Paris, 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois personnages…
Le film
[3,5/5]
Alors qu’on vient tout juste de célébrer le 77ème anniversaire de la capitulation de l’Allemagne mettant fin à la 2ème guerre mondiale, cette guerre continue de fournir des sujets aux écrivains, aux dramaturges et aux réalisateurs de cinéma. C’est ainsi que Adieu Monsieur Haffmann a d’abord été une pièce de théâtre, écrite par Jean-Philippe Daguerre, et qui s’est vue attribuer 4 Molières, dont celui du théâtre privé, lors de la cérémonie du 28 mai 2018. Jusqu’alors réalisateur de thrillers et de comédies, Fred Cavayé s’en est emparé pour en faire un film au titre identique, un film dans lequel il montre une très bonne aptitude pour le drame historique, genre nouveau pour lui. Adieu Monsieur Haffmann, c’est ce que disent François et Blanche Mercier à Joseph Haffmann, l’employeur de François, lorsque ce dernier quitte sa boutique pour se diriger vers la gare afin de prendre le train pour aller rejoindre sa famille, déjà partie depuis un moment vers la zone libre. Nous sommes en mai 1941 et inquiet de la tournure que prennent les évènements en ce qui concerne la communauté juive française, le joailler Joseph Haffmann a échafaudé un plan qu’il imagine gagnant-gagnant : quitter la capitale en passe de devenir très dangereuse pour lui qui est juif, après avoir « vendu » son fond de commerce à François Mercier, son employé, un homme qui n’a pas été mobilisé du fait de son pied bot, une vente qui consiste en fait à lui transmettre officiellement la propriété de la joaillerie sans demander d’argent en retour. Bien entendu, il y a la promesse de la part de cet employé qu’il restituera le bien à la fin de la guerre tout en étant gratifié d’une somme lui permettant d’ouvrir alors sa propre joaillerie. Sauf que l’Adieu se transforme en un retour précipité de Joseph Haffmann qui n’a pas pu atteindre la gare du fait de trop nombreux contrôles opérés sur son chemin et le joailler va devoir se cacher dans le sous-sol du magasin avec l’espoir, tout au moins au début, qu’il pourra un jour atteindre le train le conduisant en zone libre.
Une situation de départ d’autant plus intéressante pour une pièce de théâtre ou un film que le couple Mercier s’avère infructueux dans ses tentatives pour devenir parents avec un très fort soupçon que François soit stérile, alors que, de toute évidence, Joseph Haffmann ne l’est pas. Là aussi, un arrangement semble possible quand bien même Joseph et Blanche n’y sont pas favorables ! Face à ce trio de personnages en situation de huis clos, Fred Cavayé réussit habilement à ne pas tomber dans une réalisation de type théâtre filmé en s’autorisant des échappées vers l’extérieur, aidé par le fait que François sympathise avec le commandant Jünger, un officier allemand devenu un client régulier et qui l’invite à sortir avec sa « bande » dans des cabarets. Cette proximité avec l’occupant ne manque pas de transformer François Mercier et le gentil et serviable employé va se transformer en véritable salaud.
Pour diverses raisons, dont celle de vouloir davantage procéder au portrait d’un collaborateur pendant la guerre que ce que montrait la pièce et l’arrêt provisoire du tournage du fait du confinement, Fred Cavayé a procédé à un certain nombre de modifications, certaines de l’ordre du détail, d’autres plus fondamentales, par rapport à la pièce de Jean-Philippe Daguerre, ce que la vieille amitié qui lie les 2 hommes a rendu possible sans le moindre problème. On se demande toutefois pour quelle raison la période durant laquelle se déroule l’action a été modifiée par rapport à la pièce, passant des jours qui ont suivi la rafle du Vel’ d’Hiv’, 16 et 17 juillet 1942, au début juin 1941. Peut-être pour permettre à Joseph Hoffmann d’essayer de gagner la gare et de prendre un train qui le sauverait, alors que dans la pièce il n’y a pas cette tentative, inimaginable en juillet 1942. Concernant la distribution, Fred Cavayé ne s’est pas trompé : Daniel Auteuil est absolument remarquable dans le rôle de Monsieur Haffmann, un homme d’une grande force face à l’adversité. Gilles Lellouche est tout aussi excellent en homme qui se métamorphose, passant du handicapé humble et sympathique au salaud prêt à tout pour s’enrichir. La petite voix de Sara Giraudeau est trompeuse et la comédienne n’a aucun problème pour montrer toutes les ressources du personnage de Blanche Mercier. Dans un plus petit rôle, celui du commandant Jünger, on retrouve Nikolai Kinski, fils de Klaus et demi-frère de Nastassja. Et dans un rôle encore plus petit, celui de Hannah Hoffmann, la femme de Joseph, c’est toujours avec plaisir qu’on reconnaît la toujours excellente Anne Coesens.
Le DVD
[4/5]
Une fois de plus, il n’y a pas grand chose à dire sur l’objet DVD. Il est présenté dans un boitier classique, il propose le son en Dolby 2.0 et en Dolby 5.1, avec la possibilité d’ajouter le traditionnel sous-titrage pour sourds de malentendants. Il est également possible de regarder le film commenté par le réalisateur en personne. A ne faire que lorsqu’on l’a déjà regardé sans ce commentaire, nous précise à juste titre Fred Cavayé. L’image est de bonne qualité même dans les nombreuses scènes, forcément sombres, qui se déroulent dans le sous-sol de la joaillerie. Le film est disponible en Blu-ray et en VOD à la même date que le DVD.
Si on considère que la version commentée par le réalisateur fait partie des suppléments, ce qui parait normal mais n’est pas proposée comme tel sur le DVD, on est plutôt riche en la matière. Sinon, on trouve un making-of particulièrement court (un peu plus d’une minute) et une scène coupée d’une durée légèrement inférieure à 2 minutes.