Fario
France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Lucie Prost
Scénario : Nathalie Saugeon, Lucie Prost, Alain Layrac
Acteurs : Finnegan Oldfield, Camille Rutherford, Léna Laurent
Éditeur : Blaq Out
Genre : Drame
Durée : 1h27
Date de sortie cinéma : 23 octbre 2024
Date de sortie DVD : 19 mars 2025
Léo, jeune ingénieur brillant et fêtard qui vit à Berlin, doit rentrer dans son village du Doubs pour vendre les terrains agricoles de son père à une entreprise de forage de métaux rares. Il retrouve sa mère, sa petite sœur, ses copains et son cousin, en désaccord avec le projet de mine. Rapidement, Léo observe d’étranges comportements chez les farios, ces truites qui peuplent la rivière. Il se lance alors dans une enquête hallucinée…
Le film
[3/5]
Le premier long-métrage de Lucie Prost Fario s’ouvre sur une scène de fête, censée nous présenter le personnage principal du film, Léo, interprété par Finnegan Oldfield, éternel jeune homme d’aujourd’hui 34 ans, abonné aux rôles de « d’jeuns » et découvert en 2016 avec les films Bang Gang (une histoire d’amour moderne) et Nocturama. Rien de très neuf sous le soleil donc, mis à part que la première scène du film introduit dans le récit un élément pas si innocent, puisqu’il sera repris à de nombreuses reprises par la suite au cours du récit : Léo ne bande plus. Il ignore pour quelle raison les corps caverneux de sa teub ne s’irriguent plus, et se refuse à accepter de parler de dépression.
Etudiant en Allemagne, le personnage principal de Fario sera bientôt amené à retourner dans son pays natal, dans le Doubs, pour vendre les terres agricoles dont il a hérité de son père, prématurément décédé. Quelques éléments du récit laissent à penser que son père s’est suicidé, et qu’il était séparé de son épouse depuis quelque temps déjà. Le problème d’érection de Léo serait-il atavique, et est-il en train de basculer dans la dépression ? Le film ne le dira jamais clairement ; toujours est-il que Léo ne bande plus, et qu’il en parle à tout le monde – à ses copines allemandes, mais également à son amie d’enfance, Camille (Megan Northam). C’est même presque la première chose qu’il va lui raconter, alors même qu’il ne l’a pas vue depuis de nombreuses années : il ne bande plus. Non, non, ce n’est pas une dépression. Juste un mystère.
Et si la réalisatrice et co-scénariste de Fario Lucie Prost consacre la scène d’ouverture à pointer du doigt la libido défaillante de Léo, c’est parce que son personnage, parallèlement consommateur régulier de drogues – qu’il ne prend plus pour un usage récréatif mais pour « tenir » – ne tardera pas à découvrir un autre mystère : les truites vivant dans la rivière toute proche semblent être en train de muter. L’entreprise minière qui veut creuser pour trouver des métaux rares sur le terrain acheté est-elle responsable de ces poissons mutants et du problème d’impuissance de Léo ? D’un point de vue symbolique, on pourrait le penser, à moins bien sûr que la teub flasque du héros du film ne soit finalement la seule responsable de ladite mutation, puisqu’il est apparemment le seul à remarquer que les truites ont un comportement étrange.
Vous l’aurez compris, Fario se situe quelque-part entre le polar écologique à la Erin Brockovich et le drame psychologique. Finnegan Oldfield s’avère comme toujours assez fascinant, prenant à bras le corps ce rôle d’homme en proie au désarroi mais constamment dans le déni. Son malaise est presque palpable à l’écran, et se traduit par moments par des pointes de provocation et de méchanceté gratuite vis-à-vis des personnes qu’il aime : sa mère qui lui présente son nouveau mec, son cousin qui a fait un coming out tardif, et surtout, cette Camille qu’il a toujours aimé et qui avait choisi de sortir avec son cousin, qui finalement se trouvait être homo mais qui ne s’en était alors pas rendu compte. Les personnages tournant autour de Léo pensent que les drogues ont altéré sa perception de la réalité. Alors qu’en fait, non. C’est sa teub.
