Test DVD : Careless crime

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Careless crime

Iran : 2020
Titre original : Jenayat-e bi deghat
Réalisation : Shahram Mokri
Scénario :  Shahram Mokri, Nasım Ahmadpour
Acteurs : Babak Karimi, Razie Mansori, Abolfazl Kahani
Éditeur : Damned
Durée : 2h10
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 3 novembre 2021
Date de sortie en DVD et en VOD : 1er mars 2022

Quatre individus se préparent à incendier un cinéma lors d’une projection d’un film particulièrement attendu : des militaires ont retrouvé un missile non explosé, symbole d’un passé révolu et d’un présent encore indécis. En 1978, l’incendie du Cinéma Rex à Abadan, en Iran, a fait 478 morts. Certains le considèrent comme l’élément déclencheur de la révolution iranienne.

Le film

[3.5/5]

Que peut-on attendre du 4ème long métrage de ce réalisateur iranien si particulier qui a nom Shahram Mokri, sachant que son film précédent, Invasion, n’était composé que d’un seul long plan-séquence labyrinthique entrainant les spectateurs quelque part entre réalité et conte fantastique ? Dans Careless crime, prix Bisato d’Oro du meilleur scénario original de la sélection Orizzonti du Festival de Venise 2020, les plans séquence sont certes longs, mais beaucoup plus nombreux. Par contre, il y a toujours ce désir manifeste de dérouter les spectateurs, ainsi, peut-être, que la censure de son pays. Il y a surtout, bien sûr, le désir de raconter à sa façon un épisode important de l’histoire iranienne qui l’a profondément marqué : le 19 août 1978, 6 mois avant la révolution islamique, le cinéma Rex d’Abadan a été incendié durant une projection du film The deer, de Masud Kimiai, un des plus grands succès du cinéma iranien avant cette révolution. Quatre hommes avaient aspergé d’essence une partie du cinéma, barré les portes et avaient mis le feu. Des incendies de cinémas tels que celui-ci, il y en a eu plusieurs à l’époque, des opposants au Shah entendant ainsi protester contre la trop grande importance prise par le culture occidentale dans leur pays. Toutefois, l’incendie du Rex est celui qui est resté dans la mémoire iranienne car il a fait 478 morts, dont 3 des incendiaires, et il est considéré comme étant un élément précurseur de la révolution islamique. Au point que, en Iran, il est fait mention de cet évènement le 19 août de chaque année, une répétition qui a dû marquer Shahram Mokri, le réalisateur de Careless Crime, lui qui, étant né le 17 août 1978, voyait chaque année son anniversaire précéder de 2 jours celui de l’incendie. Penser que cela l’a marqué au point de réaliser Careless crime, un film qui prend l’histoire de cet incendie volontaire de 1978 pour, semble-t-il, la déplacer à l’époque actuelle, il n’y a qu’un pas que l’on n’hésitera pas à franchir. Par ailleurs, il est beaucoup question de cinéphilie et de feu dans Careless crime, avec, en particulier, des références au réalisateur américain Harold M. Shaw, dont il est dit dans le film que chacun de ses films comprenait une scène liée au feu, qu’il est mort dans un incendie et qui, en 1912, réalisa un court métrage ayant pour titre … The Crime Of Carelessness.

La construction de Careless crime est donc très particulière, le réalisateur prenant manifestement un plaisir immense à égarer les spectateurs. Il serait vain d’essayer de raconter et, encore moins, d’expliquer tous les tours et détours qu’il utilise pour y parvenir. En essayant de faire au plus simple : dans Careless crime, 3 récits sont menés en parallèle, le film passant à chaque fois abruptement de l’un à l’autre. Le premier récit, c’est l’histoire de quatre « pieds nickelés » qui se préparent à mettre le feu à un cinéma qui va projeter un film ayant pour titre … « Careless crime ». Le deuxième récit, c’est celui que raconte ce film, une histoire de militaires tombant en panne dans un lieu quasi désertique mais proche toutefois d’une source appelée source aux balais, auprès de laquelle deux jeunes femmes se préparent à projeter un film, ces militaires se montrant par ailleurs fort contrariés par la chute d’un obus tombé dans le voisinage et qui n’a pas explosé. Le troisième récit nous entraine auprès du public qui attend la projection de « Careless crime » et d’une jeune femme qui veut se débarrasser d’un lot d’affiches avant d’aller, elle aussi, voir le film alors que sa mère a un rendez-vous avec un éventuel soupirant.

