Une pluie sans fin
Chine : 2017
Titre original : Bao xue jiang zhi
Réalisation : Dong Yue
Scénario : Dong Yue
Acteurs : Duan Yihong, Jiang Yiyan, Du Yuan
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h59
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie cinéma : 25 juillet 2018
Date de sortie DVD/BR : 28 novembre 2018
1997. À quelques mois de la rétrocession de Hong-Kong, la Chine va vivre de grands changements. Yu Guowei, le chef de la sécurité d’une vieille usine, dans le Sud du pays, enquête sur une série de meurtres commis sur des jeunes femmes. Alors que la police piétine, cette enquête va très vite devenir une véritable obsession pour Yu… puis sa raison de vivre.
Le film
[4/5]
Mise sur le devant de la scène internationale au début des années 2000 avec une série de gros succès populaires appartenant pour la plupart au cinéma de genre, la « nouvelle vague Coréenne » a vu l’émergence de cinéastes majeurs, et a littéralement révolutionné le petit monde du polar international. En effet, on était jusqu’ici convaincus que de tous les cinémas du monde, il n’y avait que la Corée du Sud pour nous livrer avec une telle régularité des polars aussi originaux et radicaux, dont la brutalité n’a d’égale que la folie furieuse. En effet, jusqu’ici, seul le pays du Matin calme parvenait à nous asséner tous les deux, trois ans d’un thriller « coup de poing » d’une singularité et d’une classe qui imposent immédiatement le respect.
Monumentale erreur ! Il faudra désormais également compter avec la Chine. En effet, quelques années après le très intéressant Black coal (Yi’nan Diao, 2014), l’Empire du Milieu revient sur le devant de la scène, grâce à l’acharnement d’un cinéaste nommé Dong Yue, qui nous livre aujourd’hui un polar sec et distancié dans la plus pure tradition du polar Coréen : Une pluie sans fin.
Indéniablement, Dong Yue se nourrit des influences en provenance de Corée, au point que l’on puisse même se dire qu’à ce niveau, il puisse s’agir non plus de cinéma sous influence, mais carrément de cinéma sous « perfusion », nourri par une vingtaine d’années de thrillers en provenance du pays du Matin calme. L’autre influence majeure du cinéaste pour Une pluie sans fin est littéralement immanquable, surtout durant le moment de bravoure que constitue la course-poursuite dans l’usine : il s’agit bien sûr de Se7en de David Fincher.
Bien sûr, afin de se trouver une identité propre, Dong Yue choisit de situer l’action de son récit à l’hiver 1996/1997, juste avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine, période d’incertitude, de grands changements et même de peur pour l’avenir pour les chinois. Une pluie sans fin s’impose donc comme une œuvre noire, nihiliste, profondément désespérée, en plus d’être franchement impressionnante d’un strict point de vue visuel – même si bien sûr la photographie, le cadre et les décors du film en rappellent quasi-automatiquement d’autres. Néanmoins, tous ces efforts afin de situer l’œuvre géographiquement autant que politiquement ne suffiront pas tout à fait à l’affranchir de l’ombre de ses modèles. Ainsi, Dong Yue ne parvient pas pour le moment à s’imposer comme un véritable « créateur de formes » cinématographiques à la manière de certains de ses illustres prédécesseurs, tels que Park Chan-wook (Sympathy for Mister Vengeance), Kim Jee-woon (J’ai rencontré le diable) ou encore Bong Joon-ho (Memories of murder). Néanmoins, il se place d’entrée de jeu comme un excellent « recycleur » de ces formes nouvelles, prouvant qu’il les a parfaitement assimilées et s’imposant de fait comme un cinéaste à suivre de près.
Le Blu-ray
[4,5/5]
C’est donc Wild Side Vidéo qui nous propose aujourd’hui de découvrir Une pluie sans fin, véritable petite pépite du polar chinois, sur support Blu-ray. Comme à son habitude, l’éditeur nous propose un master assez sublime : piqué, contrastes, couleurs, profondeur de champ… Le niveau de détail est élevé, rendant hommage à la sublime reconstitution du film ; les couleurs sont fidèles à la volonté de proposer une œuvre désaturée, et la gestion des noirs ne faiblit jamais : tout est parfait, c’est du beau travail. Niveau son, l’éditeur se révèle également fidèle à ses habitudes, en nous offrant deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1, à la fois sur la version originale et sur la version française, mais il faut admettre que le film, iconoclaste en diable, ne pourra s’apprécier totalement qu’en VO, d’autant que le mixage est d’un dynamisme échevelé et immersif, sollicitant autant les canaux arrière que le caisson de basse, le tout étant renforcé par des effets multicanaux parfois étonnants.
Dans la section bonus, on trouvera en tout et pour tout une heure de suppléments. On commencera tout d’abord avec un long entretien inédit avec Dong Yue, probablement enregistré lors de la présentation du film au Festival International du Film Policier de Beaune en avril 2018. Il y revient entre autres sur la genèse du projet et le tournage du film. On poursuivra ensuite avec trois featurettes promotionnelles, probablement produites en Chine à destination de l’International. Ces dernières s’avèrent étonnamment complètes, revenant sur la genèse du projet en donnant la parole à énormément de membres de l’équipe (producteur, acteurs, réalisateur, monteuse, etc) et en proposant beaucoup d’images prises sur le vif au moment des repérages puis du tournage. Elles reviendront tout particulièrement sur la naissance d’un film (12 minutes), l’acteur principal Duan Yihong (10 minutes) et sur le réalisateur Dong Yue (10 minutes). Le tout est bien sûr proposé en Haute Définition et VOST : c’est parfait !