Une histoire d’amour
France : 1951
Titre original : –
Réalisation : Guy Lefranc
Scénario : Michel Audiard
Acteurs : Louis Jouvet, Dany Robin, Daniel Gélin
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h35
Genre : Policier, Drame
Date de sortie cinéma : 14 novembre 1951
Date de sortie DVD/BR : 26 mai 2021
L’inspecteur Plonche enquête sur le suicide de deux jeunes gens, Catherine Mareuil et Jean Bompart. Le père de Jean, Auguste, sculpteur raté et alcoolique, lui explique que son fils était sur le point d’épouser Catherine, fille de riches industriels. Ces derniers, grands bourgeois, ont tout fait pour empêcher cette union…
Le film
[3,5/5]
S’il s’avère malheureusement un peu oublié des cinéphiles, Une histoire d’amour a tout de même une importance historique certaine : il s’agit du dernier film de Louis Jouvet, qui décéderait quelques mois avant la sortie du film de Guy Lefranc dans les salles françaises. Il mérite par ailleurs doublement notre attention, parce qu’il s’agit d’un scénario écrit et dialogué par Michel Audiard, et que ses dialogues déjà pleins de malice étaient particulièrement bien servis par Louis Jouvet.
Taillés sur mesure pour l’acteur, les dialogues d’Une histoire d’amour sont en effet absolument remarquables, multipliant tout à la fois les saillies typiques d’Audiard (administration, femmes, nature humaine) et les lignes tout spécialement écrites pour s’adapter au jeu de Louis Jouvet, sur le modèle de celles qui ont fait sa gloire, notamment dans Drôle de drame et dans Knock. Le fait qu’il incarne un policier flegmatique n’est également pas sans rappeler Quai des orfèvres.
S’ouvrant sur la découverte des corps sans vie de deux jeunes gens sur la plage dont le film va s’efforcer de reconstituer les derniers instants, Une histoire d’amour joue ouvertement la carte du mélodrame, de la tragédie de l’amour impossible. La découverte progressive de la famille des deux jeunes mettra en évidence le fait que leur relation était perçue d’un très mauvais œil – leur destin tragique appellera forcément le spectateur à imaginer que Guy Lefranc et Michel Audiard nous livrent ici une relecture moderne de « Roméo et Juliette ».
Ce n’est cependant pas la haine séculaire que se vouent leurs deux familles qui empêchait Catherine Mareuil (Dany Robin) et Jean Bompart (Daniel Gélin) de vivre leur amour au grand jour. En ce début des années 50, Michel Audiard déplace les pressions autour de cet amour impossible en l’élargissant au regard méprisant de la société en général, la cause de leurs tourments étant en réalité leur différence de classe sociale. Ainsi, si tous les personnages du film se défendent d’avoir voulu interférer dans la romance de Catherine et Jean, et de n’avoir jamais empêché leur union de la façon définitive qui eut été l’usage durant les siècles précédents, la pression est bel et bien là, plus insidieuse, mais tout aussi radicale.
Habile, Michel Audiard amène le spectateur à ce constat par petites touches, aiguisant sa critique sociale au fur et à mesure que le personnage de Louis Jouvet déroule ses entretiens avec les proches du couple. La dimension « policière » du film est intéressante, dans le sens où elle permet au spectateur de mieux envisager les mensonges et autres coups de pression utilisés par le personnage central afin de mettre à jour la vérité. Et la vérité d’Une histoire d’amour s’avère d’une féroce acuité, fidèle au cynisme qui deviendrait, plus tard, la marque de fabrique de Michel Audiard.
Porté par une interprétation solide et des seconds-rôles au poil (Georges Chamarat, Marcel Herrand), Une histoire d’amour est porté par ses dialogues brillants, qui condamnent avec panache l’hypocrisie de la bourgeoisie française de l’époque, qui étouffe littéralement sa jeunesse. Une belle découverte.
Le Blu-ray
[4/5]
Le Blu-ray d’Une histoire d’amour édité par Gaumont est disponible depuis le 26 juin dans la collection Blu-ray Découverte (parfois également appelée Gaumont Découverte en Blu-ray). Et côté Haute-Définition, la galette est difficile à prendre en défaut : l’image conserve sa fine granulation 35MM d’origine, et propose une définition et un piqué d’une belle précision, alliés à des contrastes solides. Le format est évidemment respecté, et le master s’avère de très bonne tenue, le tout ne faiblissant qu’en de très rares occasions, certains plans étant probablement un poil plus abimés que d’autres. Côté son, le film est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0, avec une retranscription acoustique des dialogues tout à fait nette et claire.
Du côté des suppléments, Gaumont nous a concocté une présentation du film par Jean Montarnal (26 minutes). Ce dernier replacera le film dans son contexte historique, tout en le replaçant habilement dans les carrières de Louis Jouvet et Michel Audiard. Il reviendra ensuite sur le scénario, la relation entre Audiard et Jouvet, mais également sur les personnages, la construction du récit en flash-backs et la réalisation de Guy Lefranc.