Une hache pour la lune de miel
Italie, Espagne : 1970
Titre original : Il rosso segno della follia
Réalisation : Mario Bava
Scénario : Santiago Moncada
Acteurs : Stephen Forsyth, Dagmar Lassander, Laura Betti
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h28
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 19 juin 1974
Date de sortie DVD/BR : 9 avril 2019
« Mon nom est John, j’ai 35 ans… Je suis vraiment mauvais. J’ai tué 5 belles jeunes femmes et personne ne me suspecte d’être un dangereux meurtrier » annonce nonchalamment le jeune, beau et riche John Harrington. En reprenant une maison de couture au bord de la faillite laissée par sa mère, John est à nouveau hanté par son pire cauchemar. Suite à un traumatisme lié à son enfance dont il n’a plus du tout le souvenir, il est désormais incapable de contrôler les pulsions qui le poussent à vouloir tuer des jeunes femmes vêtues de robes de mariée…
Le film
[4/5]
On l’a déjà évoqué à l’occasion de notre test Blu-ray de La baie sanglante (lire notre article) : si Mario Bava peut – et doit – être considéré comme un des pères fondateurs du giallo, l’explosion populaire du genre semble l’avoir laissé de marbre, à tel point qu’avec ses films du début des années 70, il semblait plutôt volontiers s’amuser à prendre le contre-pied du genre, à en contourner les codes afin de ne point se laisser influencer par la « mode » du moment et, surtout, de surprendre le public. Ainsi, si le giallo était le plus souvent conçu sur le modèle du whodunit, avec un tueur dont l’identité ne serait révélée qu’à la toute fin de l’intrigue, Une hache pour la lune de miel s’ouvre au contraire sur un double meurtre perpétré par le héros du film (Stephen Forsyth), et Bava ne fera pas le moindre mystère sur le fait qu’il soit effectivement coupable, puisque ce dernier confessera ses crimes ainsi que d’autres dès la séquence suivante… L’ambiguïté n’est de fait absolument pas permise, le personnage évoquant avec un grande lucidité ses difficultés à refréner ses pulsions meurtrières, qui semblent intrinsèquement liées à un vêtement bien particulier : la robe de mariée. Et si on considère que le tueur tient une « maison de couture » spécialisée dans les robes de mariées, sa psychose ne semble pas là de s’arranger.
Et en effet, durant les 80 minutes qui suivront, le pauvre hère luttera bien contre sa folie homicide, mais n’y parviendra pas. Sorti en 1970, le film de Mario Bava précède de dix ans le Maniac de William Lustig, et de seize ans le Henry, portrait d’un tueur en série de John McNaughton. Pourtant, si l’idée de base semble bien la même – quitter le temps d’un film le point de vue des victimes pour se plonger dans la psyché dérangée d’un tueur – Bava s’écartera également à mi-chemin de l’évocation froide et clinique des affres psychologiques du tueur, pour se plonger dans une ambiance versant clairement dans le fantastique pur. Une hache pour la lune de miel jouera cependant plutôt la carte d’un fantastique teinté de psychanalyse – très présente dans le giallo en général – pour tenter d’éclaircir les raisons qui poussent ce prédateur à passer à l’acte. Des raisons enfouies dans son passé et que le héros, adepte de l’auto-analyse, tente de percer à jour…
Par conséquent, l’enquête policière passera forcément au second plan – elle n’a finalement que peu d’intérêt puisque le spectateur connaît déjà le coupable. La psychose du héros prendra d’ailleurs également le pas sur tout autre débordement formel ou graphique : pas la moindre séquence « gore » ou le plus petit excès sanglant à l’horizon, Bava se laisse aller à des plans certes souvent expérimentaux, mais plutôt censés illustrer le trouble et la confusion des souvenirs du héros que le bain de sang. Et une fois que le spectateur en saura suffisamment pour relier grosso modo les points concernant le trauma originel, le cinéaste se laissera finalement aller au fantastique, avec le retour de l’être aimé, enfin si l’on peut dire, puisque le personnage incarné par Stephen Forsyth semble étranger à la notion même de sentiment. Mais la revenante est-elle réellement sa femme Mildred, où s’agit-il d’une autre figure venue du passé ? Hé bien vous trouverez la réponse dans Une hache pour la lune de miel, on va pas vous mâcher le travail non plus…
Deux petites anecdotes avant de terminer cela dit :
Une hache pour la lune de miel se déroule en France, à Paris pour être précis. Mais les mentions écrites apparaissant à l’écran auront de quoi vous faire sourire :
En Italie, Une hache pour la lune de miel (1970) est sorti un an et demi avant La baie sanglante (1971). En France, il ne sortirait en revanche qu’en 1974 (source : Encyclo-Ciné), soit deux ans après La baie sanglante. Plus étonnant encore, le film serait distribué sous le titre La baie sanglante 2… Une approximation qui serait également reprise lors de la sortie du film en VHS.
Le Blu-ray
[4,5/5]
C’est ESC Éditions qui nous permet aujourd’hui de revoir Une hache pour la lune de miel en Haute-Définition. Côté Blu-ray, le master n’est certes pas exempt de défauts : il affiche des tâches, des poussières et autres défauts liés au temps, et s’avère assez granuleux dans son genre. Cependant, l’upgrade par rapport au DVD de 2002 est tout à fait réel et plutôt impressionnant : le rendu global, en plus d’afficher une définition sans faille, des couleurs naturelles et des contrastes solides, est d’une stabilité exemplaire. L’ensemble est donc parfaitement convaincant. Côté son, nous aurons droit à trois mixages en DTS-HD Master Audio 2.0 (version italienne, version anglaise et version française), l’immersion sonore se fait sans problème. Pour les amateurs, on notera que la VF comporte quelques défauts (stabilité vacillante, voix étouffées) et qu’elle est de plus mixée à un niveau très bas, qui vous forcera immanquablement à augmenter le volume de votre ampli. Du beau boulot général donc !
Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose, en plus d’un livret de 16 pages signé par l’infatigable Marc Toullec, on trouvera un passionnant entretien avec Jean-François Rauger (25 minutes), au cœur duquel le directeur de la programmation de la Cinémathèque française reviendra sur le contexte de production, la genèse, le casting et le tournage du film, avec de très nombreuses anecdotes très intéressantes, notamment sur les relations entre les actrices. On terminera enfin avec un entretien avec Jean-Pierre Bouyxou (8 minutes), critique, historien du cinéma et acteur à ses heures, notamment pour son ami Jean Rollin. Il reviendra avec sa passion habituelle sur le film de Mario Bava, son intervention évitant globalement les redondances avec ce qui a été dit par J.F Rauger. Du beau travail éditorial !
Au lendemain des fêtes de Noël, on notera que le Blu-ray de Une hache pour la lune de miel édité par ESC Éditions est disponible au cœur d’un coffret dédié à Mario Bava, contenant également Le corps et le fouet et La baie sanglante.