Boris Vian fait son cinéma
France : 2014 – 2022
Réalisation : Julien Paolini, Elsa Blayau, Chloé Larouchi, Anne-Laure Daffis, Léo Marchand, Clémence Madeleine-Perdrillat, Elie Girard, Pablo Larcuen, Albane Bisleau, Sarah El Karkouri, Valentine Graffinel, Rokiatou Konaté, Marie Schnakenbourg
Éditeur : Blaq Out
Durée : 2h15
Genre : Courts-métrages
Date de sortie DVD : 5 décembre 2023
À la fois écrivain, poète, parolier, chanteur, musicien, scénariste et acteur, Boris Vian est un artiste aux multiples talents. Bien qu’il ait toujours entretenu une relation passionnée avec le cinéma, il n’a jamais eu l’occasion de passer derrière la caméra. La collection de courts métrages Boris Vian fait son cinéma, tous inspirés ou adaptés de scénarios du célèbre écrivain, nous permet d’avoir un aperçu de son univers porté à l’écran, et de la carrière de cinéaste qu’il aurait pu avoir…
Les courts-métrages
[4/5]
Pour surfer sur le succès de L’Écume des jours, le film de Michel Gondry sorti en 2013, une série de courts-métrages adaptés de scénarios inédits de Boris Vian ont été coproduits par Nolita Cinema et Affreux, Sales et Méchants. En hommage au recueil dont sont tirés les différents textes de Boris Vian, cette collection fut intitulée « Rue des ravissantes », et les cinq courts-métrages furent diffusés entre 2014 et 2016 dans les cases « Libre court » (France 3) et « Histoires courtes » (France 2). Le DVD Boris Vian fait son cinéma reprend ces cinq courts-métrages, et ajoute à cette sélection un sixième petit film, tourné en 2022, et allant chercher son inspiration du côté du surréalisme absurde cher à Boris Vian.
L’Autostoppeur de Julien Paolini (2014, 19 minutes) met en scène un couple, composé d’Annelise Hesme et Bernie Bonvoisin : au début du film, on découvre qu’ils ont renversé un cycliste. Le personnage interprété par le leader du groupe Trust étant visiblement un repris de justice, ils décident de chercher à se débarrasser du corps, mais c’était sans compter sur l’arrivée d’un autostoppeur un peu sans-gêne (Hugo Becker), qui s’incruste à leurs côtés et dont les propos suggéreront rapidement qu’il a été témoin de l’accident. Le film, tourné en Scope sur de petites routes de campagne, puis dans une maison bourgeoise au milieu de nulle-part, s’amuse à faire grimper une tension sourde au fur et à mesure que le récit avance, et que le mystérieux autostoppeur dévoile peu à peu ses intentions. Malheureusement, le dénouement un peu trop précipité du film empêche ce petit Film Noir d’aller au bout de ses idées.
Dans Notre Faust d’Elsa Blayau et Chloé Larouchi (2014, 18 minutes), une jeune femme, Marina, interprétée par Lou de Laâge, passe un pacte avec une mystérieuse inconnue (Audrey Fleurot) afin de conquérir le cœur de Boris (Salomon Mpondo-Dicka). Si le sujet n’a rien de foncièrement original, le film est porté non seulement par une scène de danse très intense, mais également par la prestation de ses trois actrices principales : Audrey Fleurot est parfaite en « diablesse » jouant sur les faiblesses d’une Lou de Laâge absolument fébrile, et dans le rôle de la meilleure amie de l’héroïne, Alice Isaaz est également totalement convaincante. La dimension fantastique du récit est habilement mise en valeur par la voix off de Marina, qui apporte au récit une touche d’âme et de poésie supplémentaire.
Rue des ravissantes d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand (2015, 42 minutes) nous propose quant à lui de suivre deux journalistes de France 3 Régions ayant été envoyés faire un reportage sur la canicule dans une maison de retraite, alors qu’il ne fait que 15 degrés. A cette occasion, et alors qu’ils bidonnent gentiment leur sujet, les deux journalistes font la connaissance de Gaston Lampion, un vieux monsieur qui va leur faire découvrir la « rue des Ravissantes », un haut lieu de la prostitution dans le centre-ville. Le film est avant tout porté par la prestation du regretté Jacques Herlin (1927-2014), qui s’avère un vieux monsieur plein de malice, et provoquera à coup sûr chez le spectateur de nombreux éclats de rire. Un excellent moment !
