encore amplifiée par la musique de Simonluca Laitempergher, aussi planante qu’entêtante, ainsi que par les propos récités par Emidio Clementi, en mode « flux de conscience », qui contribuent au côté ouvertement hypnotique du film. Il est ainsi quasiment impossible de détourner les yeux des images que nous donne à voir Il Varco, et quand le générique de fin arrive, on regarde sa montre avec étonnement : un peu plus d’une heure est en effet passée, sans que l’on s’en rende compte le moins du monde, et on en a oublié d’aller rechercher le petit dernier à l’école. C’est là une des grandes forces d’Il Varco : c’est une machine à remonter le temps. Malheureusement, il ne vous permettra pas de revenir en arrière pour être à l’heure à l’école.

Le DVD

[4/5]

Après une courte carrière dans un circuit très réduit de salles, où il a attiré un peu plus de 3000 curieux, Il Varco débarque aujourd’hui au format DVD sous les couleurs de Blaq Out, un des éditeurs indépendants les plus passionnants et éclectiques que l’on puisse imaginer. Bien évidemment, le master du film de Federico Ferrone et Michele Manzolini est extrêmement tributaire de la qualité des images d’archives qu’il nous propose, mais dans l’ensemble, on ne pourra que se réjouir du master du DVD, qui s’avère d’une qualité globalement très satisfaisante. Pas de souci d’encodage à l’horizon, passage du 4/3 au 16/9 s’opérant dans les conditions les plus fluides, bref, c’est du tout bon, même si on a repéré ici et là de petites fautes d’inattention sur les sous-titres. Coté son, le film nous est proposé au choix en Dolby Digital 2.0, soit en Dolby Digital 5.1 (VOST uniquement). Mine de rien, en dépit de la facture extrêmement modeste de l’œuvre, la spatialisation est tout simplement remarquable : la musique de Simonluca Laitempergher y prend en effet toute son ampleur, et contribue de fait énormément à l’immersion du spectateur dans l’atmosphère glaçante du film.

Du côté des suppléments, Blaq Out fait très fort puisque Il Varco nous arrive carrément accompagné d’un deuxième long-métrage ! Il s’agit du film Le Train pour Moscou (Il Treno va a Mosca, 1h10), une autre œuvre de montage réalisée en 2013 par Federico Ferrone et Michele Manzolini. Réalisé à partir des films 8MM que Sauro Ravaglia a tourné avec ses camarades Enzo Pasi et Luigi Pattuelli dans les années 1950 et du récit que Ravaglia fait aujourd’hui des faits, ils ont reconstitué l’histoire d’un barbier communiste qui, en 1957, a participé avec deux amis cinéastes au Festival de la jeunesse socialiste de Moscou.

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