Wander
États-Unis : 2020
Titre original : –
Réalisation : April Mullen
Scénario : Tim Doiron
Acteurs : Aaron Eckhart, Tommy Lee Jones, Katheryn Winnick
Éditeur : Universal Pictures France
Genre : Thriller
Durée : 1h33
Date de sortie DVD/BR : 4 août 2021
Arthur Bretnik, un détective privé au caractère instable, est embauché pour enquêter dans la ville de Wander sur une mort suspecte. Il va rapidement être convaincu que cette affaire est liée à la mort de sa fille. De plus en plus paranoïaque, la santé mentale d’Arthur est mise à l’épreuve lorsqu’il tente de clarifier les faits de la fiction et de résoudre l’affaire, tout en se demandant s’il est un pion dans un jeu beaucoup plus dangereux…
Le film
[3,5/5]
Wander présente une caractéristique assez notable : celle de proposer au centre de son récit deux « anti-héros » absolus, incarnés par Aaron Eckhart et Tommy Lee Jones. Crasseux et déjantés, Arthur et Jimmy donnent l’impression de sortir d’une comédie tant ils pourront évoquer un duo d’abrutis à la Bill et Ted ou à la Beavis et Butthead. Adeptes des théories du complot et/ou de la conspiration, ils s’imposent comme deux des représentants les plus ravagés de la contre-culture la plus obscure de l’Amérique contemporaine. Wander suivra d’ailleurs plus précisément le personnage d’Arthur (Aaron Eckhart), détective privé, dans son enquête sur la mort d’une jeune femme. Le problème, c’est qu’Arthur est clairement le plus atteint du duo : ancien pensionnaire d’un hôpital psychiatrique, il s’avère complètement paranoïaque, au point de « scanner » avec divers appareils électroniques tous les endroits où il se rend et toutes les personnes qu’il croise, afin d’être sûr de ne pas être sur écoute, espionné, surveillé.
Les questions sans réponse autour de la crise sanitaire du Covid-19 ont contribué, dans le monde entier, à remettre en avant la parole de ceux que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de « complotistes ». Omniprésente dans les médias et sur les réseaux sociaux, la parole de ces complotistes se retrouve donc au premier plan dans Wander. On comprend tout à fait où le scénariste Tim Doiron a été chercher son inspiration. Pour autant, le fait de placer au cœur du récit un conspirationniste convaincu pose plusieurs problèmes d’ordre purement idéologique. Les films et séries TV mettant en scène ce genre de personnages sont nombreux. La plupart du temps, ceux-ci se retrouvent d’ailleurs impliqués dans des intrigues complètement rocambolesques, qui tendent à prouver qu’ils avaient raison, et que leur paranoïa était justifiée. Une façon de présenter les conspirationnistes comme de sympathiques illuminés en somme, détenteurs de la vérité sur les choses qu’on nous cache. Sans vous [Spoiler] le plaisir, il va sans dire que c’est également le cas pour Wander : malgré son comportement erratique, Arthur révélera bel et bien un véritable complot.
L’idée du scénariste Tim Doiron n’était sans doute pas, à la base, de célébrer la parole des complotistes ; cependant, le problème, c’est qu’il le fait, en sous-entendant qu’ils sont bel et bien les détenteurs de la vérité. Pour autant, on pourra toujours arguer que Wander ne cache pas au spectateur qu’Arthur est clairement déséquilibré – cet état de fait est souvent souligné par la mise en scène d’April Mullen, qui use et abuse de cadrages « obliques » et d’effets de style afin de souligner la folie de son personnage principal. C’est d’ailleurs amusant de voir Aaron Eckhart et Tommy Lee Jones se partager l’affiche avec deux rôles de déséquilibrés : ils ont en effet en commun d’avoir tous les deux incarné à l’écran un autre grand déséquilibré : Harvey Dent, alias Double-Face, dans la saga Batman.
Le postulat de départ de Wander est donc intéressant : nous proposer une enquête policière menée par un fou, qui peine à faire la distinction entre ses fantasmes et la réalité, tout en insufflant au récit l’agressivité actuelle des thèses conspirationnistes les plus sombres. Actrice devenue réalisatrice, April Mullen joue avec l’image, la triture volontiers, s’amuse des focales, des filtres, des cadres, nous livrant une expérience visuelle probablement pensée pour retranscrire le monde tel qu’il est vu par Arthur, alias Aaron Eckhart (les cuisses).
La principale qualité de Wander est celle-ci : de nous plonger dans le monde d’Arthur, tel qu’il le voit. Le film nous balade dans sa tête, comme en proie à une intense maladie mentale. Ce dernier vit par ailleurs littéralement au milieu de nulle part (un enclos portant la mention « Middle of Nowhere » délimite son terrain), dans une caravane remplie de gadgets électroniques et de scanners, l’avertissant qu’il est « surveillé » par des caméras ou des téléphones. Habile, le scénario transforme l’enquête d’Arthur en une véritable odyssée aux confins de la folie. La structure narrative est familière, ne déviant jamais de la stricte enquête policière, mais s’avère malmenée par la désorientation du personnage principal.
La photo et les prises de vue de Wander alternent ainsi en fonction de la présence ou non d’Arthur dans le champ : on passe ainsi de l’élégance (plans aériens, cadrages précis) dans les plans « objectifs » à une certaine agressivité et caméra à l’épaule quand nous rentrons dans l’univers d’Arthur. Cette inventivité formelle est à mettre au crédit d’April Mullen, qui parvient à compenser par l’énergie le manque de mystère du film en tant que « puzzle » policier. Intéressant !
Le Blu-ray
[4/5]
Inédit dans les salles françaises, Wander arrive aujourd’hui en Blu-ray sous les couleurs d’Universal Pictures, et techniquement, l’éditeur s’est fendu d’un bien beau travail : définition exemplaire, piqué précis, couleurs éclatantes, noirs d’une belle densité… Le rendu est impeccable, homogène, en tous points parfait. Côté audio, la VO est mixée en DTS-HD Master Audio 5.1 et propose une spatialisation essentiellement basée sur les voix, avec de légères touches d’ambiance, à la finesse néanmoins remarquable. Le tout explose littéralement à nos oreilles durant quelques scènes plus spectaculaires (acoustiquement parlant), bluffantes et puissamment immersives. Un peu moins puissante en termes d’intensité pure, la VF encodée en DTS 5.1 fait tout de même le taf plus que correctement – on lui préférera cela dit la version originale pour de simples raisons artistiques. Pas de suppléments.