Hangover Square
Etats-Unis : 1945
Titre original : –
Réalisation : John Brahm
Scénario : Barré Lyndon d’après le roman de Patrick Hamilton
Acteurs : Laird Cregar, Linda Darnell, George Sanders
Éditeur : Rimini Editions
Durée : 1h15
Genre : Drame, thriller
Date de sortie cinéma : –
Date de sortie du DVD : 3 janvier 2018
Synopsis : Londres, début du XXè siècle. Alors qu’il travaille à l’écriture d’un concerto, le compositeur George Bone est sujet à des périodes d’absences, durant lesquelles il perd le contrôle de lui-même. A son réveil, il a aucun souvenir de ce qu’il a fait. Et si George Bone était un assassin ?
Le film
[3.5/5]
Comme beaucoup de ses compatriotes, John Brahm, né à Hambourg en 1893, a quitté l’Allemagne d’Adolf Hitler et a rejoint les Etats-Unis après un bref passage en Angleterre qui lui permit de réaliser son premier film, Broken Blossoms (1936). Il est surtout connu pour sa « trilogie de la folie », commencée en 1944 avec Jack l’éventreur (The Lodger), continuée en 1945 avec Hangover Square et terminée en 1946 avec Le médaillon (The Locket).
Très, très librement inspiré du roman homonyme de Patrick Hamilton, Hangover Square entraine le spectateur dans le Londres de 1903, auprès de George Harvey Bone, un compositeur classique totalement investi dans l’écriture d’un concerto pour piano. Tellement investi que le surmenage qui en découle l’amène à avoir des trous noirs, des moments dont, après, il ne souvient absolument plus, en particulier lorsqu’il est confronté à des sons discordants. Problème : lui, d’ordinaire d’une grande gentillesse, se transforme alors en meurtrier de la pire espèce. Aidé par un ami, Sir Henry Chapman, et sa fille Barbara, soupçonné par le Dr. Middleton que ces derniers lui ont conseillé de consulter, harcelé par Netta, une chanteuse de cabaret dont il est tombé amoureux et qui, tout en le manipulant, aimerait le voir consacrer ses talents de musicien à l’écriture de chansons qui lui seraient destinées, l’avenir de George Harvey peut aussi bien basculer dans le drame que lui réserver de nombreux succès.
Considéré le plus souvent comme le chef d’œuvre de John Brahm, Hangover Square est un film aux qualités multiples. La plus évidente réside dans la beauté des images, noir et blanc magnifique avec une utilisation magistrale des ombres et de la lumière. En collaboration avec Joseph LaShelle, un des grands directeurs de la photographie d’Hollywood, John Brahm a su réunir dans ce film les caractéristiques cinématographiques du pays qui l’a vu naître et de ceux qu’il a traversés : l’Allemagne et son fameux expressionnisme ; l’Angleterre et son cinéma des années 30, avec, en particulier, les premiers films parlant d’Alfred Hitchcock ; le cinéma d’Hollywood et son sens de la narration. Remarquable aussi la façon dont la folie est dépeinte au travers de la mise en scène, avec de nombreuses scènes dans lesquelles le feu joue un rôle important, avec l’utilisation d’images floues, avec des contre-plongées, mais aussi des moments de doute où on ne sait pas trop dans quel état se trouve George Harvey. Et puis, il y a la musique, écrite par Bernard Herrmann : à la fois composition de musique classique contemporaine et chargée, elle-aussi, de mettre en avant la folie du personnage et l’angoisse qui le ronge.
Dans la distribution de Hangover Square, John Brahm a fait appel, dans des rôles majeurs, à deux comédiens déjà présents dans Jack L’éventreur : George Sanders, élégant et ambigu à souhait dans le rôle du Dr. Middleton, et Laird Cregar, pathétique à souhait dans le rôle principal. Pour tourner Jack L’éventreur, le comédien avait décidé de perdre du poids et il avait continué entre ce film et Hangover Square. Une perte de poids d’une telle ampleur qu’elle est probablement la cause de la crise cardiaque qui l’a emporté en décembre 1944, à l’âge de 30 ans, avant même la sortie de Hangover Square. A leurs côtés, c’est la troublante Linda Darnell qui interprète le rôle de Netta Longdon, la chanteuse de cabaret.
Le DVD
[4.5/5]
On ne peut que féliciter Rimini Editions pour le travail réalisé sur ce film et, tout particulièrement, malgré le fait que la plupart des scènes soient des scènes nocturnes en extérieur ou des scènes d’intérieur, pour le rendu du magnifique Noir et Blanc et de ses contrastes qui font partie des qualités majeures du film. Le film n’est visible qu’en VO, avec ou sans sous-titrage, le son étant en mono.
Les suppléments sont nombreux et de grande valeur. Tout d’abord, « John Brahm, à la folie ! », une interview d’une durée de 18 minutes de la journaliste Guillemette Odicino qui, à partir d’extraits de Hangover Square et d’autres films du réalisateur, situe avec précision ce film dans l’œuvre de John Brahm. Suit un entretien autour de la musique de Bernard Herrmann avec le musicien Stephan Oliva, d’une durée de 27 minutes, où il s’avère que le compositeur américain ne se contentait pas de faire de la musique qui soit agréable à l’oreille mais s’efforçait toujours de faire ressentir quelque chose au spectateur. Autre remarque qui peut apparaître surprenante : la texture de sa musique pour les films en couleur était différente de celle des films en noir et blanc. Enfin, le 3ème supplément, « L’adaptation impossible », d’une durée de 14 minutes, voit François Guérif, l’éditeur en 2009 du roman à l’origine du film, expliquer les différences importantes entre ce roman et le film avant de conclure qu’il était impossible de réaliser au cinéma une adaptation fidèle du livre.