Le problème c’est que cette façon de parler de Careless crime donne l’impression qu’on a affaire à un film dont la réception est d’une évidente simplicité alors que la vérité est toute autre, avec des moments, par exemple, où l’histoire tourne en boucle, passant et repassant plusieurs fois le même dialogue dans une situation identique et, surtout, une notion de temporalité qui devient de plus en plus floue : c’est ainsi qu’au début, on pense que le premier récit est contemporain avec, en particulier, un des pyromanes qui cherche à s’approvisionner en drogue et qu’on dirige vers le musée du cinéma où la personne qu’il recherche s’avère être une immense marionnette, mais, plus le film avance, plus on se demande s’il ne s’agit pas du récit le plus fidèle possible de ce qui s’est passé le 19 août 1978. Avec Careless crime, Shahram Mokri montre une fois de plus que, tout réalisateur iranien qu’il est, il est beaucoup plus proche d’un David Lynch que de Asghar Farhadi.

Le DVD

[4/5]

C’est avec un son 5.1 qu’on peut profiter de Careless crime, avec la seule option de la langue persane sous-titrée en français. Dans ce film dans lequel on passe de prises de vue en intérieur à d’autres filmées en extérieur dans une ville ou en extérieur en zone rurale, le rendu des images photographiées par Alireza Barazandeh, un grand Directeur de la photographie iranien, ne souffre d’aucun défaut majeur.

Parmi les 3 bonus proposés dans le DVD, un seul présente un intérêt majeur. Il s’agit d’une interview du réalisateur réalisé en février 2021  lors du Festival du film du Luxembourg par Massoumeh Lahidji, une interprète iranienne qui travaille régulièrement dans un grand nombre de festivals et qui a collaboré avec de grands réalisateurs iraniens comme Abbas Kiarostami et Asghar Farhadi, en particulier lorsqu’ils ont réalisé des films en dehors de leur pays, avec des comédiens non iraniens. D’une durée de 20 minutes, cette interview permet au spectateur qui aura pu être dérouté par la vision du film de mieux cerner le pourquoi des choix effectués par le réalisateur. Pour lui, le film dans le film est un genre en soi du cinéma iranien et il n’est pas interdit de comprendre que la mise en abyme peut être un moyen habile de leurrer la censure. Avec ce film « Careless crime » dans son film Careless crime, avec la distorsion du temps, Massoumeh Lahidji affirme avoir désiré évoquer tout autant l’histoire du cinéma iranien depuis l’incendie du cinéma Rex que la réalité de son pays depuis la révolution islamique. Travaillant le scénario en binôme avec Nasım Ahmadpour, il se félicite, lui qui reconnait avoir tendance à compliquer les histoires qu’il raconte, d’avoir à composer avec une scénariste qui, elle, cherche à les simplifier. On apprend aussi qu’à la vision du film, nous qui ne comprenons pas le farsi sommes peut-être passés à côté d’une forme d’humour spécifique à cette langue. C’est ainsi que, assistant à une projection d’un de ses films lors d’un festival en Corée, il s’est aperçu que les spectateurs riaient lors de scènes qui n’étaient pas censées être drôles et restaient impassibles face à des scènes conçues pour faire rire. Les 2 autres bonus consistent en une scène coupée de 3 minutes  prolongeant le départ en voiture de la jeune femme aux affiches et de sa mère et une scène dite infinie, d’une durée de 5 minutes, une scène qui insiste sur les rapports entre les militaires et les deux jeunes femmes qui préparent la projection d’un film près de la source aux balais en passant et repassant plusieurs fois les mêmes dialogues dans des situations qui se répètent en boucle.

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