Defamation
Israël : 2009
Titre original : Hashmatsa
Réalisateur : Yoav Shamir
Scénario : Yoav Shamir
Participants : Uri Avneri, Yaakov Bleich, Norman Finkelstein, Abraham Foxman
Éditeur : Les Mutins de Pangée
Durée : 1h45
Genre : Documentaire
Date de sortie cinéma : –
Date de sortie DVD : 19 janvier 2016
Le film
[4/5]
La traduction en français du terme anglais « Defamation » est tout simplement « Diffamation ». S’agissant de l’antisémitisme, thème du film du documentariste israélien Yoav Shamir, où donc va se cacher la diffamation ? Serait-ce cet ensemble de traits de personnalité dont sont affublés (par certains !) les juifs depuis des siècles, ne serait-ce que par la propre grand-mère du réalisateur, une vieille sioniste qui fustige les Juifs de la diaspora qui, dit-elle, excellent à gagner de l’argent sans travailler ? A l’opposé, ne serait-ce pas ce procédé malsain qui consiste à qualifier systématiquement d’antisémite toute personne qui se permet de critiquer Israël ? En fait, au départ, Yoav Shamir a souhaité partir à la recherche de cet antisémitisme dont il entendait sans arrêt parler dans son pays sans jamais le rencontrer. Les médias de mon pays ne cessent d’affirmer qu’un peu partout dans le monde, soixante dix ans après l’holocauste, les juifs continuent d’être haïs, eh bien, allons voir ce qu’il en est. Allons voir aux Etats-Unis, allons voir en Pologne. Aux Etats-Unis, Yoav Shamir est accueilli par Abraham Foxman, le principal dirigeant de l’ADL (Anti Defamation League), une puissante association juive dont le but officiel est de lutter contre l’antisémitisme et qui bénéficie d’un budget de 70 millions de dollars par an. Surprise de Yoav Shamir lorsqu’il apprend qu’on recense 1500 actes antisémites par an aux Etats-Unis. Nouvelle surprise lorsqu’il constate la portée très réduite de ces actes antisémites. Autorisé par « Abe » Foxman à poursuivre son enquête au sein de l’ADL, Yoav Shamir va aller de la rencontre de jeunes afro-américains suite à un jet de deux ou trois pierres par des gamins noirs de 10 / 12 ans contre un bus scolaire de la Yeshiva Loubavitch de Brooklyn, dans le quartier de Crown Heights, à celle d’adhérents de l’ADL et de Juifs russes et ukrainiens. Bilan de cette enquête : la quasi-totalité des 1500 actes antisémites recensés par l’ADL aux Etats-Unis se limitent à quelques insultes ou à quelques propos dénigrant les juifs. On est très loin des autres actes de racisme qu’on peut malheureusement recenser dans ce pays. Mais, comme le dit le rabbin Hecht, « Abe Foxman est obligé de créer un problème pour justifier son poste ». Un autre rabbin, orthodoxe et ukrainien, considérant lui que lorsque les Juifs ont une vraie pratique religieuse, ils n’ont pas besoin de combattre l’antisémitisme pour exprimer leur identité juive.
Et ce voyage en Pologne, de quoi s’agit-il ? Chaque année, Israël organise pour ses lycéens des voyages vers les camps de concentration et d’extermination de Pologne, de façon à entretenir chez eux le souvenir de la Shoah. Initiative tout à fait louable ! Sauf que Yoav Shamir, en ayant suivi un tel voyage, nous apprend qu’on est passé de 500 voyages par an à la fin des années 80 à 30 000 voyages aujourd’hui et que les lycéens, accompagnés par des membres des services secrets, sont l’objet d’une préparation mentale selon laquelle les polonais n’aiment pas les juifs et qu’il n’est pas souhaitable de leur adresser la parole. Pourquoi ? Ne serait ce pas une façon d’alimenter chez ces jeunes la haine de l’autre et d’en faire ainsi de futurs parfaits soldats israéliens ? N’y aurait-il pas de la part du gouvernement israélien une volonté délibérée de monter en épingle, chez ses habitants et dans d’autres pays, particulièrement aux Etats-Unis, une prétendue haine des juifs de la part de la planète entière afin de pouvoir continuer tranquillement sa politique consistant à refuser obstinément de respecter les résolutions de l’ONU et à continuer de coloniser la Palestine, ce qui, bien entendu, ne peut qu’alimenter l’antisémitisme ? C’est en tout cas ce qu’on ressent à la vision de la dernière partie du documentaire où l’on rencontre des personnalités, israélienne comme Uri Avnery, fondateur du mouvement pacifiste israélien Gush Shalom (Le Bloc de la paix) ou américaines comme le professeur Norman Finkelstein, auteur de « L’industrie de l’Holocauste » et les professeurs John J. Mearsheimer et Stephen W. Walt, auteurs de « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine ». C’est ce qu’exprime clairement David Hirsch, un professeur de sociologie, pourtant souvent considéré comme un « faucon », lors d’un congrès organisé en Israël pour combattre l’antisémitisme. Et comme le dit Norman Finkelstein : « la meilleure chose qui puisse arriver pour Israël serait de se débarrasser de ces juifs américains, ces bellicistes de Miami, ces bellicistes de Beverly Hills. C’est un désastre, une malédiction pour Israël ».
Bien entendu, on pourra regretter que Yoav Shamir ne soit pas allé dans les trop nombreux pays pays où existe encore et toujours un très fort antisémitisme, mais on aura également compris que cet antisémitisme, évidemment révoltant, ne peut qu’être nourri par la politique menée par Israël en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Lorsqu’on voit The Lab, (voir critique) le documentaire sur l’industrie israélienne de l’armement que sort simultanément Les Mutins de Pangée et qui montre de façon convaincante combien Israël a quasiment besoin d’être en état de guerre quasi permanente pour faire fonctionner cet élément très important de son économie, on constate avec tristesse que les palestiniens sont loin d’avoir un avenir radieux et que les Juifs de nombreux pays ont des soucis à se faire.
Le DVD
[4/5]
Le complément qu’offre le DVD de Defamation vient compléter ce que le film nous a appris. Il consiste en un entretien de 9 minutes avec Michèle Sibony, Vice-présidente de l’Union Juive Française pour la Paix. Pour elle, les israéliens, les jeunes en particulier, subissent un formatage idéologique terrible qui construit des survivants pour qui tout est permis. « Il faut arrêter de manipuler l’histoire au service d’une mauvaise cause, arrêter d’utiliser l’antisémitisme pour justifier ce que fait Israël et faire taire sur Israël », poursuit-elle, tout en concluant : « La vraie lutte contre l’antisémitisme, elle passe par la pratique d’un discours sur des valeurs communes, sur des choses qu’on peut partager avec les autres, au lieu d’être cette espèce d’exception fabriquée par l’histoire et la haine que semble vouloir promouvoir Abe Foxman ».
Edité en Dolby Digital 2.0, Defamation se voit en VO sous-titrée, avec la qualité d’image et de son qu’on attend d’un documentaire.
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