Le héros de Fario Léo est, on l’a dit, fascinant dans son genre ; ça ne l’empêche cependant pas de s’avérer assez antipathique, courant après ses idées fixes en rabaissant constamment son entourage, probablement par manque de confiance en lui. Partant volontiers dans tous les sens, le film parvient néanmoins à maintenir l’intérêt du spectateur en éveil pendant toute sa durée. Ce qui est dommage en revanche, c’est qu’à force de s’éparpiller, le scénario donne l’impression de caresser des thèmes complexes plutôt que de les aborder réellement en profondeur. Deuil, traumatismes refoulés, perception de soi et psychologie sexuelle sont donc évoqués pêle-mêle au détour d’une séquence ou une autre, mais aucun arc narratif ne semble réellement mené à son terme au bout du compte.
Mais l’idée de Lucie Prost était peut-être juste de proposer au spectateur une petite « tranche de vie », et en ce sens, Fario remplit tout à fait son contrat, en agrémentant le tout d’un petit aspect « enquête » versant même dans le fantastique pur lors de certaines séquences mettant en scène Léo et les truites phosphorescentes. Au spectateur donc de faire le tri dans ce qui nous est proposé à l’écran par la réalisatrice – l’idée ici est peut-être juste de se laisser porter par l’étrangeté générale – et par moments assez poétique – du projet, sans forcément chercher à savoir si oui ou non la bite du héros redeviendrait dure dans le Doubs, et si Léo serait finalement surnommé « Doubs, Dur et Dingue ».
Le DVD
[4/5]
Exploité l’année dernière sur un petit circuit de 59 copies, Fario n’a logiquement attiré dans les salles qu’un peu plus de 25.000 curieux, et ne passera logiquement pas par la case Blu-ray : en dépit de sa jolie photo signée Thomas Favel, le film de Lucie Prost est uniquement disponible en DVD. On admettra cela dit qu’au final, mieux vaut découvrir ce film singulier en définition standard plutôt que de ne pas le découvrir du tout. De plus, le DVD de Fario édité par Blaq Out est en tous points excellent : le film est proposé au format respecté, et la définition est solide, sans le moindre problème de compression ou autre pétouille technique. Côté son, le film est naturellement proposé en Dolby Digital 5.1, et bénéficie d’un mixage dynamique et très immersif, particulièrement remarquable durant les séquences mettant en scène de nombreuses personnes à l’écran. On notera également la présence d’un mixage stéréo en Dolby Digital 2.0, anecdotique mais probablement plus clair si vous ne bénéficiez pas de Home Cinema et visionnez le DVD le plus simplement du monde sur votre téléviseur.
Du côté des suppléments, Blaq Out nous propose tout d’abord un entretien avec Lucie Prost, Finnegan Oldfield et Megan Northman (21 minutes). Dans ces entretiens croisés, les trois intervenants évoqueront, chacun de leur côté, le mélange des genres proposé par le film, évoqueront l’importance de l’écologie, de la région du Doubs, et chacun ne tarira pas d’éloges concernant les deux autres, l’entente ayant visiblement été au beau fixe durant le tournage. Lucie Prost, qui de son propre aveu est une « autodidacte » n’ayant pas fait d’école de cinéma, reviendra également sur certains aspects techniques du film, et notamment sur sa volonté de tourner en 35MM. Mais ce n’est pas tout, puisque Blaq Out a également la bonne idée de nous proposer deux courts-métrages de Lucie Prost. Il s’agit d’une initiative que l’on apprécie tout particulièrement : même si souvent les courts sont bloqués pour de simples questions de droit, la découverte de ce que la réalisatrice avait fait avant son premier long-métrage enrichit de façon considérable l’expérience du long.
Le premier court-métrage, intitulé Les Rosiers grimpants (2016, 30 minutes), co-réalisé avec Julien Marsa, suit le retour d’une jeune femme dans le village où elle a grandi, où elle retrouve son premier amour, qui est sur le point de se marier. C’est concis, nostalgique, drôle et plutôt solidement interprété (avec Florence Janas, Côme Thieulin et une petite apparition de Vincent Dedienne). Le deuxième court-métrage s’appelle Va dans les bois (2021, 24 minutes), et s’avère un court récit de coming of age mettant en scène Maria, quinze ans, qui vit dans le Haut-Jura et s’occupe des chiens de traîneaux de son père, et qui voit son existence bouleversée par l’apparition de Vincent, qui va l’embarquer dans une histoire de trafic inattendu. Deux jolis petits films !