Une anglaise romantique
France, Royaume-Uni : 1975
Titre original : The romantic englishwoman
Réalisation : Joseph Losey
Scénario : Tom Stoppard, Thomas Wiseman
Acteurs : Glenda Jackson, Michael Caine, Helmut Berger
Éditeur : BQHL Éditions
Durée : 1h51
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 11 juin 1975
Date de sortie DVD/BR : 24 février 2021
Épouse de Lewis Fielding, un romancier à succès, Elizabeth Fielding s’accorde un séjour thermal à Baden-Baden. Si elle y fait la connaissance de Thomas Hursa, gigolo et convoyeur de drogue qui se prétend poète, elle ne s’attend pas à ce qu’il réapparaisse à son retour en Angleterre. Quelle n’est également pas sa surprise de voir son mari l’accueillir à leur domicile et même l’engager en tant qu’assistant. À la fois soupçonneux et manipulateur, Lewis Fielding observe sa femme se jeter dans les bras de son nouvel « ami », curieux de l’issue de cette relation…
Le film
[4/5]
Cinéaste américain exilé au Royaume-Uni après avoir été mis sur la « liste noire » à Hollywood, Joseph Losey est aujourd’hui surtout connu pour ses collaborations successives avec Harold Pinter, qui écrivit pour lui les scénarios de The Servant (1963), Accident (1967) et Le Messager (1971), trois films incontournables explorant, entre autres, les relations hommes / femmes, la psychologie sexuelle ou encore l’infidélité. Avec Une anglaise romantique en 1975, Losey revient à l’observation de la haute bourgeoisie : son ennui, son désœuvrement, le statut de la femme au lendemain de la révolution sexuelle…
L’influence de la rêverie et des fantasmes sur la réalité est également largement évoquée au cœur d’Une anglaise romantique, non sans un certain humour d’ailleurs. Visiblement impressionné par le cinéma d’Alain Resnais (et en particulier par L’année dernière à Marienbad), le réalisateur américain se jouera des clichés et des attentes du spectateur, notamment en ce qui concerne la tension sexuelle présente à l’écran entre les personnages incarnés par Glenda Jackson (Elizabeth) et Helmut Berger (Thomas). L’ont-ils fait ? Ne l’ont-ils pas fait ? De la même façon que Lewis (Michael Caine), engagé pour écrire une histoire d’adultère qu’il veut tourner à la façon d’un thriller, le spectateur aura tendance à ériger mentalement la possibilité de cette liaison comme une histoire à suspense : il voit littéralement Elizabeth séduite dans un ascenseur par un inconnu. Elle aussi a des doutes concernant la fidélité de son mari ; se sachant tentée, elle l’imaginerait bien – peut-être pour se donner bonne conscience – se taper la jeune fille au pair.
De fait, au fur et à mesure que l’intrigue d’Une anglaise romantique se déroule, la frustration sexuelle du couple se fait de plus en plus palpable. La pression semble impossible à relâcher, d’autant qu’à chaque fois qu’ils commencent à faire l’amour, ils sont interrompus en plein coït, une fois par un voisin curieux – alors qu’ils étaient tranquillement en train de baiser dans le jardin – et une autre fois par leur fils en train de pleurer. La tension augmentera encore lorsque Thomas entre en jeu. Abrupt et grossier, il est tout l’inverse de Lewis. Il s’agit de plus clairement d’un parasite, pique-assiette et arnaqueur : on sent bien que Lewis en est parfaitement conscient, mais pourtant, il lui offre un job. Les motivations du personnage de Michael Caine sont troubles ; on sent confusément qu’il cherche à prendre sa femme en flagrant délit, de mensonge ou d’adultère. Dans le même temps, il cherche aussi l’inspiration pour son scénario, ce « thriller » de la jalousie, du malaise psychologique et de la frustration sexuelle, auquel il commence à intégrer beaucoup d’éléments autobiographiques.
La grande habileté de Joseph Losey réside vraiment dans la façon dont il va faire se confondre la réalité et le fantasme, les obsessions de Lewis commençant à influencer les événements réels. Losey et ses scénaristes Tom Stoppard et Thomas Wiseman déroulent ainsi Une anglaise romantique sans que le spectateur ne puisse jamais déterminer si ce qu’il voit à l’écran est réel ou le fruit de l’imagination de Lewis. C’est d’autant plus clair que le dernier acte du récit intègre de purs éléments de thriller, avec l’apparition de gangsters à la recherche de drogue disparue, les mélangeant avec des lieux romantiques tirant sur le cliché pur et simple. D’un point de vue formel, et pour appuyer encore un peu plus son propos et la délimitation particulièrement floue de la réalité, Losey multiplie les reflets, miroirs et autres portraits au cœur de ses plans. Autant d’éléments remarquables qui contribuent à faire d’Une anglaise romantique un film aussi fascinant qu’énigmatique.
Le Blu-ray
[4/5]
C’est donc sous les couleurs de BQHL Éditions que débarque aujourd’hui Une anglaise romantique au format Blu-ray, et côté image, le master proposé par l’éditeur français est en tout point remarquable : stable, propre, et on notera que le grain argentique a été préservé avec un soin maniaque. Ce qui n’empêche en aucun cas d’afficher une définition précise, un beau piqué et des couleurs éclatantes. L’image est donc au final d’une précision étonnante, les noirs sont profonds et les scènes nocturnes affichent une belle pêche. Côté son, VF et VO sont proposées en LPCM Audio 2.0, et les deux mixages sont d’une belle tenue, nous proposant un rendu clair et équilibré ; l’éditeur nous propose évidemment le doublage français d’origine, tout à fait désuet et charmant dans son genre.
Dans la section suppléments, nous propose de nous plonger dans un entretien avec Eddy Matalon, coproducteur du film (30 minutes). Il y reviendra dans le détail sur la préparation et le tournage d’Une anglaise romantique, tout en évoquant les relations entre les personnages et les acteurs qui les incarnaient à l’écran. Il se remémorera également quelques anecdotes liées à la production du film, et notamment sur le rôle de la jeune fille au pair, que Joseph Losey voulait confier à Isabelle Adjani. Seulement voilà : elle aurait dû, pour intégrer le casting du film, rompre son contrat avec la Comédie Française, Eddy Matalon l’a dissuadé de le faire. Le rôle serait finalement attribué à Béatrice Romand, vue dans quelques films d’Éric Rohmer. Le producteur révélera également que Joseph Losey avait dans l’idée d’adapter « A la recherche du temps perdu » pour le cinéma, mais qu’il n’y est jamais parvenu.