Le Cow-boy de Normandie de Clémence Madeleine-Perdrillat et Elie Girard (2015, 17 minutes) se différencie des autres courts-métrages de la collection par son utilisation d’un format 1.33, qui lui donne d’entrée de jeu un aspect visuel assez singulier. Le film met en scène Laurent Papot dans la peau de Jim, un cow-boy à la française évoluant dans un univers contemporain, et devant se rendre à son mariage à 17h. Seulement voilà, il a perdu Silver, son cheval… L’essentiel du film se déroule dans un café, ou plutôt un saloon, tenu par Dominique Besnehard, et la tonalité douce-amère du petit film s’avère assez amusante. Acteur de théâtre, assez peu connu dans le monde du cinéma, Laurent Papot parvient à donner à son personnage de doux-rêveur une humanité très touchante, ce qui permet finalement à Clémence Madeleine-Perdrillat et Elie Girard de nous livrer le joli portrait d’un homme en décalage avec son temps.
De quoi j’me mêle de Pablo Larcuen (2016, 19 minutes) fait la part belle à une ambiance franchement absurde. Marcel (Bruno Ricci), passe un coup de fil à Juliette (Claude Perron), qui vient juste de le larguer. Comme il n’a pas de réseau, il monte sur le parapet du pont d’où il passe son appel. Un passant, Philippe (Jean-François Gallotte), le voit et, persuadé que ce dernier allait se suicider, lui propose une grosse somme d’argent pour passer la soirée avec lui dans son immense manoir. Ce postulat de départ non-sensique permettra à Pablo Larcuen de livrer au spectateur une petite comédie en forme de jeu de massacre qui s’avère assez savoureuse, portée par le talent de son trio d’acteurs principaux, trop souvent cantonnés à des seconds-rôles dans le cinéma français. La photo du film est très soignée, de même que le cadre en Scope, et le timing comique s’avère souvent très efficace.
Tourné quelques années après les courts-métrages de la collection « Rue des ravissantes », La Mécanique des tournesols d’Albane Bisleau, Sarah El Karkouri, Valentine Graffinel, Rokiatou Konaté et Marie Schnakenbourg (2022, 20 minutes) ne se base pas sur un texte de Boris Vian. Pour autant, le film s’inspire de l’univers de l’auteur, et a été conçu en partenariat avec La Cohérie Boris Vian, fondation gérant l’œuvre ainsi que le patrimoine familial et personnel de Boris Vian. On y suivra le parcours d’Ernest (Salif Cisse) qui, après avoir loupé son bus, se retrouvera dans l’étrange cabinet de psychanalyse du professeur Bison Ravi, dont il devra tenir les séances. L’enchainement des patients permettra aux cinq scénaristes / réalisateurs de nous livrer un film au rythme rapide, et d’offrir au spectateur des images aussi surréalistes que poétiques : une belle réussite, que l’on aurait voir déclinée sous la forme d’un long-métrage, à la façon délirante d’un film tel que Musée haut, Musée bas (Jean-Michel Ribes, 2008).
Le DVD
[4/5]
C’est donc Blaq Out qui nous offre le plaisir de découvrir cette sélection de courts-métrages dans un DVD intitulé Boris Vian fait son cinéma. Les 6 courts-métrages représentent environ deux heures trente de programme, et malgré la durée, la compression ne se fait pas sentir, et le rendu visuel est optimal. L’éditeur a en effet soigné sa copie, et nous offre de beaux masters, avec une image stable et bien définie, et des couleurs très agréables ; les séquences les plus chatoyantes ou lumineuses affichent une belle pêche, la définition et le piqué sont d’une belle précision… Seules les séquences en basse lumière accusent un poil trop le poids d’un encodage en MPEG-2, forcément un poil limité (notamment sur la fin du court-métrage De quoi j’me mêle). Côté enceintes, tous les films sont proposés, au choix, dans des mixages Dolby Digital 5.1 et Dolby Digital 2.0. Que vous fassiez le choix de la spatialisation ou de la stéréo, le rendu acoustique est dynamique, plutôt immersif, et toujours parfaitement sympathique. Du beau boulot, techniquement impeccable ; il faut dire aussi que l’éditeur, rompu à l’encodage en définition standard depuis de nombreuses années, nous livre ce qui se fait de mieux en la matière. Pas de bonus.