Test DVD : Des hommes

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 Des hommes

France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Alice Odiot, Jean-Robert Viallet
Scénario : Alice Odiot, Jean-Robert Viallet
Editeur : ESC Editions
Durée : 1h22
Genre : Documentaire
Date de sortie cinéma : 19 février 2020
Date de sortie DVD : 8 juillet 2020

25 jours en immersion dans la prison des Baumettes. 30 000 mètres carrés et 2 000 détenus dont la moitié n’a pas 30 ans.
Une prison qui raconte les destins brisés, les espoirs, la violence, la justice et les injustices de la vie. C’est une histoire avec ses cris et ses silences, un concentré d’humanité, leurs yeux dans les nôtres.

Le film

[3.5/5]

Nombreux sont les films de fiction dont l’action se déroule dans l’univers carcéral, que ce soit entièrement ou pour une très partie. Par contre, les documentaires en immersion dans une prison sont beaucoup plus rares. Non pas que les réalisateurs de documentaires ne soient pas intéressés par ce sujet, bien au contraire ! En réalité, la raison réside très banalement dans le fait qu’il est très difficile d’obtenir l’autorisation des administrations concernées. C’est ainsi que, pour Alice Odiot et Jean-Robert Viallet, tous deux journalistes et documentaristes, leur démarche pour aboutir à la réalisation de Des hommes s’est apparentée à un parcours du combattant : en 2012, le contrôleur général des lieux de privation de liberté qualifie « d’inhumaines » les conditions de détention de la prison des Baumettes à Marseille ; en 2013, les réalisateurs sollicitent l’administration pénitentiaire pour filmer cette prison, une prison emblématique (ne serait-ce que parce que c’est dans ce lieu que 3 des 4 dernières exécutions capitales en France ont eu lieu) mais également celle pour laquelle l’autorisation de filmer est sans doute la plus difficile à obtenir ;  en 2015, Alice et Jean-Robert sont autorisés à entrer pour 3 semaines dans la prison, sans caméra ni micro ; à la suite de ce qui, pour l’administration pénitentiaire, permettait de vérifier leur adaptation à ce lieu si particulier ainsi que la façon dont ils étaient perçus par les prisonniers, l’autorisation d’une immersion de 25 jours leur est accordée. Une autorisation pour laquelle une personne a été particulièrement importante : Christelle Rotach, la Directrice de la Prison des Baumettes, qui voyait dans le film à venir la possibilité de montrer aux juges ce dans quoi ils enfermaient les hommes et ce qu’elle avait à gérer après la sentence. Le tournage du film a commencé en 2016 et s’est prolongé jusqu’en 2018, par périodes de quelques jours. Une fois obtenue l’autorisation de filmer, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet ont joui d’une très grande liberté au point que, avant que ce film soit projeté en public pour la première fois, à Cannes 2019 dans le cadre de la sélection ACID, aucun membre de l’administration pénitentiaire n’avait exigé de le visionner.

Réalisatrice et réalisateur de documentaires pour la télévision, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet ont réalisé, avec Des hommes,  leur premier long métrage documentaire destiné aux salles de cinéma. Adeptes du cinéma en immersion, proches des démarches de Frederick Wiseman et de Nicolas Philibert, pas question pour Alice et Jean-Robert d’opérer une sorte de casting parmi tous les détenus « disponibles », pas question « préparer » les scènes avec les personnages, pas question de greffer un commentaire en voix off sur les images. Les seules voix off qu’on entend sont celles, parfois, de certains prisonniers. Il s’agit là d’un hommage au réalisateur néerlandais Johann van der Keuken qu’Alice et Jean-Robert considèrent comme l’un de leurs modèles. Alice Odiot explique que ce procédé « permet une double lecture des personnages : on entend comment le discours et la pensée se construisent et on lit le visage à l’image. Son et image ne sont pas enregistrés au même moment et ça permet d’avoir accès en même temps à l’intériorité et à l’extériorité du personnage ». Par ailleurs, leur caméra se montre la plus neutre possible par rapport au personnage filmé, aucun sentiment de domination ne devant être perçu, ni de la part du prisonnier qu’on voit et qu’on écoute, ni de la part du spectateur. Bien entendu, tous les personnages que l’on voit ont accepté d’être filmés.

A la vision de Des hommes, on peut formuler un souhait : celui que ce film soit vu par toutes celles et tous ceux qui prétendent que la vie en prison s’apparente à un séjour au Club Méd ! Au minimum, ils auraient une petite idée de ce qu’est la vie dans une sorte de jungle où, « si tu te laisses faire, tu es mort », où tous les détenus savent comment fabriquer un couteau, dans laquelle il arrive qu’on entre pour un vol de scooter et dans lequel on finit par tuer un codétenu au cours de la promenade. Une petite idée de ce que peut être la succession de journées dont 22 heures sur 24 se déroulent à 3 dans des cellules de 9 m2 aux murs décrépis, avec des toilettes sans porte. Une petite idée de ce déni de justice que peut être une audience de réduction éventuelle de peine organisée via Skype, le prisonnier n’ayant pratiquement aucun moyen de défendre sa cause. Certes, comme chez les clients du Club Med, nombreux sont ceux qui reviennent régulièrement faire un séjour plus ou moins long à la prison des Baumettes, les raisons de ces récidives étant très diverses, la plus importante étant la quasi impossibilité de trouver un travail à sa sortie de prison, la plus étonnante étant que, pour certains, leurs familles ne se préoccupent d’eux que lorsqu’ils sont en prison.

Pendant que se déroule le film, un regret devient de plus en plus important : l’absence d’un sous-titrage qui aurait permis de comprendre l’intégralité de ce qu’on entend mais qu’on est loin de saisir toujours parfaitement. Toutefois, un tel sous-titrage aurait été contraire à l’éthique du film dans la mesure où il aurait été interprété comme une infériorisation des prisonniers concernés.

Le DVD

[2.5/5]

En vérité, il n’y a pas grand chose à dire sur ce DVD. L’image est excellente, c’est un très bon point. Concernant le son, aucun choix n’est proposé : il n’est diffusé qu’en 5.1. Quant à un éventuel supplément, c’est la misère : il n’y en a pas ! On regrette vraiment l’absence d’un supplément bien documenté sur le système carcéral français, régulièrement montré du doigt par les instances internationales. L’interview d’un représentant ou d’une représente de la section française de l’Observatoire International des Prisons aurait été bienvenue !

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